Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite. 58,

la résistance intérieure.

La résistance intérieure était la poursuite de la lutte contre le Reich, contre ces Allemands qui occupaient la France, mais aussi contre ces Français qui ont collaborés avec l’ennemi et qui ont favorisés les persécutions et commis des crimes. C’est donc résister, continuer le combat avec l’espoir qu’un jour l’envahisseur sera chassé. C’était être fidèle à sa patrie en étant dans l’illégalité au régime de 1940. C’était s’exposer à souffrir et mourir pour son pays si l’on est pris. C’était finalement faire don de soi à sa patrie. Selon l’historien Olivier Wieviorka l’engagement résistant montre que la Résistance peut s’organiser selon une logique de guerre, à laquelle se rattachent les réseaux et la lutte armée, ou selon une logique d’occupation, à laquelle correspondent les mouvements et les formes civiles. Henri Michel, fondateur du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, définissait quant à lui la Résistance comme «l’ensemble des combats menés au nom de la liberté de la patrie et de la dignité humaine» contre l’occupant et ses aides.

Au départ la résistance était constituée de petits groupes qui étaient poussées par le même désir combattre pour libérer le territoire national et punir même par la mort les Français collaborateurs coupables de crimes. Cette lutte a consisté en des actions de renseignements, de sabotage ou des opérations militaires contre les troupes d’occupation, essentiellement Allemandes, et aussi les forces du régime de Pétain. Elle englobait aussi des aspects plus civils et non-violents, ainsi l’existence d’une vaste presse clandestine, la diffusion de tracts, la production de faux papiers, l’organisation de grèves et de manifestations, la mise sur pied de multiples filières pour sauver les prisonniers de guerre évadés, les réfractaires au STO et les Juifs persécutés.

Sur la presse clandestine, l’importance des médias et les restrictions de libertés, on peut consulter l’excellente référence,

«Sujets de réflexion autour de la visite du mémorial et du musée de la Résistance».

 

img113.1297712067.jpgLa croix de Lorraine symbole choisi par les forces navales Françaises libres et repris par la France libre puis par toute la résistance.

La Résistance a pu se manifester en ville comme à la campagne, surtout après la naissance des maquis au printemps 1943. L’armée des ombres a rassemblé des hommes et des femmes de tous horizons, exposés tous à une terrifiante répression de la part du RSHA, Office Central de Sécurité du Reich, dont fait partie la Gestapo, de l’Abwehr, de la Wehrmacht, ainsi que de la Milice française, ou encore de la police de l’État français, voir les suites 45 , 48 , 51 .

L’armée des ombres l’excellent film de Jean-Pierre-Melville 1969 inspiré du réçit de Joseph Kessel.

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Si la Résistance active et organisée n’avait jamais rassemblé plus de 2 ou 3 % de la population Française, elle n’aurait pu survivre ni se développer sans de multiples complicités populaires, en particulier à l’époque des maquis. Il faut comprendre que la France était divisée entre la collaboration avec les Allemands ou la résistance. Il était donc risqué d’aborder ce sujet et très compliqué de créer un réseau fiable en zone occupée. Beaucoup de petits groupes se développèrent et, à la longue, se rassemblèrent pour créer de vastes réseaux.

Un réseau est une organisation créée en vue d’un travail militaire précis, renseignement, sabotage, évasion de prisonniers de guerre et de pilotes tombés chez l’ennemi. Un mouvement a pour premier objectif de sensibiliser et d’organiser la population. Les réseaux dépendaient du BCRA Bureau Central de Renseignements et d’Action créé en juillet 1940 par le général de Gaulle et appartenaient également à la France libre.

A partir de la mi mai 1943 seront constitués huit grands mouvements membres du Conseil national de la résistance,

* Ceux de la Libération, CDLL, plutôt de droite.
* Ceux de la Résistance, CDLR, plutôt de droite.
* Combat, plutôt démocrate-chrétien.
* Franc-Tireur, fondé à Lyon en 1941, dirigé par Jean-Pierre Lévy, plutôt de gauche.
* Le Front national, communiste.
* Libération-Nord, plutôt de gauche.
* Libération-Sud, plutôt de gauche.
* Organisation civile et militaire, OCM, plutôt de droite.

La suite des réseaux peut être lue sur Wikipédia .

L’histoire de la Résistance intérieure, toute différente qu’elle fut de celle de la France libre, n’était pas dissociable de cette dernière puisqu’elle en était gouvernée. Le général de Gaulle, chef des Français libres, avait ses agents en métropole occupée par le biais des réseaux du BCRA ou d’envoyés tels que Jean Moulin, Pierre Brossolette et Jacques Bingen. Ces derniers avaient la charge d’unifier la Résistance intérieure, sous l’égide de Londres puis d’Alger.

La création du Conseil national de la résistance par Jean Moulin, le 27 mai 1943, fut l’organisme qui dirigea et coordonna les différents mouvements de la Résistance intérieure, de la presse, des syndicats et des membres de partis politiques hostiles au gouvernement de Pétain à partir de mi-1943. Son programme fut de créer un Comité général d’études afin de préparer une plate forme politique après la libération.

Adopté le 15 mars 1944 après plusieurs mois de négociations, le programme du Conseil national de la résistance était très empreint de rénovation sociale et de l’influence des groupes communistes comme le Front national (à ne pas confondre avec le FN d’aujourd’hui). Il visait à appliquer des mesures dès la libération du territoire, à instaurer une vraie démocratie sociale, sous un régime d’économie planifiée, avec une forte décentralisation. Parmi les mesures envisagées et appliquées à la Libération, la nationalisation de l’énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité sociale qui étendit les mesures sociales du régime pétainiste mises en œuvre pendant la période de la Révolution nationale. Ces actions ont constitué jusqu’à aujourd’hui une grande partie des acquis sociaux de la seconde partie du XXème siècle.

Les Forces Françaises de l’Intérieur, FFI, créées par Jacques Bingen, le 1er février 1944, marquaient les jalons essentiels d’un processus d’unification parfois difficile, mais sans équivalent dans le reste de l’Europe occupée. Jacques Bingen fut une grande figure de la résistance, Compagnon de la Libération, il se suicida pour ne pas parler. Son corps ne fut jamais retrouvé.

Les Forces Françaises de l’Intérieur regroupaient l’ensemble des groupements militaires de la résistance intérieure qui s’étaient constitués dans la France occupée. Dès novembre 1942 lorsque les Allemands occupèrent la zone libre, un ensemble de réseaux de résistance étaient déjà constitués.

Plusieurs mouvements dominèrent l’action clandestine dont «Combat», constitué au début de 1942 à partir de l’organisation, majoritaire en France méridionale, mise en place par le capitaine Henry Frenay, officier d’active de l’École spéciale de Saint-Cy appartenant, jusqu’en janvier 1941 au deuxième bureau de l’État major de l’Armée, en avril 1942, les groupes de choc du mouvement «Combat» prirent l’appellation «d’Armée secrète», A.S., dont le général Delestraint prendra la tête lors du coup de force Allemand lorsque la zone libre fut occupée. C’est encore au printemps 1942, que les Organisations Spéciales, O.S., les groupes de jeunesses communistes et les combattants de la Main d’Œuvre Immigrée, M.O.I. s’unifièrent pour former les Francs-Tireurs et Partisans Français, F.T.P.F., qui seront, dès février 1944, une des composantes actives des F.F.I. Un effort considérable de fusionnement entre les différents mouvements de résistance permit la création, dès le début de 1943, du Directoire des Mouvements Unis de Résistance, M.U.R., dont Emmanuel d’Astier de la Vigerie fut le commissaire aux affaires politiques réorganisant les réseaux d’action et mettant sur pied un service d’opérations aériennes et maritimes.

