Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite 72,

son procès pour haute trahison, fin.

 

 

La Haute cour de justice existait dans la Constitution de la IIIème République, créée par les lois des 16 et 24 février 1875. L’article 12 de la loi Constitutionnelle du 16 février 1875 précise que le président de la république ne peut être mis en accusation que par les députés et jugé par le sénat. L’article 9 de la loi du 24 février stipule que le sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger soit le président de la république, soit les ministres, et pour «connaître ?» les attentats commis contre la sureté de l’État.

Il fut prévu que si les dirigeants de l’État commettent des actes de haute trahison, le Sénat s’organise en un tribunal, intitulé Haute cour de justice. Les Sénateurs sont donc appelés à juger les fautifs, président de la République, ministres, hauts fonctionnaires.

Par l’acte constitutionnel n°5 du 30 juillet 1940 le maréchal Pétain décrète la suppression de cette compétence du Sénat, article premier. Il est institué une Cour suprême de justice dont l’organisation, la compétence et la procédure seront réglées par une loi, article 2.

De fait, par la loi du 30 juillet 1940, la Cour suprême de justice fut chargée de juger les dirigeants de l’État en cas de délits, crimes «ou d’avoir trahi les devoirs de leur charge». Le 8 août un texte complémentaire précise que la Cour suprême de justice siègera à Riom.

La période des faits jugés par la cour allait de 1936, arrivée du Front populaire au pouvoir, à 1940, ce qui fut l’année à laquelle le maréchal Pétain reçu les pleins pouvoirs par les deux assemblées réunies en Congrès. Il fallut éviter de remonter avant 1936, faute de quoi certaines autorités du régime de Pétain pouvaient être mises en cause, dont Pétain ?, ministre de la guerre en 1934 dans le gouvernement Doumergue, lire France en guerre ministre de la guerre Pétain .

Les «crimes» commis ont été définis rétroactivement, c’est-à-dire qu’à l’époque des faits, les crimes prétendument commis n’en étaient pas selon la loi, ce qui est contraire à tous les principes juridiques Français et Internationaux, contrairement au procès de Nuremberg, dans lequel quelques accusations furent déjà une base pénale, dont la gravité fut accrue a posteriori. La Cour prit ses fonctions le mois suivant, le 8 août à Riom. Elle fut composée de neuf juges dont le président Caous, et le procureur général, Cassagnau.

Ainsi après la libération par gouvernement provisoire une Haute cour de justice, fut recréée le 18 novembre 1944. Installée à Paris, elle fut chargée de juger Philippe Pétain, les membres de ses gouvernements, ministres, secrétaires d’État, les commissaires généraux, les résidents généraux, les gouverneurs généraux, les hauts-commissaires, et leurs éventuels complices.

Elle ne fut mise en place par les Sénateurs, ce qui fut contraire à la loi du 16 février 1875 article 12.

Elle fut présidée par le premier président de la cour de cassation, assisté du président de la chambre criminelle de la cour de cassation, et du premier président de la cour d’appel de Paris. La Haute cour de justice, qui n’est plus la Cour suprême de justice, se composa de 24 jurés, tirés au sort sur deux listes, 12 par liste. La première liste comprit 50 sénateurs ou députés en cours de mandat au 1er septembre 1939, n’ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940. La seconde liste fut constituée de 50 personnes choisies par l’Assemblée consultative, dans les mouvements de résistance.

Elle fut donc essentiellement à charge.

La loi du 27 décembre 1945 modifia la composition de la Haute cour de justice, ainsi, fut-elle dorénavant constituée de 27 membres, trois magistrats, et 24 jurés tous tirés au sort sur une liste de 96 députés de l’Assemblée nationale constituante, élus le 21 octobre 1945 (article 1). La part des formations politiques dans la liste des 96 députés fut proportionnelle au nombre de députés de chaque parti dans l’Assemblée.

Le 21 octobre 1945, les Français élisirent une nouvelle assemblée pour renouveler celle de… 1936! Ils votèrent à un double référendum pour que cette assemblée soit constituante répondant à la première question et pour la seconde question sur des pouvoirs limités à cette Assemblés. Les élections législatives, qui eurent lieu le même jour, mirent en avant trois partis principaux, le Parti Communiste Français, PCF, tirant ainsi un grand prestige de son rôle de force de résistance et de la victoire de l’URSS, le Mouvement Républicain Populaire, MRP, d’inspiration démocrate-chrétienne et le Parti socialiste, SFIO. Ces trois partis formèrent par la suite une force gouvernementale unie, que l’on nomma le tripartisme. La droite classique et le radicalisme qui eurent gouverné avant la guerre furent en recul.

