The Lobster

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Réalisateur : Yorgos Lanthimos

Date de sortie : 28 octobre 2015

Pays : Grec, Britannique, Néerlandais, Irlandais, Français, Américain

Genre : SF, Drame

Durée : 114 minutes

Budget :

Casting : Colin Farrel (David), Rachel Weisz (la myope), Jessica Barden (celle qui saigne), Olivia Colman (la directrice de l’hôtel), Léa Seydoux (la chef des solitaires), Ben Whishaw (le boiteux)

Les films primés à Cannes sortent au goutte à goutte dans les salles obscures. Peu de temps après la palme d’Audiard pour Dheepan l’année dernière, ce fut le tour du prix du Jury de Yorgos Lanthimos pour un étrange film avec un étrange titre : The Lobster. Un nom peu commun pour un film (homard en français), certes beaucoup d’animaux ont eu le droit à être cités dans un titre mais pour le crustacé, ça doit être une première. Le metteur en scène grec aime le surréalisme, triturer les aspects les moins reluisants de la société, en sortir une leçon pas toujours morale, surprendre le spectateur en brisant les codes : Canines, Attenberg et Alps, chacun dans son genre. Ce prix est il mérité ?

Lanthimos place l’intrigue de son nouveau film dans une réalité fictive mais ressemblant fortement à la notre. Dans cette dystopie tout le monde doit vivre en couple. Si le destin provoque le célibat, divorce ou mort du partenaire, le conjoint est immédiatement placé dans un hôtel où les locataires ont 45 jours minimum pour trouver l’âme sœur. Construire une nouvelle vie à deux avec des sentiments inexistants. Dans le cas contraire, la punition est appliquée, être transformé en animal de son choix. En marge de l’ordre établi, vivent les Solitaires, vus par les autorités comme de dangereux anarchistes.

The Lobster pince au vif. Une brillante réussite de part son scénario, sa forme et ses interprètes. Lanthimos joue des métaphores, il prend comme sujet de dissertation la situation sentimentale mais il critique ouvertement toute forme d’extrémisme. Réflexion en écho avec la politique grecque passée d’un extrême à l’autre ces dernières années. Très malin, il joue avec David en le faisant passant du côté des partisans du mariage à celui des dangereux fervents du célibat. Une technique bien habile pour constater comment se manifestent les deux idéaux. Autant dire, l’un n’est pas mieux que l’autre. Les deux commettent des atrocités. Chez les chantres de la vie en couple, se masturber est puni par une main coincée dans un grille pain. Pour comprendre que la vie est mieux à deux, la propagande use de saynètes pathétiques et de mises en situations cocasses telles que : attacher une main dans le dos durant toute une journée rendant des actions simples beaucoup plus complexe. Chez les Solitaires, un baiser est synonyme de lèvres coupées au rasoir, pas de pitié ! La tombe se creuse en solo, personne ne le fera autrement. Pour Lanthimos le surréalisme est une arme dézinguant les diktats. Être en couple ou célibataire, les deux ressemblent à l’enfer, ça fourmille de détails et de réflexions pertinentes.

The Lobster est drôle mais inquiétant, un certain malaise s’en ressort, nous sommes face à une société déshumanisée où l’amour n’existe plus. Les humains se conduisent comme des robots qu’une « force supérieure » aurait simplement couplés suivant une réflexion binaire. Plus de passion tout est aseptisé. Ce fameux hôtel est un laboratoire de la société, une version miniature du monde. Il est bien effrayant, dictatorial et liberticide car tout est sous contrôle, de l’arrivée à la sortie.

Que dire des acteurs sinon qu’ils sont brillants. Colin Farrel s’est enlaidi, mis des kilos supplémentaires et porte une moustache qui lui donne un air de beauf sympa mais déconnecté et désinvolte. Léa Seydoux, étonnante en VO, dans un anglais quasi parfait, joue merveilleusement la chef des Solitaires, son teint clair et froid accentuant son air cruel. Rachel Weiz, bien que juste ne montre pas la plénitude de son talent, étant confinée à un rôle pas très drôle. The Lobster reste un film magnifique plein de richesses où l’on s’amuse beaucoup à ausculter une société dérangée et dérangeante.