Emmanuel d’Astier de la Vigerie grand résistant fonda le mouvement de résistance Libération-Sud puis devint, en novembre 1943 et jusqu’en septembre 1944, Commissaire à l’Intérieur de la France libre. Emmanuel d’Astier de la Vigerie choisit d’emblée de lutter contre le régime de Pétain et l’occupant et se mettra aussitôt à la recherche d’hommes et de femmes qui pensaient comme lui. Dès septembre, il fonda à Cannes le mouvement La Dernière Colonne, qui se destinait au sabotage. La première personne qui se joignit à lui fut le commandant d’aviation Édouard Corniglion-Molinier. Mais, en décembre, Corniglion-Molinier fut arrêté. D’Astier gagna Clermont-Ferrand où régnait une atmosphère favorable à la Résistance, notamment au sein de l’équipe de rédaction de La Montagne. En janvier 1941, La Dernière Colonne étant décimée par les arrestations, il entra dans la clandestinité sous le pseudonyme de «Bernard».

Au mois de mars 1943, les réfractaires au Service du Travail Obligatoire, S.T.O, voir la suite 53 , mis en place par le régime de Pétain, rejoignirent les «maquis», ces mouvements ne passèrent pas inaperçus des Allemands qui multiplièrent les actions contre ces «bandes». La répression sera terrible, repérés par indiscrétion ou dénoncés par des Miliciens infiltrés dans leurs rangs, plusieurs petits maquis seront anéantis dans le Haut Var, ainsi qu’au nord de Toulon. A la suite de la création du Conseil National de la Résistance, regroupant les divers mouvements en deux zones nord et sud, l’Organisation de Résistance de l’Armée, O.R.A., créée à partir des éléments clandestins de l’Armée de l’armistice dissoute en novembre 1942, centrera son activité sur la recherche du renseignement et la préparation du débarquement de l’Armée régulière venue d’Afrique, du Fond des Forces Françaises de l’Intérieur.

Des formes de résistance ont également existé en Afrique Française du Nord et dans le reste de l’Empire colonial Français, ainsi que dans les trois départements annexés.

La résistance se définit sur trois points de vue, la résistance administrative, militaire et politique.

La résistance administrative corolaire de la résistance militaire, il lui convenait de déterminer qui avait droit de s’en réclamer, c’est-à-dire de toucher la pension à laquelle elle donnait droit. C’était un point particulièrement important pour les veufs, veuves et orphelins des 60.000 déportés politiques qui n’étaient pas revenus des camps et des 30.000 fusillés entre 1940 et 1944. Dès la fin de la guerre, 250.000 cartes de Combattants Volontaires de la Résistance seront distribuées aux candidats présentés par les 45 mouvements homologués de la Résistance française et les 270 réseaux de la France combattante, qui dépendaient directement du Bureau central de renseignements et d’action, BCRA, de Londres. Selon cette définition administrative, les membres des réseaux du Special Operations Executive, SOE, ne sont pas comptabilisés puisqu’ils dépendaient d’une puissance étrangère, le Royaume-Uni. Certains mouvements ont été plus laxistes que d’autres pour donner leur agrément à des candidats douteux.

La résistance militaire ne peut être vue que sous un angle militaire c’est à dire une résistance qui constitue un apport de forces vers les forces alliées, c’est le point de vue de l’appréciation d’Eisenhower qui a été adopté. Cette appréciation évaluait la résistance Française à quinze divisions en termes militaires. Un historien comme Philippe Masson donna une estimation beaucoup plus basse, mais resta dans la même problématique, combien de divisions ?

Dans une telle vision, les manifestations non directement militaires de la résistance, par exemple, la production d’une presse clandestine, n’ont été prises en compte que si elles ont été de nature à drainer des forces vers une aide efficace aux forces alliées. Par ailleurs, des actions comme le sauvetage des Juifs, qui ont fait partiellement échec aux plans génocidaires nazis, n’entraient pas dans une logique militaire.