Après formation de cette nouvelle Assemblée, celle-ci élut le chef du nouveau gouvernement, Charles de Gaulle à qui revint la formation du gouvernement en nommant les ministres, en fonction de la représentation respective de chacun des trois partis

Pour ces élections législatives, le général de Gaulle délaissa le scrutin d’arrondissement propre à la IIIème République pour qu’à une circonscription soit associé un député, et institua le scrutin de liste dans le cadre départemental, les électeurs de chaque département eurent à choisir la liste d’un parti et chaque parti s’est vu affecter dans le département la même proportion d’élus qu’il eu de voix. Cette Assemblée constituante obtint par ce réferendum un vote plébicite de 96,4% des votants, mettant fin à la IIIème République de 1875, et autorisant la poursuite de l’action du GPRF jusqu’à l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum le 13 octobre 1946 qui créa les institutions de la IVème république et qui vécut jusqu’au 4 octobre 1958, pour l’instauration de la Vème république dans laquelle nous sommes.

De fait, la Haute cour de justice devint une Haute cour parlementaire.

L’article 10 de l’ordonnance du 26 juin 1944 précise que les décisions de la Haute cour de justice doivent être prises en commun par les magistrats et les jurés, et doivent être motivées. Le principe de sursis ne s’appliqua pas aux condamnés par la Haute cour de justice. Il n’exista pas de pourvoi en cassation, le seul recours possible fut la grâce. La Haute cour de justice fut modifiée à nouveau par la loi 15 septembre 1947. Finalement, elle redevient ce qu’elle était au départ, une cour purement parlementaire par la loi du 19 avril 1948. Cependant, le Sénat cèda la place à l’Assemblée nationale.

La Haute cour de justice comporte 15 membres, un président, deux vice-présidents et douze jurés choisis parmi une liste de 72 députés. La part de chaque groupe parlementaire dans la liste des jurés est proportionnelle au poids politique des dits groupes dans l’Assemblée nationale.

Le 23 juillet 1945, s’ouvre le procès du maréchal Pétain, un procès durant lequel le plus jeune avocat du Maréchal, Jacques Isorni enflamme le prétoire. Le 15 août 1945 la Haute cour de justice condamne Philippe Pétain à la peine de mort.

C’est donc sous la Haute cour de justice composée de 24 parlementaires jurés formés par deux listes de 12 membres tirés au sort parmi 50 députés et sénateurs en cours de mandat au 1er septembre 1939 pour la première liste n’ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain, et pour la seconde liste également de 50 personnes choisies par l’assemblée constituante dans les mouvements de résistance que fut jugé Pétain.

Défendu par Maîtres Jacques Isorni, Jean Lemaire et le bâtonnier Fernand Payen, Philippe Pétain déclara le premier jour qu’il avait toujours été un allié caché du général de Gaulle et qu’il ne fut responsable que devant la France et les Français qui l’eurent désigné et non devant la Haute Cour de justice. Dans ces conditions, il ne répondit pas aux questions qui lui furent posées. Viennent déposer de nombreuses personnalités en tant que témoins soit à charge, Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Pierre Laval, et à décharge, le général Weygand, le pasteur Boegner. Le procès s’achèva le 15 août 1945 à l’aube. La cour déclara Pétain coupable, notamment, d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison.

Elle le condamna à mort, à la dégradation nationale à la confiscation de ses biens, assortissant toutefois ces condamnations du vœu de non-exécution de la sentence de mort, en raison de son grand âge. La condamnation fut votée à une voix de majorité.

Vidéos de l’Institut national de l’audiovisuel, le procès de Pétain.

http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/AFE86003213/le-proces-petain.fr.html

La fin du procès de Pétain.

http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/AFE86003224/la-fin-du-proces-petain.fr.html

Le verdict de la Haute Cour de justice frappa d’indignité nationale Philippe Pétain, ce qui impliqua «la perte de son rang dans les forces armées et du droit à porter des décorations», de facto il fut déchu de sa dignité de maréchal de France. À la fin du procès, il se dépouilla de son uniforme avant d’être incarcéré. La mention du titre sur l’acte de décès fut une liberté prise par un agent de l’état-civil qui n’engagea aucune institution officielle. Il convient donc, comme le firent les historiens d’aujourd’hui, de le nommer simplement «Philippe Pétain», en particulier pour la période qui suit sa condamnation du 15 août 1945.

