Strictly Criminal

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Réalisateur : Scott Cooper

Date de sortie : 25 novembre 2015

Pays : USA

Genre : Policier, thriller

Durée : 123 minutes

Budget : 53 millions de dollars

Casting : Johnny Depp (Whitey Bulger), Joel Edgerton (John Connely), Benedict Cumberbach (Bill Bulger), Dakota Johnson (Lindsay Cyr)

Encore une fois, la presse nous promettait un film sur « le plus grand criminel de l’histoire des USA », à croire que ce pays est un vivier exceptionnel de tueurs et de malfrats. A chaque fois, l’impression que les archives de la police fédérale ont exhumé une histoire encore plus terrible qu’une autre précédemment adaptée se fait senti. A titre d’exemple, en 2013 c’était les exploits meurtriers d’Iceman, rien à voir avec un énième super héros, juste un tueur sans scrupule, froid comme la glace qui menait une double vie, celle d’un bon père de famille le jour et d’un affreux assassin la nuit. Strictly Criminal réussit son pari et permet à Johnny Depp de redorer son blason terni par des rôles faciles et caricaturaux. Elle lui permet de revenir dans le cercle très fermé des acteurs talentueux, ceux qui savent habiter un rôle (sans artifice grossier) et le rendre bien plus vivant qu’un simple personnage à travers un écran. 

Boston, milieu des années 1970, une guerre de gangs fait rage. Les mafia italienne et irlandaise sont prêtes à tout pour s’emparer de territoires et développer leurs activités criminelles. Dans ce chaos, Jimmy Bulger, caïd local d’origine irlandaise, va passer une alliance avec John Connely, agent du FBI et ami d’enfance, pour réduire les italiens à néant et dominer le crime organisé.

Le film est clairement réussi, c’est sombre, c’est noir, les personnages ont des gueules patibulaires à faire changer les piétons de trottoir. Ça éliminent, il y a des morts, du sang, des larmes, les canons de revolver fument, les dialogues trop longs se clôturent par des tirs en plein cœur, en pleine trogne, un balle bien placée vaut mieux que mille discours, bref c’est un film de gangsters. Construit en chapitres, un par année, 1975, 1981 et 1985, il montre comment Bulger devient de plus en plus fou et dangereux, paranoïaque à en tuer ses proches. Plus il sombre et plus la justice parvient à refermer son étau sur l’empire instauré entre Boston et la Californie. Esthétiquement, le film emballe, les plans et les paysages de Boston montre une ville froide et angoissante. Les costumes, les voitures, le mobilier sont dignes des années où le scénario se déroule, un vrai voyage dans le temps. La musique est intelligemment utilisée, elle sait mettre de la tension quand il faut, préparant parfois au pire quand le ton monte, grince et s’emballe.

Strictly Criminal est surtout une histoire d’amitié, de fidelité, entre John Connely et Jimmy Bulger. Une amitié destructrice pour l’un et profitable pour l’autre. Connely, intègre et sobre agent de l’ordre, devient progressivement un pion, un misérable pantin du mafieux, un De Niro palot en costumes cintrés avec des montres en or au poignet, roulant des mécaniques rouillées. Il protège son ami en le faisant passer pour un indicateur précieux dont les renseignement permettraient au FBI de mettre la main sur d’autres criminels encore plus mauvais. Une grosse plaisanterie à en devenir pitoyable quand on sait ce que fait réellement Bulger de cette couverture : commettre des crimes encore plus odieux. Connely est vampirisé et creuse sa tombe.

Un Bulger qui aurait pu bien offrir à son interprète son premier Oscar. Johnny Depp n’avait pas été aussi séduisant depuis Dead Man en 1995 ! Loin d’un Jack Sparrow ou d’un indien dans le Far West multipliant les pitreries, il est ici, encore grimée certes, mais imposant. Ses yeux bleus, son crâne dégarni, son physique menaçant suscite l’effroi, il incarne le film et lui donne son titre, quelqu’un de « strictly criminal » c’est à dire : le crime personnifié. Il ne montre sa part d’humanité qu’avec deux personnages, sa mère et son frère sénateur. Ce qui offre une scène cocasse, douce et innocente, une parenthèse enchantée, quand ils s’amusent aux cartes et partagent un repas avec eux. Comme si les occupations de chacun avaient été mises de côté.