Nos amitiés inoubliables…

Y

’a-t-il une roue dans l’Univers ? Se pourrait-il que nos vies soient comme des pitons de roues d’engrenage, qui tournent sans cesse, s’imbriquent les unes dans les autres. Notre piton venant combler l’interstice entre deux autres, comme nos vies se relient les unes aux autres, et se quittent enfin, comme notre piton repart à l’air libre, repart côtoyer les étoiles avant un nouveau tour, notre vie accrochée à la grande roue de l’Univers.

La vie est si étrange. Parfois, nous croisons des gens et échangeons avec eux des instants si précieux. Ressentent-ils eux aussi, l’émotion qui nous prend ? Des moments si précieux, que rien ne les prédestinait ; aucun indice ne nous permettait, dans le défilement linéaire, si bien programmé, de notre journée, qu’allait arriver ce moment, cette personne, qui changerait l’inclinaison de notre vie, au moins le temps d’une discussion.

Car il y a des êtres que l’on n’aurait jamais croisés. C’est le choix d’un chemin plutôt qu’un autre qui nous destine soudainement à eux, comme si on prenait, sur nos routes bien tracées, un embranchement capricieux, facétieux, le temps d’une pause dans notre route vers le futur, comme un moment à part, décalé, où l’on n’est plus soi-même, mais un tout autre homme, une toute autre peau, dans laquelle nous vivons pour quelques instants une très courte aventure en dehors de notre vie. Parfois, il s’agit d’un ami, qui nous révèle soudainement un secret, un pan de sa vie que l’on ignorait, et l’on se sent dans ce moment irréel, comme si la vie s’était mise en pause, que l’Univers avait cessé de vivre le temps d’un aveu, pour mieux goûter l’intimité de la conversation.

Il y a ces moment où l’on a besoin de parler. Ces moments de drames personnels, comme nos vies sont malheureusement ponctuées au gré des années, qui nous font éprouver le besoin d’un ami, d’une oreille attentive, compatissante à nos peines, d’une présence réconfortante, avec qui l’on passe plusieurs jours, parfois plusieurs semaines, à discuter, à confier nos soucis, nos chagrins, nos pleurs. Des amis tendres et délicats, terriblement touchants. Des liens qui se créés dans les situations de détresse affective, où l’on a à tout prix besoin de quelqu’un. Et la réponse ne vient pas toujours des personnes auxquelles on s’attendait. Mais qu’importe, car on en apprend bien plus alors, et l’amitié se créée, et nos vies se lient. Pendant parfois des journées, parfois des années.

Des personnes viennent parfois à nous, ou nous venons à elles, sans trop savoir pourquoi, sans se douter un instant, qu’à la base de quelques paroles, allait se construire une relation tellement forte que ces gens bientôt, feraient partie de nos vies, et nous des leurs. Des amitiés lentes et douces, ou immédiates, évidentes. Mais le temps se passe, et nous découvrons un jour ces liens, et nous nommons cette personne « ami », quand la veille on ne croyait qu’à une connaissance. Son visage se grave irrémédiablement dans notre mémoire, comme un nouveau portrait accroché à un mur, qui vient parfois occulter les autres, car sa taille est trop grande, son importance si immense, son besoin si vital pour notre survie, qu’il n’est plus possible de s’en séparer ; notre vie est à jamais touchée par la marque de cet ami.

L’amitié ne compte pas l’âge et ce sont les plus improbables, les moins attendues, qui peuvent être les plus fortes. Et l’on se retrouve avec cet ami d’une génération d’écart, à se promener sur une route entre deux champs aux herbes hautes, à parler de sa famille, sa femme, ses fils, qui ne sont pas plus âgés que nous. Et l’on discute de nos vies, de nos futurs et de nos passés, sans se cacher, sans rien occulter, car on ne cherche de cette amitié aucun jugement, mais une autre âme avec qui partager notre essence, notre nature. Des amitiés particulières, desquelles on n’attend rien ou si peu, même pas une présence. On se contente de savoir que l’on a cet ami, qu’importe de quelle manière s’exerce cette possession. L’amitié est, existe, et l’on ne souhaite rien d’autre qu’elle reste, perdure dans le temps, comme une certitude inébranlable, une constante universelle. Qu’importe le lieu, l’heure, l’amitié est toujours là.