On rencontre aussi la dénomination «ex-maréchal Pétain». Cependant la décision judiciaire qui le frappe d’indignité nationale interprétée stricto sensu comme «lui retirant son rang dans les forces armées et son droit à porter ses décorations», le titre de maréchal de France étant une distinction une dignité, et non un grade, décernée, non pas par un décret, mais par une loi votée au Parlement, pourrait permettre de considérer que cette décision de justice ne peut annuler une mesure législative.

Il faut noter que Charles de Gaulle dans ses Mémoires de guerre, l’Appel 1940-1942 donne à Pétain le titre de maréchal bien que se soit lui, dans son gouvernement provisoire, qui l’a fait condamner.

Il n’y a pas de conditions particulières pour être élevé à la dignité de maréchal de France. C’est la raison pour laquelle Philippe Pétain créé maréchal en 1918 est demeuré maréchal jusqu’à sa mort, tiré de la référence Soult….un maréchal de France .

A ce sujet j’ai fait des recherches allant jusqu’à interroger une personnalité de l’Assemblée nationale que je jugeais compétente mais, je n’ai obtenu aucune réponse.

Accomplissant le vœu de la Haute Cour de justice, le général de Gaulle, commue la sentence de mort en peine de réclusion à perpétuité le 17 août 1945. Compte tenu de la peine de dégradation nationale, article 21 de l’ordonnance du 26 décembre 1944 , le maréchal Pétain fut exclu automatiquement de l’Académie française, l’ordonnance prévit l’exclusion de l’Institut. Toutefois, celle-ci s’abstint d’élire un remplaçant de son vivant au 18ème fauteuil égard auquel a également eu droit Charles Maurras tandis qu’Abel Bonnard et Abel Hermant sont remplacés dès 1946.

Philippe Pétain fut emprisonné au fort du Portalet, dans les Pyrénées-Atlantiques, du 15 août au 16 novembre 1945, puis transféré au fort de la Citadelle, dénomé également fort de Pierre-Levée sur L’Île-d’Yeu, Vendée.

800px-fort-pierre-levee_yeu.1299654505.JPG

L’entrée du fort de Pierre-Levée, vue de l’intérieur, document Wikipédia .

Son épouse installée à son tour dans l’île, bénéficia d’un droit de visite quotidien. La santé de Philippe Pétain déclina à partir du début de l’année 1951, les moments de lucidité devenant de plus en plus rares. Eu égard à cette situation, le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par Vincent Auriol, président de la République, en vue d’adoucir une fin prévisible, autorisa le 8 juin 1951 «l’élargissemnt» du prisonnier et son assignation à résidence «dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère». Le transfert dans une maison privée de Port-Joinville a lieu le 29 juin 1951, où Philippe Pétain mourut le 23 juillet 1951. Il fut inhumé le surlendemain dans le cimetière marin de l’île d’Yeu.

La tombe de Pétain.

800px-ile_dyeu_147.1299273224.jpg

Document Wikipédia .

En 1973 eu lieu un épisode rocambolesque, sa dépouille fut enlevée par des personnes se réclamant de sa mémoire et désireuses d’obtenir le transfert de ses cendres au fort de Douaumont à Verdun, auprès des centaines de milliers de soldats Français qui y furent tombés, conformément aux dernières volontés du maréchal.

La Tombe de Philippe Pétain à l’île d’Yeu fut fleurie au nom de la présidence de la République le 10 novembre 1968, sous le général de Gaulle, à l’occasion du 50ème anniversaire de l’armistice de 1918, en février 1973, sous Georges Pompidou, suite à la profanation de la tombe située à l’Île-d’Yeu, et en 1978 sous Valéry Giscard d’Estaing, 60ème commémoration de la victoire de 1918. Pendant la présidence de François Mitterrand, elle fut fleurie le 22 septembre 1984, jour de la rencontre avec le chancelier Helmut Kohl à Verdun, puis le 15 juin 1986, 70ème anniversaire de la bataille de Verdun, puis chaque 11 novembre entre 1987 et 1992. Cette pratique ne cessa qu’après de nombreuses protestations dont celles de la communauté juive. François Mitterrand comme les apologistes de la mémoire de Pétain ayant déclaré qu’ils honoraient simplement la mémoire de l’homme de Verdun et nullement celle du chef de l’État français, l’ancien premier ministre Laurent Fabius fit remarquer que lorsque l’on juge un homme, on le fait sur l’ensemble de sa vie. Quant à l’historien André Kaspi, il souligna l’artificialité de cette distinction, «le Pétain collaborateur de 1940-1944 n’a pu égarer les Français et en convaincre bon nombre de le suivre que parce qu’il bénéficiait du prestige du Pétain de 1914-1918. L’un n’aurait pas existé sans l’autre». Sa sépulture fut de nouveau profanée en 2007.

