Siné Mensuel nº 52 : un coup de jeune, un, chaud devant…

On imagine bien que le toujours jeune octogénaire Siné brûle d’envie de rejoindre les gamines et gamins qui passent la nuit place de la République à Paris pour protester contre un peu tout, de la loi sur le travail aux Panama Papers en passant par le coût des loyers ou celui du demi en terrasse. Hélas, consigné de nouveau sur lit d’hôpital, il doit se contenter de leur dédier la couv’ du numéro d’avril de Siné Mensuel


Les PP (Panama Papers) ont fait irruption dans l’actualité un peu trop près du bouclage de Siné mensuel pour que pépé Siné s’en empare… Il n’en est donc pas question au sommaire de ce nº 52 dont la couverture encourage les jeunes contestataires : foutez la chienlit et ne mollissez pas, sois jeune et ouvre-la…

Les sujets de mécontentement ne manquent guère à ce sommaire. Ainsi, Maud Dugrand s’est penchée sur la disparition du sable dans les Charentes. Pas tellement celui des carrières, qui finira bien par s’épuiser, mais celui du littoral qui régresse. Ce en raison surtout de l’aménagement touristique et urbain qui coupe les plages des dunes constituant leurs réserves. En sus, des permis d’extraction de sable sont concédés à des industriels qui ne font pas de détail.

Léa Gasquet creuse un peu davantage le dossier des affaires juteuses des laboratoires de pharma, les officiels, et les autres, clandestins, qui retirent de la vente de faux médicaments jusqu’à 400 fois leur mise (pour la came, la horse, la culbute n’est que de vingt). Il faut concevoir que le prix des faux est directement proportionnel à celui, exorbitant, des vrais. Exemple, le Sofosbuvir, vendu légalement un millier d’euros la pilule. Les pouvoirs publics laissent faire, il ne faut pas bousculer le secteur industriel de la pharmacie et désespérer davantage Cahuzac… On comprend que ce dernier, en sus de son compte en suisse, pouvait domicilier du pognon aux Seychelles, via Panama. Œuvrer en coulisses pour les gros labos, cela doit rapporter très gros.

En Grèce, on ne sait pas, mais en Italie, les migrants, les réfugiés, cela paye maousse-costaud. Pas autant que les faux médocs, mais plus que la drogue. Filippo Ortona s’est intéressé aux activités « humanitaires » de la mafia et des intermédiaires véreux. Cela tombe bien pour eux : alors que les pays d’Europe centrale renforcent leurs frontières, que Merkel fricote avec Erdogan (qui déporte les réfugiés syriens en Syrie), les côtes italiennes retrouvent tout leur attrait…

Dans Le Monde, on retrouve Nanard Tapie et Dédé la Sardine (André Guelfi) embrouillés dans l’histoire des PP. Ce n’est pas tellement à ces deux comparses que s’intéressent, dans le même journal, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues, mais à l’oligarchie, et à ses complices à la tête des divers États (dont l’équipage du « paquebot de Bercy qui vogue sous pavillon de complaisance »), qui bénéficie de l’évasion fiscale en creusant les déficits publics. Eh, oui, pour faire des riches, il faut de très nombreux pauvres, et les appauvrir. Mais aussi récompenser la technocratie politico-financière qui fait grimper le poids des impôts auxquels les plus riches échappent. Si pas vu, pas pris, tout va bien, si chopé la main dans le sac, on pourra toujours s’arranger entre gens se comprenant, entre hauts-fonctionnaires et futurs employeurs potentiels. On négociera l’amende qui vous épargnera la correctionnelle. Dans Siné mensuel, le sociologue Bernard Lahire ne creuse pas cet aspect des choses mais dénonce un mécanisme plus global. Il faut que les pauvres soient persuadés que tout va bien dans le meilleur des mondes. Et gouvernements et médias classiques s’y emploient. Il est seriné que « les pauvres sont responsables d’être pauvres et les riches d’être riches. Si c’était aussi simple, on ne voit pas pourquoi tout le monde ne ferait pas le choix d’être riche, célèbre et éduqué ». Faute de refuser de serrer la main à un Sarkozy qui lui lancerait un « casse-toi, pauv’ con », Bernard Lahire décline les invitations à déjeuner à l’Élysée. « Si les intellectuels qui se disent de gauche refusaient tous d’y aller, le pouvoir se sentirait un peu seul », remarque-t-il. Bah, le pouvoir s’arrangerait alors pour se faire convier à la table des BHL et consorts. Ils disposent parfaitement des moyens de recevoir. Et entre mignardises et digestifs, on trouve toujours le temps de papoter dégrèvements et arrangements fiscaux.

Sinon, quoi d’autre ? Léa Gasquet a rencontré Tofan, 23 ans, un Afghan, réfugié. Antoine Lopez fait le point sur l’agriculture 4-0 (en fait 4.0, mais c’est bien quatre contre zéro pour les plus gros exploitants et les dirigeants de la FNSEA). Maud Dugrand s’interroge : pourquoi donc Hervé Mariton, député-maire LR de Crest (Drôme) rechigne-t-il à faire changer les canalisations de sa commune qui charrient du plomb ? Il le récupère en douce pour le revendre aux ferrailleurs, ou quoi au juste ?  Et puis, et puis, plein d’autres trucs que je suis trop flemmard pour les évoquer…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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