Ou en est la sécurité de Sarkozy,

après celle de Daniel Vaillant ?

«Voir aussi la sécurité de Sarkozy».

Qui ne se souvient pas des propos de Nicolas Sarkozy lorsqu’il prit le ministère de l’intérieur le 06 mai 2002 sous la gouvernance de Jean-Pierre Raffarin ? Il n’avait pas de propos assez durs pour qualifier la politique de son prédécesseur Daniel Vaillant et sur la politique angélique de la gauche en matière de police et de sécurité. Ses premières actions, a part ses propos «débarrasser les Français de la racaille», de «nettoyer les banlieues au karcher» en montrant ses gros bras entourés de cars de police, furent la suppression de la police de proximité mise en place par le précédent gouvernement justement pour lutter et prévenir contre l’insécurité, voir «L’échec de Sarkozy, la sécurité». Et puis bien entendu la fusion police gendarmerie le 1er janvier 2009 pour ne faire qu’un seul corps sous ses ordres, alors que ce sont deux corps différents, voir AgoraVox.

Le nombre de lois publiées est assez impressionnant pour un résultat médiocre. On sait bien que trop de lois tuent la loi, ne sachant plus ce qu’il faut appliquer. De plus, les effectifs de police ont été considérablement réduits estimant que la vidéo pouvait remplacer la présence policière. Cette prolifération de caméras sécuritaires, si elle apporte un plus, toute information est bonne à prendre, encore faut-il qu’elle soit exploitable, ce qui n’est pas prouvé eu égard à son coût de dépouillement.

J’ai subi en décembre 2010 le vol à la tire de ma carte bancaire et le délit a été très important, et malgré les caméras qui enregistrent tous les achats dans les magasins ou ils furent effectuées, les coordonnées et l’heure des achats étant connus, aucun des voleurs n’a encore été appréhendé et pourtant des recoupements sont possibles, il suffit de le vouloir. Aux dernières informations rien n’a encore été fait ! La prolifération des délits de toutes sortes fait que nos services de police, pas assez nombreux, sont contraints de faire des choix ne pouvant tout traiter. Les délits mineurs comme le vol à la tire d’une carte bancaire par exemple sont laissés dans les dépositions, par ce que les assurances et les banques remboursent le délit en général. Cet ensemble de délits de vols à la tire, vols à la portière, de portables arrachés des mains, de petites agressions corporelles, voire de voitures, ou cambriolages d’habitations qui ne sont jamais résolus, empoissonnent plus les Français que les grosses affaires.

Une vingtaine de lois sur la sécurité intérieure ont été votées depuis 2002. Si le nombre global des crimes et délits constatés par la police est en baisse, ce qui reste à vérifier, tout n’est pas déclaré à la police sachant que souvent c’est inutile aucune suite n’est donnée, d’autant que vous êtes mal reçu. Une forme plus grave et plus violente de délinquance est en augmentation constante, celle des agressions physiques et crimes contre les personnes. Ceux-ci représentaient 303.552 des infractions constatées en 2002 et 408.251 en 2008, soit une augmentation de +34 % en 6 ans ! Parallèlement, les atteintes volontaires à l’intégrité physique 381.400 en 2002 sont en hausse de plus de 19% en 7 ans pour s’établir à 455.911 atteintes enregistrées en 2009. Mais, le plus révoltant est aussi le fait que de nombreuses condamnations ne sont pas exécutées faute de prisons.

On tue maintenant pour rien, que ce soit dans la rue et même à l’école par des enfants et adolescents. Les crimes n’ont pas de limite, un vigile de 35 ans d’une discothèque d’Ivry sur Seine à été abattu vers 4 heures du matin par ce qu’il en refusait l’entrée. Les trois hommes qui s’étaient présentés sont repartis et sont revenus armés d’un fusil, et l’un deux a tiré à deux reprises sur ce groupe de vigiles.

La question que beaucoup se posent est «la politique répressive engagée par Sarkozy dans une situation de misère, ne nourri-t-elle pas la délinquance ?» Dans ce contexte le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des forces de sécurité publique fait le point.