La suite 73 ne sera plus maréchal Philippe Pétain, mais philippe Pétain et portera sur les réponses du général de gaulle, du général Héring, controverses et analyse.

Les références peuvent être consultées sur mon blog au Monde.fr.


 

9 réflexions sur « Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite 72, »

  1. Bonjour Anido,
    J’aurais dû faire un tirage à chaque épisode. Ainsi j’en aurais eu un livre.
    Bien amicalement.

  2. c’est pas la peine de dupliquer ce feuilleton pouffe-pouffe. Il existe déjà bien d’autres ouvrages sur Pétain, mieux rédigés et moins orientés.

  3. [b]eleina piter[/b] bonjour,

    Vendredi je vais publier le dernier article, ensuite je vais contacter des éditeurs, on verra bien.

    Pour imprimer ces articles, vous pouvez toujours le faire, ils sont disponibles les uns à la suite des autres sur ce site, il vous suffit de cliquer sur ma photo et vous avez tout ce que j’ai publié.

    Bien à vous,

    Anido

  4. [b]huntziger[/b] bonjour,

    A oui lesquels ?

    Informez-moi, SVP.

    Bien à vous,

    Anido

  5. [quote]le plus jeune avocat du Maréchal, Jacques Isorni enflamme le prétoire[/quote] Voulez dire que le défenseur de Mr Pétain a réussi à émouvoir très fortement le prétoire en faveur de l’accusé ? C’est étonnant dans le contexte.

    C’est très intéressant et les vidéos sont extraordinaires. Les qualificatifs et le ton employés sont caractéristiques de cette époque. Existe-t-il des vidéos avec les échanges complets enregistrés du procès ?

    Avant 1946, les femmes n’ayant pas le droit de vote, il faudrait plutôt que dire « les français ont voté…. » : le corps électoral français a voté.
    Qu’en pensez vous ?
    Cordialement

  6. [b]NIHILE[/b] bonsoir,

    Enflamme le prétoire, il faut entendre que par la fougue de sa plaidoirie il a ému les jurés, d’ailleurs, ils n’ont votés la condamnation qu’à une voix près dans le contexte de l’époque, c’est assez extraordinaire.

    Quelle différence faites vous entre les Français ont votés et le corps électoral Français à voté ?

    Dans les deux cas, ne votent que ceux qui ont le droit. L’expression les Français ont votés sous entend implicitement que ceux qui ont votés composaient le corps électoral.

    Quant aux vidéos, je n’ai trouvé que celles-là.

    Merci de votre intervention.

    Bien à vous,

    Anido

  7. [b]Plusieurs vidéos relatant le procès du Maréchal Pétain sont présentes sur le site de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) :
    [url]http://www.ina.fr/recherche/recherche?search=procés+du+maréchal+pétain&vue=Video[/url]
    [/b]

  8. [quote][i][b]c’est pas la peine de dupliquer ce feuilleton pouffe-pouffe. Il existe déjà bien d’autres ouvrages sur Pétain, mieux rédigés et moins orientés.[/b][/i][/quote]
    [b]huntziger, en vous lisant ça et là, sous les excellents chapitres de cette fresque historiques consacrée à Philippe Pétain, j’ai la nette impression que vous avez la haine tenace à l’encontre de Anidom Nidolga.

    Bien entendu, le fait que vous soyez Pétainiste, et on peut dire : Maréchaliste, ou Lavaliste, cela n’explique pas votre haine !

    Alors, laissez-moi vous poser une question : au lieu de critiquer les différents chapitres de cette fresque historique, ne pourriez-vous pas argumenter plus ?
    [/b]

  9. [b]Dominique[/b],

    Qu’importe que huntziger prétende que ce feuilleton soit pouffe pouffe, je lui ai demandé qu’il me montre des documents mieux rédigés que les miens, il ne l’a pas encore fait.

    Alors j’attends.

    Bien à toi,

    Anido

Les commentaires sont fermés.