Union pour la Méditerranée : les réticences de l’Algérie

Le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui doit participer, à Alger, à une réunion du « Forum méditerranéen » réunissant, jeudi 5 et vendredi 6 juin, onze pays du pourtour de la mer, tentera une nouvelle fois de convaincre le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, d’être présent, le 13 juillet à Paris, au sommet de lancement du projet de Nicolas Sarkozy d' »Union pour la Méditerranée » (UPM). Paris, qui souhaite faire de ce sommet un symbole de sa capacité de rassemblement, s’inquiète que le dirigeant algérien réserve toujours sa réponse. M. Kouchner s’était déjà rendu à Alger, le 12 mai, sans obtenir d’assurances.

Les tensions au Proche-Orient fournissent un argument à l’Algérie, ainsi qu’à d’autres pays arabes, pour exprimer des réticences à propos d’une « Union » qui les regroupe avec l’Etat juif. Alors que la venue du premier ministre israélien, Ehoud Olmert, est prévue à Paris en juillet, les officiels arabes ont prévenu qu’ils refuseraient une chorégraphie du sommet qui donnerait l’impression d’une normalisation de leurs relations avec Israël. Ils reprochent aussi à Paris d’avoir poussé, au sein de l’Union européenne (UE), pour un partenariat renforcé avec Israël, qui pourrait être scellé le 16 juin. M. Sarkozy doit effectuer à la fin du mois une visite d’Etat en Israël.

Avec l’Algérie, l’Elysée est engagée dans un exercice délicat. La mauvaise humeur du président Bouteflika à l’égard de M. Sarkozy tiendrait à plusieurs facteurs : la part belle faite par Paris au Maroc, où le président français a développé son idée pour l’UPM lors de discours prononcés à Tanger et à Rabat le 23 octobre ; les espoirs déçus du pouvoir algérien, qui comptait sur un rééquilibrage de la position française à propos du Sahara occidental ; et le constat que Paris a courtisé plus particulièrement l’Egypte (lui offrant la coprésidence de l’UPM) et la Tunisie (en lui faisant miroiter un secrétariat de l’UPM) ; enfin et surtout, la question des visas : Alger répète que le projet euro-méditerranéen « n’a de sens que s’il a une dimension humaine« .

ABSENCES ATTENDUES

Des diplomates français, de leur côté, avancent comme raison des atermoiements de M. Bouteflika son état de santé incertain : « peut-être ne veut-il pas s’engager à une telle distance de la date« , commente l’un. Mais le Quotidien d’Oran écrivait, jeudi, que M. Bouteflika entendait faire payer à M. Sarkozy sa « politique souterrainement hostile à l’Algérie depuis son arrivée à l’Elysée« .

Les incertitudes sur le niveau de représentation de l’Algérie s’ajoutent à d’autres difficultés et absences attendues par les Français. Le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, accueilli en grande pompe à Paris en décembre 2007 par M. Sarkozy, ne viendra pas, arguant de son refus de s’asseoir avec Ehoud Olmert.

La Turquie, qui n’a pas d’enthousiasme pour un projet qu’elle assimile à un succédané à son adhésion à l’UE, n’a rien confirmé. La venue du président syrien, Bachar Al-Assad, n’est pas une certitude non plus, même si M. Sarkozy a déclaré, mardi, qu’il ferait « vraisemblablement » le déplacement.

Le président français a reconnu publiquement que la présence de tous les dirigeants arabes n’était pas acquise. « S’il devait en manquer un ou deux, eh bien, nous verrons bien« , a-t-il dit, mardi, à Rome, lors d’une conférence de presse, « mais ça n’empêchera pas le train d’avancer« .

Après avoir bataillé pendant des mois avec l’Allemagne – avec un succès très mitigé – pour tenter d’éviter que le projet initial d' »Union » soit complètement révisé à la baisse, Paris est aux prises avec, cette fois, un regain de critiques venant de la rive sud. « Les Arabes, notamment les Algériens, nous disent : ça ressemble trop au processus de Barcelone » de 1995, dit-on à Paris. « Le problème, maintenant, ne vient pas tellement des Européens, commentait récemment un haut responsable français, mais du Sud.« 

Florence Beaugé et Natalie Nougayrède (avec Amir Akef à Alger) – Le Monde – 05 Juin 2008

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