Prostitution : le silence de la honte

« Si les hommes connaissaient la vérité, ils ne regarderaient plus jamais un film porno et n’iraient plus jamais payer pour assouvir leurs fantasmes. Si tous les hommes étaient des humains, ce genre de choses n’existeraient pas » N.M.

C’est l’histoire d’une femme rescapée de la prostitution et abolitionniste, Rebecca Mott, écrivaine britannique, traduit par Ruth Jacobs. 

Rebecca a commencé à faire campagne  pour l’abolition de la prostitution après les meurtres de plusieurs femmes prostituées à Ipswich. Cet événement a été un déclencheur pour elle.  C’est parce qu’elle souffre d’un lourd syndrome de stress post-traumatique (SSPT) qu’elle s’est mise à écrire pour faire état des conditions terribles de la prostitution vécue à l’intérieur. Son travail est en fait de nature politique, plus que de la poésie…

Pourquoi cet article ? Pour vous faire part d’un fait de société mais surtout pour répondre aux pensées bien regrettables de ceux et celles qui disent que celles qui font ça, c’est qu’elles le veulent bien, et aussi, qu’on en a bien besoin…

J’ai abordé le sujet sur facebook en mettant en lien le blog de Rebecca. Là, une femme, Cécile me répond en commentaire :

« Oui, cela m’a longtemps dégoutée, mais, ce métier, s’il n’est pas subi (car il y a des filles qui le font par choix, peu, je suis d’accord) est "utile" aussi ! Il y a des messieurs, qui ont un gros besoin de sexe, ou qui ont besoin comme les autres, et,… qui soit sont handicapés, soit franchement laids, ou je ne sais quoi, franchement timides. Et alors, pourquoi ces messieurs n’auraient pas le droit à une vie sexuelle eux aussi ? Enfin, bref, ayant travaillé dans une association auprès d’un public handicapé, j’ai bien changé d’avis sur le sujet. Mais non au proxénétisme ! Mais oui pour la prostitution libre ! Et vive le féminisme aussi ! FAIRE CE QUE L’ON VEUT DE SON CORPS dans le respect d’autrui ! »

 

Je ne peux pas être d’accord… dans ce cas-là la grand-mère de 90 ans toute fripée a elle aussi le droit à un homme prostitué parce que la pauvre elle est handicapée par sa vieillesse.

 

Cécile : « Mais si elle a envie pourquoi pas ? Beaucoup de vieilles personnes qu’on  le veuille ou non on encore une vie sexuelle. »

 

Il existe tant de mensonges et de mythes entourant la prostitution… Je fonce sur le net à la recherche d’une réponse appropriée et je trouve sur le blog de Rébecca ce paragraphe :

 

 "Un mythe très répandu, et qui est selon moi un mythe extrêmement dangereux, est le mythe que la prostitution est acceptable si la femme prostituée est entièrement consentante. Cette idée présente la prostitution comme une relation d’affaires entre égaux. Il y a un acheteur et la personne achetée, qui lui est en quelque sorte rendue égale.

Mais lorsque vous êtes achetée, vous devenez une marchandise, on fait de vous moins qu’une personne humaine.

Être achetée, c’est perdre le droit de dire non à tout acte sexuel, aussi violent et dégoûtant qu’il soit pour vous.

Être achetée, c’est devenir un ensemble d’orifices et de mains que le prostitueur va consommer en s’y masturbant.

Où est l’égalité dans tout cela ?" (http://sisyphe.org/spip.php?article4068 )

Je lui demande si elle en voit beaucoup, elle, d’hommes prostitués dans les rues ?

 

Cécile : « J’ai vu des reportages ou la fille avait choisi ce job… »

 

C’est souvent ce qu’elles font croire, lui dis-je…

 

Cécile : « Non, mais s’il y en avait qui ferait ça par vrai choix, alors pourquoi pas ? »

 

Je lui demande de lire cet article :   http://sisyphe.org/spip.php?article4311  qui explique que le travail du sexe est une arnaque.

« Cette expression dissimule le fait qu’il s’agit d’un système qui repose sur une dynamique de pouvoir entre esclave et propriétaire. (…)  Le déni fait du bien, mais ce qui est horrible, c’est le traumatisme résultant pour les personnes prostituées qui ont la chance d’échapper à cette condition et qui arrivent à reconstruire leur vie. »

 

Et Cécile qui revient à la charge… : « Et je suis pour la réouverture des maisons closes d’ailleurs. »

 

Ouh que ça m’a mise en colère ça !