Ce rapport de 248 pages nous apprend ce que nous savions déjà, une baisse des moyens en effectifs, mais cette baisse de moyens est inégale. Par exemple la Seine-Saint-Denis a vu ses effectifs augmentés de 8,8 %, dans l’Essonne 8 %, une faible hausse en Seine-et-Marne 2,2 %, dans le Val-d’Oise 1,3 % et les Yvelines 0,7 %, et une baisse non négligeable dans les Hauts-de-Seine – 3,0 % et le Val-de-Marne – 4,4 %. Pour Paris l’évolution serait favorable par suite de l’intégration des départements limitrophes, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, sous l’effet de l’instauration de la police d’agglomération en septembre 2009, au sein de la nouvelle Direction de la Sécurité de Proximité de l’Agglomération Parisienne (DSPAP). Les effectifs parisiens sont restés stables entre le 1er janvier 2006 et le 1er janvier 2010 avec 20.394 agents à cette date tandis que ceux de la police nationale ont diminué de 1,6 % au cours de la même période. Par contre depuis 2009 un renversement de tendance sur l’évolution des effectifs des services de la DCSP, Direction Centrale de la Sécurité Publique, et des unités de la gendarmerie départementale, s’inscrit dans le cadre de celle de la police et de la gendarmerie dans leur ensemble, retracées par le tableau ci-dessous.

Dans le cadre de la loi de finance la réduction des services publics s’est poursuivie en 2011 à hauteur de 712 emplois et la gendarmerie à hauteur 96 emplois. Le mouvement de réduction s’est poursuivi sur le nombre de policiers fonctionnaires dans les DDSP pour tomber à 50.928 au 1er janvier 2011, annulant de plus de la moitié l’accroissement qui avait été obtenu au cours de la période 2003-2009. A cela vient s’ajouter une baisse des budgets de fonctionnement hors rémunération. La période 2006-2010 voit la réduction des dépenses de fonctionnement avec une hausse des rémunérations que l’on peut attribuer à la politique au mérite malgré la baisse des effectifs.

Nous avons donc le résultat suivant, notre police nous coute globalement plus cher avec moins d’effectifs c’est à dire moins de sécurité.

Le rapport marque un développement des polices municipales, qui sous une forme cachée supplie à la police de proximité supprimée par Sarkozy sans que pour autant elles disposent des mêmes moyens. Elles sont un pis aller développé par les communes mais ne peuvent lutter contre la délinquance. Ces polices municipales sont nommées par le maire et sont à la charge des communes. Elles reçoivent un double agrément du préfet et du procureur de la République et prêtent serment devant le tribunal d’Instance dans leur ressort. Ces policiers municipaux comme les Agents de Surveillance de la Voie Publique AVSP, titulaires ou contractuels, n’appartiennent à aucun cadre d’emplois spécifique ce qui rend leur fonction quelque peu précaire. Ils sont munis d’une carte professionnelle, mais n’ont pas qualité d’agent de police judiciaire adjoint et ne suivent pas de formation obligatoire. Ils ne peuvent pas porter d’armes de 4ème et 6ème catégories. Ils sont chargés de la verbalisation aux infractions au Code de la route, au Code de la santé publique et peuvent constater les infractions aux règles relatives aux bruits de voisinage et sont affectées à la surveillance des abords des écoles. L’îlotage est organisé à des fins préventives et ne conduit pas à des interpellations. Le seul armement dont, le cas échéant, sont dotés ces policiers relève de la 6ème catégorie. Ils ne travaillent pas la nuit. Compte tenu de l’hétérogénéité des polices municipales la Cour recommande

  • d’instaurer la transmission aux préfets, outre les maires, des avis de fin de formation des stagiaires émis par le CNFPT, Centre National de la Fonction Publique Territoriale, afin de motiver les décisions d’agrément,
  • créer une obligation de formation continue des directeurs de police municipale,
  • étudier de nouvelles modalités de contrôle des polices municipales par le ministère de l’intérieur.