Mais le charme peut être rompu, le fil cassé, et la déception s’empare de nous. Quand on a cru à une amitié qui n’a jamais existée que dans notre esprit, mais que la réalité était tout autre. Que la simple vérité était l’absence, le vide. Parce que l’ami n’en était pas un, les désirs différents, les points de vue opposés, les croyances en un lien précieux n’étaient que de notre côté ; tout s’effondre dans un grand puits sans fond, où l’on y enfoui notre honte et nos regrets, notre naïveté triste. On constate son départ, la personne qui s’éloigne sans un geste, un regard, une parole, car le lien n’existait pas, le fil se dévidait dans le vide, et notre cœur reste seul, notre âme avec ses peines. L’ami que l’on voulait est parti et nous restons esseulés.

Paul Cézanne, "Les joueurs de cartes",  1890-1895

20 réflexions sur « Nos amitiés inoubliables… »

  1. Gosseyn,
    Je n’ai qu’on mot : magnifique.
    Touchée à la lecture de ces mots… magnifique.
    Merci pour cet article bien à part. Qu’il est agréable de voir qu’en 2009, des êtres puissent écrire aussi bien, et d’aussi belles choses.
    Je suis fan.
    Luluscribe

  2. Oh ben alors Gosseyn ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Regarde l’expérience magnifique de cette(ces) rencontre(s) !
    [b][i]Mais le charme peut être rompu, le fil cassé, et la déception s’empare de nous. Quand on a cru à une amitié qui n’a jamais existée que dans notre esprit, mais que la réalité était tout autre.[/i][/b] Non non non, ce qui est vécu est vécu, ce qui a été, est et existera toujours dans la mémoire du temps. IL faut couper le cordon Gosseyn, on vient, on part, on se croise, on se décroise, et c’est l’aventure de la vie qui fait que chacun est le pèlerin de son destin. Tu as une prose sensationnelle Gosseyn, tous tes sens sont à l’écoute de ce que tu vis, les gens que tu rencontres, ces « amis de passage », font partis de tes expériences de vie. Pas de hasard dans la vie, quand on rencontre quelqu’un, que nos âmes s’ouvrent l’une à l’autre le temps d’un présent permanent, c’est qu’il y a un message à prendre et un message à donner. 🙂

  3. [b]Padawan Gosseyn,

    Dans chacun de vos articles, l’émotion est à fleur de peau,
    les phrases sont justes, les mots sous votre plume coulent de source…

    L’Amitié, mon Padawan, à moins d’une trahison flagrante, et vérifiée (n’écoutons jamais les ragots),
    Avoir un Ami (e), à qui l’on peut confier ses peines et ses joies, tout au long de la vie, sur l’épaule de qui l’on verser ses larmes, et qui aura toujours le BON mot pour nous sortir d’un « mauvais pas », cela n’a pas de prix!

    Les Amis, les Vrais, on les comptent sur les doigts d’une seule main!

    Son meilleur Ami, celui que l’on a choisi, et qui vous a choisi, restera à vos côtés tout au long de votre vie, et de la sienne!
    L’Amour c’est autre chose :

    On aime ses parents, sa famille, et son partenaire, mais peut-on tout leur confier ?
    J’en doutes…
    pour les préserver, il faut savoir mentir par omission, afin de ne pas leur faire de peine!!

    A l’AMI d’encaisser la confession (entre guillemets),

    GBGB, mon Padawan au coeur sensible..
    SOPHY[/b]

  4. Bonjour Gosseyn.

    Enfin un article de qualité !
    Je sens la plume d’un écorché, pianotant son billet avec une magnifique sensibilité qui va droit à son objectif: l’émotion.
    Bravo Gosseyn de nous gratifer ce cette excellence.

  5. Bonjour [b]Luluscribe[/b],
    Ravi de vous avoir touché et ému.
    Mais ne soyez pas trop « fan », mon style a aussi ses défauts, et je n’écris pas toujours aussi bien…
    Merci pour votre passage et votre gentil message
    Bien à vous,
    Gosseyn

  6. Bonjour [b]Nathalie[/b],
    Je vois que le passage sur la rupture vous a interpellé…
    Il n’est pas facile de perdre un ami, surtout quand le sentiment d’amitié n’était que d’un côté. Pour l’autre, on n’était qu’une connaissance de plus… Et c’est ça le plus difficile.
    Je n’ai pas abordé la véritable amitié qui meurt, seulement celle qui n’est que d’un côté.
    Mais pas facile de couper le cordon, quand on se sent « lésé », « trahi »…
    Mais je pense que vous êtes dans le vrai, quand la rencontre ne dure qu’un instant, c’est que l’alchimie devait prendre, qu’un message devait être échangé…

    Bien à vous,
    Gosseyn

  7. Gosseyn.
    Laisse toi aller et regarde ce moment d’émotion, certainement l’une des séquences les plus fortes du cinématographe.
    {dailymotion}x241kf{/dailymotion}

  8. Chère [b]Sophy[/b],

    Merci beaucoup.
    Vous avez tout compris ! On ne peut pas tout dire, tout confier, à sa famille, ni même à la personne avec qui l’on partage sa vie, tous les jours !
    Mais on peut tout dire à cet ami, tout confier, parce qu’on n’attend rien de lui, sinon simplement une amitié réciproque, pas un amour quotidien, pas une présence, simplement un sentiment partagé.

    La vraie amitié ne se rompt pas sur des ragots, seulement les copinages… Car elle a des bases solides, et si sa façade est parfois ébréchée, ses fondations restent intactes, même avec le temps !

    Les amis les plus chers sont ceux qui restent dans notre coeur, au fil des années. Car il y a parfois des rencontres éphèmères très intenses, mais il ne faut pas se tromper, les vraies amitiés durent toute la vie…

    GBGB
    Votre padawan

  9. Bonjour [b]Michel[/b],

    Que voulez-vous, c’était le cœur qui parlait ! Je vois que vous connaissez vos classique, The streets of Phyladelphia ! Grand amateur de cinéma que vous êtes… Une belle histoire d’amitié que ce film, au delà des différences ! Basée sur une simple rencontre.
    vous savez viser juste !

    Amicalement,
    Gosseyn

  10. Intelligent et tres emouvant, comme toujours.

    Il y a parfois des amitiés tres fortes qui naissent le temps d’une cause, d’une association ou d’un projet mais qui s’evanouissent le « bébé » achevé , la page tournée; si la chute est dure, la vie nous permet aussi de passer à autre chose, à d’autres amitiés.
    Parfois, elles reviennent d’elles meme, 6 ans apres parce qu’on a demenagé

  11. Bonjour Agnès,

    Quand la relation est basée sur un projet, il meurt souvent au terme de celui-ci (et je vois parfaitement de quoi vous voulez parler, mon amitié perdue était dans ce cas de figure). Mais quand on construit quelque chose par dessus, quand on va à la rencontre de l’autre, au delà du projet commun, on peut commencer une véritable relation sérieuse, nourrie, en s’intéressant à la personne, non aux choses.

    Les déménagements, les changements de vie permettent aussi de renouer. J’ai ainsi retrouvé, il y a quelques mois, un ami que je croyais avoir définitivement perdu il y a plusieurs années, après un déménagement. En fin de compte, nous avons depuis, noué une amitié plus forte qu’avant…

    Amicalement
    Gosseyn

  12. J’ ai écris un peu là-dessus moi aussi il y a quelques temps, avec beaucoup moins de style, mais quand il s’ agit de Gosseyn, je le reconnais sans honte….
    Et si comme un vieux je me répète, alors tanpis:
    Quelle écriture…
    Bien vu [b]Michel[/b], [b]La Mamma Morta de La Callas[/b],et cette scène incroyable entre D.Washington et T.Hanks
    ;D


  13. J’ ai écris un peu là-dessus moi aussi il y a quelques temps, avec beaucoup moins de style, mais quand il s’ agit de Gosseyn, je le reconnais sans honte….
    Et si comme un vieux je me répète, alors tanpis:
    Quelle écriture…
    Bien vu Michel, La Mamma Morta de La Callas,et cette scène incroyable entre D.Washington et T.Hanks
    ;D
    et moi qui ne peut même pas voter plusieurs fois… ;)(humour flash-back…)

  14. Merci [b]Jiminix[/b],

    J’ai recherché votre article sur l’amitié, mais je ne le trouve pas !! Pouvez-vous m’aider ?? (voyez les larmes qui roulent sur mes joues gonflées)
    Merci encore 😉

    Amitiés
    Gosseyn

  15. Dsl [b]Gosseyn[/b],
    C’ est un article uniquement paru sur mon blog, mais si le cœur vous en dit !
    [url]http://jiminix.free.fr/?p=1486&preview=true&preview_id=1486&preview_nonce=fa54216cc4[/url] ;D

  16. [b]Il y a bien un adage qui dit qu’ [i][b]« on ne choisit pas sa famille, mais qu’on choisit ses amis »[/b][/i], et, c’est si vrai !
    L’amitié, c’est un bien énorme, qu’on se doit de conserver…
    J’en sais quelque chose, moi qui ai des amis très sincères… Mais, je n’ose guère me dévoiler plus…
    Bravo pour cet article, Gosseyn…
    Amitiés,
    Dominique[/b]

  17. Bonsoir [b]Dominique [/b]!
    Je ne vois votre commentaire que maintenant, j’y réponds donc un peu tard…
    Les amis sont bien ce qu’il y a de plus précieux !
    « Avoir un bon copain… »

    Amitiés
    Gosseyn

Les commentaires sont fermés.