Multiplication des projets d’immeubles en bois à Paris : quelle drôle d’idée…

Le retour du bois dans la construction est souvent perçu comme le symbole de « l’ecolo-moderne » et du « chaleureux », selon les mots des architectes. Pourtant, entre pratiques écologiques discutables de la filière bois et caractéristiques physico-chimiques limitées du matériau, rien ne dit que cet engouement débouchera sur des bâtiments écologiquement sains et sécurisés. Et si la mode du bois tournait au feu de paille ?

De quels projets parle-t-on ?

En juin 2016, le plus gros appel à projets, jamais réalisé par un pays pour des constructions en bois, a été lancé. 24 tours de grande hauteur, entre dix et seize étages, vont totaliser sur 130 000 mètres carrés, 18 immeubles résidentiels et 1 600 logements, quatre immeubles de bureaux et d’autres mixtes, un hôtel à Villeurbanne et l’école des Mines de Saint-Etienne. Selon Franck Mathis, président d’Advibois, « toutes les régions de la France métropolitaine et la moitié des 40 principales agglomérations, soit 27 millions d’habitants, ont maintenant un projet (1) ».

A Paris, près de la Défense, un immense ensemble en bois massif va sortir de terre pour hébrger le QG d’un grand groupe. Le campus en bois qui devrait être livré en 2020 sera le plus grand d’Europe. Le projet de BNP Paribas Real Estate et de la start-up Woodeum, proche de la station de RER Nanterre Université, sera constitué de sept petits bâtiments étendus sur 17 hectares et permettra l’installation du siège d’une grande entreprise encore à choisir. Pour autant, malgré la modernité apparente de ces constructions, elles suscitent d’après l’aveu même du président d’Adivbois, quelques inquiétudes. Les freins psychologiques sont encore nombreux car, « trop de gens associent encore le bois à la maison des petits cochons (2) ». Non sans raisons.

Le bois et le feu : un risque toujours d’une brûlante actualité

L’histoire du monde regorge d’exemples de grands incendies de villes en bois. Le résultat des bombes incendiaires de la seconde guerre mondiale sur les grandes villes du Japon, majoritairement constituées de maisons traditionnelles en bois, est encore dans tous les esprits. Depuis cette époque, les propriétés du bois n’ont pas changé et l’incendie à Los Angeles de 2014 d’un complexe résidentiel en construction d’1,3 millions de m2 l’a encore récemment démontré.

Le classement des produits de construction NF EN 13-501-1 (normes européennes) indique que le bois, qui s’enflamme entre 250 et 300°C, « résiste à une attaque brève des flammes et d’un objet isolé ardent tout en limitant la propagation de la flamme (3) ». Mais, d’après Essentiel Incendie CNDB, le bois se consumant d’un centimètre (en profondeur) en 15 minutes, la propagation de l’incendie est assez rapide. Par exemple, les montants d’ossature classique (de 4 cm par 12 cm) s’ils sont attaqués par les flammes des deux côtés se consument entièrement en trente minutes. L’habitation peut donc s’effondrer en moins d’une demi-heure. Pour rassurer les populations, le bois de construction est aujourd’hui présenté comme ignifugé (grâce à des adjuvants chimiques). Mais une réalité demeure : le bois est combustible, ce qui n’est pas le cas de la brique ou de l’acier.

Des constructions écologiques et saines ?

Là aussi, la légende urbaine est tenace. Si les constructions en bois bénéficient d’une image écologique, la réalité est beaucoup plus complexe. Avant d’être installés, les éléments en bois subissent ainsi des traitements chimiques indispensables pour que le bois conserve ses propriétés. Certains de ces traitements, comme ceux incluant du formaldéhyde, sont classés par l’OMS comme cancérogènes, mais ils seront malgré tout retrouvés dans l’air intérieur des complexes de bureaux ou d’habitation en bois. En effet, le bois émet des Composants Organiques Volatiles (COV) naturels auxquels s’ajoutent les COV chimiques (issus des traitements) comme le formaldéhyde. Pour ce qui est du côté « chaleureux » (et donc de l’isolation thermique), il convient de rappeler que, dans une ossature bois, ce n’est pas le bois qui isole (ou seulement à hauteur de 2,5%) mais l’isolant utilisé (4).

En outre, avec le bois, la question de la durabilité des constructions se pose. Sensible à l’eau, aux insectes (termites, capricorne) ou encore aux champignons (mérule), le bois doit subir des traitements préventifs (voire curatifs) indispensables pour empêcher toute détérioration. Dans le cas contraire, les résidents s’exposeraient à des risques sanitaires et des problèmes respiratoires, (asthmes, bronchites, sinusites ou otite), en plus des risques liés à la sécurité, avec la fragilisation du bois et des structures porteuses.

La filière bois, l’environnement… et notre balance commerciale

Compte tenu des traitements chimiques indispensables, inutile d’envisager un recyclage : trop pollués, les déchets en bois en fin de vie ne peuvent qu’être brûlés en centrales spécialisées. Mais ce n’est pas forcément mieux au début de la chaine de production. L’idée selon laquelle la filière bois est une industrie locale, avec un circuit de production court, est aussi largement contestable : 60% des sciages utilisés en construction sont importés, sans compter le coût écologique du transport jusqu’en France. En 2016, le déficit commercial de la filière de la forêt et du bois, lié à la hausse des importations, connaissait une hausse de 2% et équivalait à 5,9 milliards d’euros en données provisoires. Nos forêts sont certes encore à peu près épargnées, mais la construction en bois creuse le déficit de la balance commerciale, et pas qu’un peu.

Si son aspect esthétique permet une « ambiance chaleureuse » (pour les inconditionnels des chalets à la montagne), il n’en demeure pas moins que ses propriétés naturelles n’offrent pas toutes les garanties en matière de sécurité et d’exigences environnementales. Mais le principal défaut du bois aujourd’hui reste surtout le manque de transparence de ses promoteurs sur les réalités qu’implique son usage.

 

  1. https://www.lesechos.fr/17/10/2016/lesechos.fr/0211402086055_la-construction-en-bois-relancee-par-24-projets-de-tours.htm
  2. https://www.lesechos.fr/17/10/2016/lesechos.fr/0211402086055_la-construction-en-bois-relancee-par-24-projets-de-tours.htm
  3. https://www.egger.com/downloads/bildarchiv/146000/1_146413_BR_Guide-securite-feu_FR.pdf
  4. Sources : Essentiel du Bois CNDB n°6

 

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