POURQUOI ILM’EST IMPOSSIBLE D’ECRIRE SUR LE MAGNIFIQUE LIVRE DE SYLVIE CROSSMAN ?

Texte en travaux ….eT inachevé…

PRECAUTION D’EXERGUE A L’EXEGESE OU COMMENT  ECHAPPER A L’IMPOSSIBILITE D’ECRIRE SUR <<SŒURS DE PEAU>>

Avant tout : dire que tout œuvre ou ouvrage digne de ce nom est une énigme et devra le rester, tout commentaire étant en effet un exercice périlleux, et cela à plus d’un titre : il est d’abord vain, et il souffre d’infériorité qualitatif face au texte littéraire dont il rend compte.                         

Vain,  parce que devant un texte abouti, c’est-à-dire, d’une certaine façon intouchable dans sa propre complétude, le commentaire ne peut, le plus souvent mais pas toujours heureusement, que déséquilibrer l’architecture d’ensemble de mots et de sens, quand il ne démolit pas tout simplement l’édifice, par un jugement hâtif, paresseux, normalisateur, et/ou convenu. Le faisceau subjectif du lecteur/commentateur en balayant puis s’arrêtant sur certains points, et en négligeant d’autres, se prive peut-être de l’essentiel caché entre les lignes. Dans ce cas, même et surtout élogieuse, même et surtout hyper laudative,  la <<critique>> devient alors assassine.

Le commentaire est donc souvent vain, et cela tout simplement parce que le texte originel  auquel il  se refaire se suffit à lui-même dans son unicité, sa singularité saisissante, sans avoir besoin de la paraphrase anecdotique, de l’obséquiosité bavarde ou du scalpel maladroit, aveugle ou même dithyrambique.

Mais ce n’est pas tout : de vain, le commentaire peut, en effet très rapidement, courir le risque de devenir vaniteux ;  l’exégèse donne des leçons, l’exégèse écrase ce qu’elle devrait considérer avec toute la délicatesse du monde, l’exégèse abîme, elle parasite en devenant réponse inutile, écho sans fin d’une matrice induplicable dont elle fait perdre signification et substance au profit d’un pâle reflet construit sous l’égide des règles parfois mesquines inscrites dans les grilles de lecture qui  ne savent, par excellence, qu’identifier,  c’est-à-dire peu ou prou reconnaître et non anticiper la nouveauté qui tiendrait dans une production inouïe.  

En effet, alors le texte prend enfin sa revanche et reste muet, inaccessible, et n’est-ce pas justement quand le lecteur sort son trousseau de clefs et qu’aucune ne fonctionne, qu’on a à faire à la part indéchiffrable d’un texte avec ses vides et ses impasses, dont la grille interprétative habituelles explose, et que de ne pas montrer dans l’immédiat les pistes pour le comprendre, des outils pour le saisir il devient monstrueux ?  C’est pourtant et sans doute quand le texte ne livre pas de mode d’emploi de sa compréhension par le système habituel de lecture qu’il côtoie l’excellence, en restant à jamais enigmatique, et à l’humus si riche qu’il demeure insaisissable.

Avec un peu de provocation, je pourrais même affirmer que la poésie d’un texte se reconnaîtrait presque à l’échec systématique de toute possibilité de commentaire à son sujet.

La seule issue possible d’échapper à l’aporie de toute exégèse serait à mon sens : écrire un nouveau texte qui ne sera pas positionné verticalement du texte original mais à ses côtés ; Voila ce que je pense être le seul commentaire respectueux (ce qui ne l’empêcherait en rien d’être flingueur).qui vaille.

L’impossibilité d’écrire quelque chose sur un livre se double ici du fait de la particularité de nos relations : une auteure et une éditrice mais aussi, la première fois de l’auteure face à la femme de lettres et de déserts aguerrie (ça vous a guérie de mener la guerre là, non ?) ET éditrice. Comment ne pas balbutier ou trébucher ou comme maintenant : se perdre dans une espèce de théorie fumeuse et de propos pompiers ?

 

NOS IMAGES, NOS EXERGUES, ET NOS DESERTS COMMUNS

 

Dès la dédicace << Au désert,  qu’il faut savoir traverser >> quelque chose est transmis, quelque chose qui touche au sublime et voilà sans exagération aucune, pour quelles raisons :

<< Mettre à l’abri toutes les images du langage et se servir d’elles, car elles sont dans le désert, où il faut Les chercher>>.

On a en effet coutume de dire que ce serait les derniers mots écrits par Jean GENET, avant de se casser la figure en allant aux toilettes de ce sordide hôtel du 13ième (le Jack’s Hôtel) où il n’avait pas ses habitudes. L’éditeur du magnifique UN CAPTIF AMOUREUX a donc pris la décision de placer cette phrase en exergue de ce livre.

Vous, Genet, moi : quels déserts sommes-nous devenus à force de les avoir traversés ? J’affine l’interrogation : Quels sont nos déserts communs ? Comme quand on  ressent cette agaçante, voire douloureuse, impression d’avoir <<un mot au bout de la langue>>, sans pour autant mobiliser assez de .mémoire pour le prononcer, ni  assez de capacité de détachement pour réussir à  l’oublier totalement, je saisis intuitivement  ces déserts communs mais je sais aussi que je serais incapable d’en prononcer les noms ou d’en tracer les contours.