 

Pourquoi ? Parce que tu penses qu’il y aura moins de violeurs dans les rues ? A choisir vaut que mieux que ce soit la prostituée qui se fassent violer derrière ces portes closes, ça se voit moins…

Pour reprendre ton exemple pour ces pauvres hommes moches… Ces moches ne sont pas moches pour tout le monde. J’ai déjà rencontré des hyper moches avec des hyper belles et vice versa. Quand on aime on trouve du charme à la personne qui nous fait face, même avec un physique qui ne va pas nous faire pâlir…

Pour reprendre ton exemple de l’homme handicapé, il y a des femmes qui tombent amoureuses d’hommes handicapés et qui arrivent à avoir une sexualité, et vice versa. Maintenant c’est sûr que si on n’oublie l’amour et qu’on ne pense qu’au pure plaisir des organes génitaux alors oui les pauvres…

Et pour reprendre ton autre exemple de ceux qui ont un gros besoin de sexe, et bien ils n’ont qu’à se masturber un peu plus souvent ou faire une psychothérapie ! En tant que femme, si je reprends ton tout premier commentaire, tu ne penses qu’à ces pauvres hommes, tu ne mentionnes à aucun moment les éventuels besoins de la femme moche, handicapée ou timide. Pourquoi ? Parce que tu n’y as pas pensé ? Et pourquoi ? Parce que partout autour de toi on t’endoctrine d’une façon ou d’une autre en te montrant que les femmes doivent se prostituer pour les hommes et pas l’inverse. Où est l’égalité ?

Extrait d’un autre article : "Le dernier de ces mythes – et le plus ridicule – est que la prostitution doit exister, sinon les hommes vont mourir ou être forcés de violer de « vraies » femmes, en l’absence d’un approvisionnement constant de la classe prostituée.

Eh bien, personnellement je pense que les hommes sont meilleurs et plus forts que cela.

Aucun homme ne mourra de ne pas avoir accès à des personnes prostituées, non, sa queue ne tombera pas s’il est incapable d’acheter du sexe.

Aucun homme ne peut utiliser l’excuse pathétique qu’il lui faudra violer n’importe quelle femme s’il n’a pas le droit de payer pour déverser cette haine sexuelle sur la prostituée.

Êtes-vous réellement en train d’affirmer qu’il est acceptable de violer et de torturer sexuellement les gens de la classe prostituée, sous prétexte que ces personnes sont à ce point des sous-humaines qu’elles ne ressentent aucune douleur, aucune terreur et que, de toute évidence, leurs blessures internes et externes sont simulées ? Est-ce là ce que vous dites ?" http://sisyphe.org/spip.php?article4068

 

Cécile, pardon d’être si remontée pour ce genre de sujet, mais j’ai connu une de ces femmes qui s’est confiée à moi il y a longtemps et qui est décédée maintenant de ses bourreaux… Et elle m’a raconté faire semblant de dire que c’était tout à fait ce qu’elle  voulait, qu’elle le faisait  librement. Et son mac (un de ses macs, parce qu’ils la faisaient tourner)  l’a aussi emmené voir quelques handicapés comme ceux avec qui vous travaillez, et vous ne pouvez pas vous imaginer l’horreur que c’est que de faire semblant avec quelqu’un pour qui il n’y a aucun sentiment et qui vous dégoûte… et à cette époque faire croire que c’était ce qu’elle voulait était plus facile pour passer la barrière psychologique… et elle n’était pas la seule comme ça, nombreuses sont les femmes prostituées à dire  la même chose. Si elles osent dire en public que c’était par libre arbitre, c’est souvent par peur des représailles !

 

Cécile :« Oui, c’est sûr que vu comme cela, ça fait réfléchir autrementEn tout cas merci pour cette conversation. J’apprécie les gens francs. Et pour les remises en questions pour le coup, grâce à ça, j’ai encore appris quelque chose d’autre sur ce sujet des plus délicats.»

 

Merci… Pour elles…

 

Cécile : « Mais en voulant faire croire qu’elles assument, et bien les filles orientent terriblement les gens dans l’idée que finalement pour certaines, c’est pas si terrible… »

 

Grrr ! Bon, voici un extrait de l’article : « Pourquoi pas un BEP fellation dès la 3ème tant qu’on y est ?

