Santé mentale ou santé létale

A propos d’une légalisation par l’état de la fonction de psychothérapeute. Cette loi proposée par Bernard Accoyer visait sournoisement les psychanalystes.


A partir du moment où la psychanalyse a été reconnue officiellement, cette reconnaissance a entraîné son agonie, voire sa mort. Enfin Lacan vint et à partir de la refonte qu’il a effectué des concepts freudiens comme de la référence à l’éthique du psychanalyste, il a évité que la psychanalyse aille à l’égout en France.

Pourquoi tant de types de psychothérapies dans notre pays ?

Plus de 400 ! J’y vois autant d’avatars de la psychanalyse, à savoir des systèmes plus ou moins liés à l’idéologie dominante qui s’en servirait pour faire écran à la psychanalyse. Non pas que cette dernière se situe en dehors de l’appareil idéologique d’état, mais par le cheminement des vérités qui se font jour chez les analysants, il est certain que les sujets en question détectent très vite dans les discours dominants qu’ils soient parentaux, politiques, ou télévisuels, les strass et les paillettes qui scintillent sur les mensonges, les manipulations, les rapports de force, les croyances, et la pseudo-culture mercantile qui sévit actuellement.

Les psychothérapies infléchissent une adaptation socio-culturelle, un mieux-être, un moi consolidé et flatté.
La finalité de la psychanalyse n’est en rien dans ces agapes si tant est qu’il y ait une finalité psychanalytique. La psychanalyse vise la différence absolue tant sexuelle qu’intellectuelle, la créativité, une vérité toujours remise en cause et l’amour, un amour hors de l’incestocratie qui règne dans notre culture. Cette visée passe par une déconstruction du moi, la dissolution des identifications, la ruine des fantasmes, la découverte de la solitude fondamentale et la confrontation à l’angoisse existentielle. C’est dire à quel point l’analyse est l’expérience de la perte de tous les pouvoirs et celle du manque radical. L’analyse n’est donc jamais close et le passage par ce qui est décrit ci-dessus voué à l’impossible auquel nous sommes tenus.
Car la psychanalyse a toujours échappé au pouvoir politique. Elle crée dans le meilleur des cas des effets de liberté tant de pensées que de comportements qui fait d’elle l’ennemie des états. L’appeler dans le giron étatique représente une main-mise sournoise tant sur la pratique que, par voie de conséquence, sur le théorique, et ce dans le but de son éradication pure et simple. Lorsque la psychanalyse épouse les pouvoirs, elle perd son nom et s’appelle alors prothèse médicamenteuse, thérapie familiale, cellule de crise psychologique, etc.
Si des personnes se présentent en tant que victimes de thérapeutes indélicats, leur responsabilité individuelle se trouve totalement engagée de fait et ne peut être déplacée. Mais que dire d’une société où l’on dépose plainte contre un maire à propos d’un accident sur un trottoir en travaux, contre la météorologie parce qu’elle n’a pas prévu grêle et foudre, contre la régie française des tabacs parce qu’un fumeur a contracté un cancer ? Peut-on demander à la fois la liberté de nos actions et l’assistanat étatique ? L’assistanat appelle et autorise l’état à faire ingérence dans nos vies privées.
La garantie de l’état —de cet état actuel plus policier que jamais— n’est qu’un leurre qui masque une surveillance et une immixtion dans l’ordinaire des psychanalystes. Ces derniers n’ont besoin ni de laisses, ni de cordons ombilicaux, ni d’une maman étatique qui regarderait sous leur drap, ni d’un papa justicier qui les défendrait ou les punirait. Si les psychanalystes se laissaient aller à accepter que l’état fourre son vilain nez dans les divans, ce serait la mort de la psychanalyse en France.

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