Je lis très, très lentement, mais je n’oublie jamais, et ce qui est étonnant, et cela dès les premières pages, sinon les premières lignes de Sœurs de peau, j’ai eu vraiment l’impression qu’il existait, quelque part, ailleurs, je ne sais où, une sphère dont la matière est faite de  sensibilité, et que c’est là qu’on vivrait vraiment dans le rapprochement par affinités des êtres :  les mêmes aspirations, la même fibre nerveuse, les mêmes interrogations, thématiques et problématiques, les retrouvailles dans cette intersection des imaginaires – même si les modes de fonctionnement, les modes de vie divergent, – la même puissance métabolique, les mêmes refus et la même force intransigeante dans les exigences. Dans cet espace sans géométrie précise, dans ce monde en dehors du monde, ce hors champ,  ce serait rien de plus ni de moins une vie commune qui se vivrait ensemble et où se jouerait le spectacle au grand jour de nos similitudes. Oui : une vie non terrestre qui relierait dans l’immédiateté nos existences respectives, existences, dont cette partie de nous-mêmes restée dans le carcan de ce qui est défini par << la vie réelle>> s’avère être minuscules : nous sommes des alias déchus se mouvant dans une vaine agitation. De simples avatars. Et parfois, oui, parfois, il existe de VRAIES RENCONTRES des RERENCONTRES en fait puisque nous nous connaissons déjà, ailleurs (littéralement : des COINCIDENCES).

C’est à partir des pages 44/45 que je fais intrusion dans la chambre des deux souffrantes et alors que << tous les soignants avaient déserté l’hôpital, les infirmiers et même le médecin indien, comme s’ils acceptaient que cette nuit appartint à d’autres, à nous, ces blessées qui nous dressions contre leurs soins. >> Magnifique ! Ces mêmes blessés, ce sont également nous les lecteurs laissés seuls avec cette écriture là. Cela me fait un peu penser à ces mots de Christiane Rocheford dans son livre : LE MONDE EST COMME DEUX CHEVAUX : <<Ecoute petit être…(…) tu as pris le soin de cracher à la gueule de tes consolateurs…>>.

Oui, moi lectrice, j’occupe leur chambre et tout ce qui s’y passera appartiendra à ce monde qui écrit de si beaux livres et a donné de si bonnes notes à mes dissertations ; Celui là, pas celui, composé, pourtant des mêmes personnes, qui m’ont rejetée et me rejetteront dans ce qu’ils appellent <<la vrai vie>>. Pas fréquentable dans cette dernière, je ne sais pas bien me tenir en société, mais dans cette chambre là avec la journaliste et l’Aborigène, je commence vraiment à m’y sentir bien et bien acceptée. De mieux en mieux.

Et alors à l’instar de la protagoniste, je romps << rompre pour vivre enfin, pleinement, librement, selon la loi que je pressentais depuis toujours et qui m’envoyait, pour me guider, ses petits signaux étincelants, clignotant sur l’horizon, (…).>>(P. 45).

Comment avons-nous donc découvert, vous, Sylvie, et moi, Brigitte que ce sont des personnes blessées qui seules sauront panser nos plaies, et peut-être même sauver notre peau ?

Ces personnes blessées qui possédent la beauté de refuser les remèdes de ceux qui <<appliquai(ent) (…) les certitudes écoeurantes de notre race immobile ?>> (p. 46);

Merci à toi, SYLVIE ! (car on se tutoie maintenant…);

Brigitte Brami, Paris, le 1er novembre 2010

Soeurs de peau, de Sylvie CROSSMAN, Albin Michel Editeur, 18 E.

3 réflexions sur « POURQUOI ILM’EST IMPOSSIBLE D’ECRIRE SUR LE MAGNIFIQUE LIVRE DE SYLVIE CROSSMAN ? »


  1. L’après le grand succès d’HESSEL, la sortie d’un petit livre, aux mêmes éditions, dans la même collection Et cette fois-ci d’une inconnue moi : (Bigitte BRAMI (sic) !) : LA PRISON RUINÉ 40 pages pour 3 euros.

    Voici ce qu’en dit mon éditrice Sylvie Crossman : Brigitte Brami, 46 ans, a passé cinq mois à la maison d’arrêt des femmes à Fleury-Mérogis. Elle en rapporte ce petit chef d’œuvre de pensée et d’écriture, à contre-courant de tout ce qui s écrit et se dit sur la prison aujourd’hui, où la littérature retrouve sa force de vérité et d’engagement.

  2. [b]Ô PROBITé !!![/b]

    [b]De la chair à l’esprit de la chair,
    De l’esprit de la chair à la poésie de la vie,
    De la peau easy de la vie… ô lyrisme de l’instant partagé ![/b]
    [b]le corps est l’énergie, le souffle, le mouvement qui nous propulse de notre vacuité originelle en l’élan vital de toute condition, notre engagement. [/b]

    De l’espérance à l’espoir… tout n’est-il point déjà dévoilé ? De l’espoir en la vacuité, voilà que les [i]codes[/i] se compliquent, me rétorquerez-vous. Mais j’y reviendrai(s), très prochainement, s’il m’est loisible de le faire ici.

    paul_le_poulpe
    le sus_nommé_tuco_benidicio_pacifico_juan_carlos_ramirès_avata

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