Le développement de la vidéo-surveillance est fortement controversé car son but qui serait de compenser le manque des forces de police sur la surveillance des voies publiques et des transports est contesté. Il est prévu d’implanter 60.000 caméras à l’horizon 2012 sachant qu’en 2008 20.000 étaient implantées. En dehors des chiffres donnés par le ministère de l’intérieur et ceux recensées par l’enquête de la Cour des comptes qui montre des écarts, c’est le but politique qui est cherché. La vidéo-surveillance rebaptisée vidéo-protection dans le cadre de la loi Loppsi du 14 mars 2011 est considéré comme l’un des moyens pour réduire le nombre des délits et améliorer leur taux d’élucidation, voir Loppsi qu’est-ce c’est, et Loppsi qu’est-ce qu’on a retiré. Le rapport rappelle que le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions de l’article 18 de la Loppsi 2 qui autorisait des personnes privées à procéder à une surveillance de la voie publique parce qu’elles constituaient «une délégation à ces personnes des tâches inhérentes à l’exercice par l’État de ses missions de souveraineté» et méconnaissait «les exigences constitutionnelles liées à la protection de la liberté individuelle et de la vie privée». A ainsi été retirée de la loi, votée par le Parlement, la possibilité pour l’autorité publique ou toute personne morale de confier par convention l’exploitation de son système de vidéo-surveillance de la voie publique à un opérateur public ou privé agréé par le préfet, et le cas échéant, à une société de sécurité placée sous le régime de la loi du 12 juillet 1983 relative aux activités privées de sécurité. Le rapport souligne par ailleurs une absence des contrôles à postériori. Dans sa conclusion, le rapport pointe l’efficacité de la vidéo-protection la ou elle est largement implantée comme à Nice mais aussi pointe son coût de 300 M€, subventionné, en moyenne, à hauteur de 40 % par l’État, au moyen du Fond Interministériel de Prévention de la Délinquance FIPD, doté de 30 M€ en 2010. Les collectivités territoriales financent 60 % de l’investissement et supportent les dépenses de fonctionnement, de l’ordre de 300 M€ par an. En conséquence, il aurait été souhaitable, notamment du fait de l’importance des sommes en jeu, qu’une évaluation de l’efficacité de la vidéo-surveillance accompagne, sinon précède, la mise en œuvre, de ce plan de développement accéléré. La France se caractérise par la quasi-absence d’enquête scientifique sur le sujet. Une seule étude a été menée par le ministère de l’intérieur essentiellement à partir des statistiques de la délinquance enregistrées à l’état 2001. Cependant, ses résultats contradictoires, autant que sa méthode, ne permettent pas d’en tirer des enseignements fiables. Les études menées à l’étranger ne permettent pas non plus de conclure à l’efficacité de la vidéo-surveillance de la voie publique.

La Cour recommande un certain nombre de mesures comme,

  • de se doter des moyens d’une connaissance exacte du déploiement des systèmes de vidéo-surveillance par les collectivités locales,
  • d’engager une évaluation de l’efficacité de la vidéo-surveillance de la voie publique dans la prévention de la délinquance et l’élucidation des délits,
  • d’organiser l’insertion systématique par les services de police dans les comptes-rendus d’enquête,
  • de mettre en œuvre une mesure analogue dans la gendarmerie nationale,
  • de joindre à l’arrêté préfectoral d’autorisation des systèmes de surveillance de la voie publique la liste nominative, ou au moins fonctionnelle, des personnes habilitées à visionner les images,
  • de prévoir l’obligation pour les communes de soumettre tous les personnels chargés de l’exploitation de ces systèmes à l’obligation de suivre un programme de formation conforme à un modèle type arrêté par voie réglementaire, d’inciter les communes à adopter un règlement intérieur du CSU, Centre de Supervision Urbain.

On ne comprend pas, à l’étude de ce rapport, les critiques formulées par Claude Guéant et l’UMP, alors que la Cour des comptes fonctionne d’une façon collégiale, d’autant que les magistrats qui la compose sont les mêmes que ceux sous Philippe Seguin. En outre, et cela est important, le rapport à été présenté à toutes les institutions qu’il évoque, elles sont en annexe à partir de la page 190. Les 33 maires auxquels ce rapport à été présenté ne l’ont contesté sur le fond, pas plus que le garde des Sceaux.

Les observations de Claude Guéant sont à la page 196. Pour lui un nombre «important d’inexactitudes, d’erreurs d’analyse, d’oublis et d’appréciations manquant parfois d’objectivité». Il regrette que les auteurs se soient limités à la seule période 2002-2009. Il conteste le mot «contrasté» mentionné au début du rapport. Par contre, il note que la Cour reconnaît positivement, dans une autre partie du rapport, «que la politique conduite dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure d’août 2002, s’est traduite par huit années consécutives de baisse de la délinquance et ce, alors que la population Française dans le même temps augmentait de 3,2 millions d’habitants». Il s’élève fortement contre la fausse allégation selon laquelle les récentes évolutions budgétaires «pourraient ne pas être sans risques pour l’efficacité de l’action des forces». Une telle appréciation «ne repose sur aucun fondement sérieux». Il annonce qu’il est décidé à poursuivre cette politique d’aide à l’équipement partout sur le territoire avec pour objectif le déploiement de 60.000 caméras d’ici 2012. Pour ce faire, outre les 35 millions d’euros entre 2007 et 2009, 30 millions d’euros ont été mobilisés sur le fond interministériel de prévention de la délinquance en 2010 et un effort similaire sera effectué en 2011.