Nucléaire : l’heure des comptes au Japon

On nous aurait donc menti ? C’est bien sûr ce que découvrent les Japonaises et Japonais après la catastrophe de Fukushima dont les retombées, physiques et économiques, ne vont pas tarder à « impacter » l’Europe. D’une part, Tokyo Electric Power Co. voit ses comptes épluchés, d’autre part les décomptes de contamination sont largement plus inquiétants qu’initialement annoncés. Et c’est sans compter les dégâts humains immédiats, tels les suicides par exemple.

Je ne vais pas vous submerger de chiffres. Dès qu’il s’agit de milliards, on s’y perd. Ce qui ressort des récents articles du Japan Times OnLine, c’est que, par exemple, tous les profits de Tepco (Tokyo Electric Power Co) depuis 1970 ne suffiraient pas à couvrir les indemnités – sans doute sous-évaluées, sauf pour les biens très, très bien assurés – à verser aux victimes. 38 ans de profits, et tout cela pour ça. De plus, une étude gouvernementale (du Conseil pour les ressources naturelles et l’énergie) japonaise de 2004 se voit contredite aujourd’hui par une autre, plus « éclairée ». Le coût de l’énergie nucléaire par kilowatt/heure avait été minoré et il est en fait légèrement supérieur à celui de sources thermique ou hydraulique. Par unité, c’est peu, par milliards d’unités pendant des années, je vous laisse imaginer.

Les Japonais se suicident et le font ou non parfois savoir. Pas de la manière traditionnelle, ou très peu. Juste comme tout le monde, mais davantage. Le taux est de 25,8 pour 100 000, le plus élevé des nations développées. C’était avant la catastrophe. Des témoignages épars (dans la presse régionale) laissent penser qu’il sera encore plus élevé en 2011, la détresse économique découlant de la catastrophe nucléaire se doublant d’une détresse physique.

Le niveau d’irradiation est sérieusement préoccupant. Celui des personnes touchées, de près ou de loin, celui des animaux, mais aussi celui des sols, donc des produits de la terre, de l’alimentation. Et surtout controversé. Les Japonaises et les Japonais procèdent à leurs propres mesures, à ras du sol, et les résultats sont souvent largement supérieurs à ce que les sources gouvernementales communiquent. Évidemment, les relevés individuels posent problème, car ils sont supposés peu fiables. En revanche, les tests urinaires sont peu discutables. Ils ne permettent cependant pas de déterminer quelle quantité de poussières radioactives a pu être inhalée.

La dissémination de la contamination peut prendre du temps : le cesium de Fukushima pourrait atteindre la côte ouest nord-américaine dans… cinq ans (Hawaï dans trois ans). Le lit de l’océan ne sera pas contaminé qu’à proximité des côtes japonaises. En Australie, des inspections de véhicules importés du Japon ont débuté, après que des niveaux de radiation, assez faibles, aient été détectés au Chili sur certaines automobiles.

Depuis mars dernier, d’autres sujets de préoccupation ont relégué le souvenir de la catastrophe. Mais elle risque de se rappeler à nous, sinon à tout instant, du moins durablement.

 

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !