Mercredi des Cendres, les djeuns !

Eh non, ce n’est pas aujourd’hui plus qu’hier ou moins que demain le jour des éditions des Cendres de Marc Kopylov (cherchez). Ni la fête des Cendrine (bonne fête aux Françoise). Mais c’est peut-être le bon jour pour lire Le Gai Savoir de la mort, de Jérôme Peignot. Histoire de présager que son retour en poussière sera révélation de « la splendeur du monde ».

Eh non, je ne vais pas vous parler non plus du livre de Jérôme Peignot, descendant d’une illustre famille de créateurs de caractères typographiques, dont son préfacier, Jacques Sojcher écrit qu’il exprime « l’espérance hyperbolique, espérance plus païenne que chrétienne, plus cosmologique que de résurrection. ». Mais du mercredi des Cendres.
Vous vous souvenez : « Memento, homo, quod pulvis es, et in pulverem reverteris… ».
Au lendemain de la Journée internationale des droits de la femme, on peut  se permettre de traduire par « Personne, souviens-toi que tu es poussière et retourneras en poussière. ». C’est en tout cas un bon jour pour rappeler aux djeunes (prononcer : djeûnes, du côté de la Franche-Comté) que c’est jour de jeûne et que, sans doute, dans les cantines des établissements catholiques de par le monde, ce sera menu Findus (sauf qu’au Burkina, la pénurie d’essence bloque l’arrivée de la marée en provenance du Sénégal, mais les Burkinabe – n. inv. neutre – en ont vu d’autres…). Un bon jour aussi pour évoquer les racines gréco-romaines (donc, aussi égyptiennes et juives) de la Fran-an-ceuh.

Vous vous prénommez Sandrine ?  Votre fête est le 2 avril, car Sandre est à Alexandre ce que Totor est à Hector. Vous êtes une protectrice de l’humanité ou une résistante, selon l’acception étymologique. Les Alexia sont vos « cousines ». Vous vous prénommez Cendrine ? Alors, vous devez être (majoritairement à vous toute seule) une jeune trentenaire ou quarantenaire, ne vivant pas forcément sur les rives de la rivière homonyme, affluent du Loir dont les eaux rejoignent la Loire par la Maine. Et votre fête est le… hmm… continuez peut-être à penser que c’est aussi le 2 avril.
Pourtant, à l’avant-pénultième siècle, vos « cousines » auraient pu s’appeler « Fêt Nat » (fête nationale, selon une rumeur créole, assez prégnante pour qu’un officier d’état-civil français le récuse un 15 juillet 2004, lendemain de la naissance d’une certaine Maryline, dont le second prénom est de ce fait Béatrice). Car oui, vraiment, on attribuait ce prénom aux filles nées un mercredi des Cendres.
Oui, mais voilà… L’an dernier, votre fête aurait dû tomber le 17 février. Et là, ce 9 mars. Car le mercredi des Cendres se célèbre à une date « flottante » (pas comme les îles, ici, variable). C’est du calendrier liturgique de l’église catholique romaine que dépend cette date. 

Ce mercredi, vous pourriez vous rendre dans une église catholique romaine ou orientale. Sur votre front, depuis environ 590, on vous apposera un peu de cendre provenant de la crémation des rameaux bénis  le 28 mars 2010, dimanche des Rameaux et de la Passion (le prochain est le 17 avril), second dimanche de la Passion. Des rameaux de buis ou laurier, de saule ou d’olivier, mais aussi, comme aux origines, de palmier, selon les pays ou les continents, ou les îles, comme la Corse. Tous les rameaux ne finissent pas en cendres.
Certains se trempent dans le bénitier familial (qu’on ravitaille en eau en puisant dans les bénitiers des églises), ce qui permet d’asperger les enfants désobéissants et d’en « chasser le diable ». Mais, bien souvent, on appose les cendres le dimanche précédent (par commodité, ainsi dimanche dernier en l’église Saint-Denis du Saint-Sacrement, à Paris).  Peut-être vous faudra-t-il vous munir de vos propres cendres.

Si ces rameaux (des branches de palmier foulées par les sabots de l’âne chevauché par le Christ entrant à Jérusalem) sont une référence biblique, les Cendres doivent tout à Grégoire, premier du nom, pape qui tenta de départager les rêves dus au régime alimentaire ou à la famine de ceux inspirés par les démons ou les saints, voire d’inspiration divine. Avant lui, ont brûlait les rameaux selon les besoins, pour marquer les excommuniés ou les bannis, symboliquement, à vie. Puis on préférera les vouer au sac et aux cendres pour une simple quarantaine (les jours du Carême) ou une plus longue période. Ils ne devaient ni se couper les cheveux, ni se raser le crâne, ni même se laver : ce qui facilitait peut-être l’abstinence charnelle.
Le Carême ayant été adouci, peut-être pour éviter que les dévots n’en profitent pour s’abstenir de faire leur toilette, et que leurs épouses soient tentées par de fringants mécréants, l’abstinence est désormais surtout morale et le jeûne quelque peu aménagé. Le Mardi Gras qui précède n’est plus en effet marqué par des bombances de chère (pour la chair, notamment selon le dicton voulant qu’il faut consoler, au soir de son enterrement, la femme de Mardi Gras, cela se prête à diverses interprétations ; de même faut-il peut-être penser à l’opéra du pauvre, le lit, pour comprendre l’adage : « À Mardi Gras, qui n’a pas de viande tue son coq ; qui n’a pas de coq tue sa femme »).

Je ne sais trop ce qu’entendait Nicolas Sarkozy en revenant par deux fois (déc. 2007, mars 2011) sur « les racines chrétiennes de la France ». Bah, saint Pierre entendit trois fois le coq avant de se raviser. Puis, excédé par ce gallinacé, il l’aurait envoyé d’un formidable coup de pied au sommet d’un clocher, où il resta juché. Nicolas Sarkozy nous la chante clair, mais on ne sait trop sur quel ergot il dansera bientôt.
Chanteclair est une marque de lessive, de l’italienne RealChimica, qui lave peut-être plus blanc les racines, ayant repris la recette du maître savonnier marseillais Auguste Roustan.
C’était notre « insert publicitaire ».

Revenons au Carême. La Croix m’indique qu’on peut s’y associer via l’Internet, avec les bénédictines de Prailles (« concrètement, vous recevrez deux courriels par semaine »), tandis que le sanctuaire de Paray-le-Monial est plus ambitieux (« recevez chaque jour par courriel une médiation de carême »), et que Notre-Dame du Ouaibe (du Web : ndweb.org), n’est pas plus en reste que les frères dominicains de Lille, dont le site est « désormais accessible sur smartphone »). Sainte Françoise Romaine serait la patronne des automobilistes, pour les internautes, je n’ai trouvé qu’une catalane sainte Tecla (sainte Touche, en traduction littérale osée) dont la chapelle virtuelle ne désemplit pas. Vous pouvez lui communiquer « tous les problèmes informatiques qui vous empêchent de naviguer (…) elle s’en chargera… » (adaptation libre, la troisième personne ayant été préférée à la seconde, par exemple).

Voilà de quoi entamer en toute confiance, sous l’égide de sainte Touche (dont je ne sais pas grand’ chose, si ce n’est qu’elle délivra Este de la peste, et qui n’est autre que sainte Thècle d’Iconium, actuelle Konya, en Turquie), un chemin de croix. Méditation en ce premier jour de Carême : les racines chrétiennes de la France sont fort lointaines, pas forcément blondes.