 

"Certes, des femmes peuvent affirmer qu’elles consentent à la prostitution tout en étant libre, mais encore faut-il voir dans quelles conditions de vulnérabilité sociale, économique s’opère ce consentement." et "La majorité des prostitués ont connu dans leur enfance des maltraitances physiques et sexuelles (inceste, pédophilie, viol), des négligences graves ou des abandons. Le choix de se prostituer pourrait donc également se comprendre, au moins partiellement, comme un comportement autodestructeur séquellaire d’un traumatisme précoce." et encore "Si le proxénétisme était pénalisé, comme vous le réclamez, les prostituées consentantes et libres risqueraient de le payer cher…

On ne peut pas, au nom de certaines personnes, sacrifier la majorité des femmes qui subissent la prostitution. C’est un choix de société."

 

Cécile : "Contente de participer à un changement d’idées à la con. Les échanges font avancer. Je te soutiens dans ta démarche".

 

Merci à toi Cécile. Si chaque lecteur qui pense comme toi au début pense comme toi à la fin de cet article, alors c’est un grand pas en avant pour l’humanité.

 

J’ai posé la question à un ami psy, je voulais avoir son opinion sur le sujet. Voici ce qu’il m’a dit :

« Avant d’aborder rapidement le sujet, je voudrais mettre en avant une notion essentielle : la naissance applique et implique la différenciation sexuelle : féminin/masculin, fille/ garçon. Et cette différenciation demeurera durant toute la vie de l’individu. Femmes et hommes sont différents de fait. Le nier ou vouloir en faire une égalité est nier la réalité.

En osant une Lapalissade, je dis qu’une femme est une femme et qu’un homme est un homme, ce qui signifie que si une femme était un homme, elle se comporterait alors comme un homme, et inversement.

Une femme ne peut parler de l’homme qu’en tenant compte de cette différenciation, et inversement, et si elle raisonne comme une femme en parlant de l’homme, elle biaise le discours (inversement pour l’homme).

Ceci posé, on ne peut s’attarder que sur le comportement de chacun, en ce sens que cette différence ne doit pas empêcher le respect de chacun, et c’est là que cela se corse souvent…

Que l’homme soit davantage "porté" sur le sexe, cela tient de sa nature profonde, mais qu’il en fasse une priorité, un pouvoir dominant, une fixation, une obsession, quelque chose de "vital" pour lui…, là le bât blesse, et son comportement devient alors répréhensible car préjudiciable envers la femme.

Comme on dit souvent, ce n’est pas l’objet en lui-même qui peut poser problème, mais ce que l’on en fait… Et le sexe n’échappe pas à ce dicton !

Ceci dit, revenons alors au comportement de certains hommes (attention à ne jamais généraliser !) par rapport au sexe et par rapport aux femmes : la prostitution, si elle est violence (et il y a nombre de sortes de violences), ne doit pas exister ! Non plus si elle est commerce !

L’homme n’est pas un animal, et si besoins primaires il a, il peut aussi apprendre à les gérer : méditation, sport, relaxation, médicaments, psychothérapie… Les hormones ont bien souvent bon dos…

Et comme je dis aussi souvent, plus fort que soi, c’est soi !

Mais cette société de consommation favorise certains à ne plus rien vouloir gérer, à ne plus faire d’efforts, à ne plus vouloir d’interdits, à satisfaire dans l’immédiateté ses moindres désirs, à victimiser, à déresponsabiliser…

Les valeurs disparaissent, entre autre celle qui se nomme respect, de soi et de l’autre (souvent liés), et quand le respect est absent de la relation, on entre vite dans une relation dominant-dominé, relation de déséquilibre, où seul l’égoïsme de l’un prime sur l’autre, cet autre n’existant alors plus que comme objet et non plus comme sujet. On peut être objet de désir seulement si on demeure sujet.

En ce sens, si les deux personnes se respectent mutuellement, alors tout peut être possible et acceptable. L’authenticité de ce respect reste à vérifier… Mais dans le cas de commerce, d’argent, tout est différent.

Je ne condamne ni ne juge, de quel droit le ferais-je, nul n’est à la place de ces filles, dans leur situation familiale, conjugale, sociale…

 

Voilà, cet article est loin d’être fini si on devait rentrer dans tous les détails, mais vous avez là les clés pour comprendre la tourmente que subissent ces filles. C’est surtout à vous messieurs, que je m’adresse. La prochaine fois, avant d’aller acheter une femme, réfléchissez-y en deux fois…

 

Sources :

http://sisyphe.org/spip.php?article4357