Lettre au président de la fédération française de football

A l’attention du président de la Fédération Française de Football, Noël Le Graët

87, boulevard de Grenelle, 75015 Paris 15

 

 

 

 

Objet : coupe du monde de football 2022

 

A Lyon, le 29 Septembre 2013

 

Monsieur le président,

 

Je m’appelle Thomas Porcheron, suis âgé de 19 ans et pratique le football depuis plus de dix ans. Toute ma vie, ce sport m’a suivi, j’ai toujours pris un grand plaisir à y jouer, et c’est aujourd’hui encore ma plus grande passion. Combien de fois ai-je rêvé, comme tant d’autres, de porter un jour le maillot bleu, assis devant mon poste de télévision, tremblant comme une feuille, vivant les rencontres au rythme du ballon rond ? Combien de fois me suis-je imaginé courant sur la pelouse du Stade de France, soutenu par un pays entier, poussé par son souffle ? Ainsi que tous les français, nous avons éprouvé mille joies et peines durant les grandes compétitions internationales, qui ont parfois fait la gloire de notre nation. La coupe du monde nourrit les rêves de chacun, elle fait battre les cœurs, elle passionne les hommes, pendant un mois rassemblés dans un même grand stade, abandonnant les querelles interminables qui les déchirent. Quatre-vingt-dix minutes d’émotion. Voilà ce qu’est le football à mes yeux, à vos yeux, et aux yeux de tous.

 

Mais depuis quelques années, l’argent a gangréné le milieu professionnel, et l’économique prévaut maintenant sur le sportif. Voyez donc ces riches propriétaires, qui n’hésitent à débourser les sommes les plus folles pour s’attirer les services d’un joueur. Néanmoins, si les championnats souffrent d’une image plus que mauvaises, les compétitions internationales semblent encore, aux yeux de l’opinion, échapper à ce poison. Du moins, jusqu’à maintenant. Nous savons tous deux que la nomination du Qatar comme organisateur du Mondial en 2022 est le fruit de la corruption. Mais l’absurdité du choix de la FIFA n’est pas le centre de mes préoccupations. Vous avez sans doute été informé de la mort de 44 ouvriers népalais, cet été, sur les chantiers des infrastructures dédiées à la coupe du monde, qui ne relève certainement pas de simples accidents, mais des conditions de travail des immigrés. Mais selon le quotidien anglais The Guardian, qui a révélé les faits, ce ne sont pas seulement 44 mais plus de 210 hommes qui ont vu leurs jours s’éteindre depuis le début du projet, du fait des conditions de travail indignes. Selon certaines estimations, ce sont plus de deux mille vies humaines qui pourraient être sacrifiées d’ici 2022. J’en arrive donc à ma requête : je vous demande, au vu des abominations qui se sont produites, de retirer la France de la liste des participants au Mondial. Au nom des millions d’enfants qui regardent les joueurs de l’équipe de France comme des héros, au noms des cris de joies que l’on pousse au premier but, au nom des moments magiques que nous avons vécu grâce à ce sport, au nom de ce lien irréductible qu’est le football dans le monde des hommes, je vous implore de boycotter ce tournoi, qui n’a plus rien de sportif. L’argent et la corruption en ont envenimé l’essence. Comment notre grand pays qu’est la France, amoureuse de la liberté, pourrait-elle accepter de fouler un sol qui fut le tombeau des martyrs, tombés sous le coup des fouets ? Comment dirons-nous à nos enfants, que nous avons sacrifié des milliers de vies humaines dans le seul et unique but de pouvoir s’asseoir devant un poste de télévision ? Comment croire au football après cela ?

 

Vous êtes comme moi un grand amoureux du ballon rond. Vous comprenez donc l’indignation et la colère qui m’animent. Je suis conscient qu’un tel acte aurait des conséquences plus que néfastes. Je sais que les français en seraient profondément troublés. Mais j’estime qu’il faut préférer à une terre stérile, desséchée et souillée, une pelouse verdoyante, fertile et respirant la vie. Décidez dès à présent d’être l’honnête perdant,  refusez le rôle du gagnant corrompu, et soyons enfin fiers de porter ce maillot bleu.

 

Sportivement,

 

Thomas Porcheron.