Mais puisque nous sommes en rubrique « Culture, livres et ciné », retour sur Jérôme Peignot. Sans détour, no, il a précédemment publié Les Cent sonnets de Ker Borny (encore aux éditions des Cendres). Regardez les petits oiseaux du ciel… (plutôt en formation de vol que nichés, car ils sont assourdissants). Son Gai savoir incite à « travailler notre mort ». C’est du Montaigne dans la prose de Ronsard. Comme l’écrit Jacques Sojcher (auteur du collectif Où va Dieu ? aux éds Ah!, éditeur de la Revue de l’université de Bruxelles, ou aux éds Complexe) il nous mène « dans l’avant-après du toujours qui peut rire de et avec la mort… ». Consultez peut-être quelques extraits sur le site Ensimismamiento (entrer en soi, au féminin… pluriel sous-entendu). Tentez peut-être de lire au préalable, toujours aux éditions des Cendres, le Laure, une rupture (correspondance de Laure Peignot avec Boris Souvarine, Georges Bataille, Simone Weil… et d’autres…).
Ne désespérons pas : Carla Bruni passera peut-être ce Gai savoir à Nicolas Sarkozy avant qu’il s’emmêle une nouvelle fois les racines…

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

10 réflexions sur « Mercredi des Cendres, les djeuns ! »

  1. Selon [i]Le Canard enchaîné[/i] Nicolas Sarkozy serait prochainement attendu à la cathédrale de Reims (ou à Saint-Rémy ?), à l’abbaye de Cluny, et à… Domrémy (localité à laquelle le prénom de l’aînée de Marine Le Pen, Jehanne, doit beaucoup).
    Le 30 avril, ce sera de nouveau le Vatican.
    Le volatile lui propose de «[i] cueillir le gui avec les druides de la forêt des Carnutes[/i] » en autres lieux (et manifestations comme scientologiser, ou léviter avec les raéliens). Et des scarifications animistes, il y a songé ?

  2. Sarkosy a déjà eu tout le loisir de visiter Lascaux l’année dernière.Cela lui certainement donné des idées….le néochamanisme c’est tendance…

  3. [img]http://googleads.g.doubleclick.net/pagead/imgad?id=CMyoleSNra6zlgEQ0AIYmAIyCM0pohVLlH_K[/img]

    mercredi des cendres,t’as vu Jef ce qu’on mange sur ta page??

  4. [quote] Retourne en toi-même et vois. Et si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le fabriquant qui doit rendre une statue belle: il enlève ceci, efface cela, polit et nettoie jusqu’à ce qu’une belle apparence se dégage de la statue […] Ne cesse de sculpter ta propre statue jusqu’à ce que brille en toi la splendeur.

    PLOTIN, Sur le beau[/quote]

    Pas mal cette phrase!

  5. [quote]elon Le Canard enchaîné Nicolas Sarkozy serait prochainement attendu à la cathédrale de Reims (ou à Saint-Rémy ?), à l’abbaye de Cluny, et à… Domrémy [/quote]

    Que fait il là,Sarko,nettoyer les araignées?

  6. On n’a pas d’araignées dans la Cathédrale de Reims !!
    St Rémy, je ne sais pas.
    (Le sourire de Reims)

  7. On dit que le « carême » redevient à la mode, qu’on OSE dire qu’on le fait. Et alors ?
    Faites le carême comme d’autres font le ramadan, on s’en fiche dès que ce n’est pas un moyen de monter les « croyants » les uns contre les autres.

  8. Pour Mychelle,
    Vaste problème : parfois, on se demande si les pouvoirs publics ne favorisent pas l’expression religieuse ouverte et ostentatoire pour mieux la contrôler.
    Toute forme de recherche spirituelle et même communautaire (soufis, communautés monachales, autres…) dont le discret prosélytisme se fonde sur l’exemple ne me défrise pas.
    Si des gens veulent ponctuer leur approfondissement spirituel de « temps forts », pourquoi pas ? En tout cas, je ne cherche pas à établir la primauté d’une religion sur une autre.

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