La résistance politique, n’était à considérer que du point de vue politique c’est à dire si elle façonnait la donne politique, c’est à dire une légitimité à la France libre et aux nouveaux pouvoirs qui émergeront à la libération. La résistance politique empêcha ainsi toute vacance du pouvoir à la libération, elle évita au pays la guerre civile ou toute administration étrangère, restaura les libertés et constitua un remarquable vivier de renouvellement des élites politiques municipales et nationales. En 1946, les trois quarts des parlementaires seront d’anciens résistants. La Résistance fut aussi à l’origine, par le programme du Conseil national de la Résistance, de la refondation du pacte social Français, capable d’engendrer les grandes réformes économiques et sociales de la Libération. Suivant ce point de vue, les actions militaires de la résistance n’ont de la valeur que si elles ont une efficacité politique.

Mais nombre de réseaux voire de mouvements, telle l’ORA Giraudiste , se refusèrent catégoriquement à «faire de la politique». Inversement, beaucoup d’anciens résistants, bien au-delà des seuls rangs communistes, manifestèrent ultérieurement leur amertume de ne pas avoir pu changer la société et la vie politique aussi radicalement qu’ils le voulaient, Claude Bourdet, Henri Frenay. En particulier, la résistance a toujours été très divisée sur ce que devait être le sort des partis politiques après la guerre. Emmanuel d’Astier de la Vigerie, et Henri Frenay, chef de Combat, ainsi que d’autres responsables de la résistance souhaitent que les mouvements remplacent les anciens partis disqualifiés, qu’un grand «parti de la résistance» se forme et prenne en main la vie publique.

Ils mettaient en avant la faillite des partis en 1940 sinon sous la IIIème République finissante, et l’inexistence de la plupart d’entre eux en tant que tels dans la résistance. Jean Moulin a dû mener un long bras de fer contre Pierre Brossolette ou Henri Frenay pour faire admettre les partis au Conseil national de la Résistance, juin 1943, les Alliés n’auraient pu comprendre en effet leur absence. Cette réintégration des partis et l’échec rapide de la résistance à engendrer ses propres formations politiques après la guerre furent l’objet jusqu’à nos jours de longues polémiques, surtout au vu des déceptions nombreuses engendrées par la IVème République, taxée souvent de «régime des partis».

Mais le poids considérable des communistes, des socialistes et des démocrates-chrétiens dans la résistance ne pouvaient empêcher le PCF, la SFIO et le MRP de jouer de toute façon un rôle-clé dans la France libérée. De surcroît, un mouvement de résistance n’a rien d’un parti politique. Il recrute par cooptation au hasard de multiples rencontres secrètes indépendantes les unes des autres, il rassemble de façon hétéroclite des hommes de toutes convictions et de tous horizons et est dépourvu de fichiers d’adhérents ou de démocratie interne.

Enfin, pouvait-on changer la vie politique en quatre années seulement, aussi intenses fussent-elles ? Le socialisme, le radicalisme, le communisme, etc. existaient depuis des décennies et voulaient dire quelque chose pour la nette majorité des Français. Les résistants n’étaient que 2 ou 3 % de la population, et leurs formations ne signifiaient pas grand chose en tant que telles aux électeurs.

La suite 59 sera la suite de la Résistance Intérieure.

Les références de cet article peuvent être consultées sur mon blog au Monde.fr

Une réflexion sur « Philippe Pétain, Maréchal de France ses années noires de 1940 à 1944, suite. 58, »

  1. [b]Anido[/b],

    bravo pour ce chapitre…

    A la lecture de celui-ci, il me vient une question :
    – [i]peut-on considérer que, à l’intérieur de la Résistance française, des partis politiques français se livraient à une guerre « d’influence » au point de faire capoter certaines opérations qui auraient été nécessaires à notre Pays ?[/i]

    Bien à toi,

    [b]Dominique[/b]

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