L’économiste Nicolas Bouzou tacle le gouvernement

Nicolas Bouzou, fondateur de la société d’études économiques Asterès et professeur d’économie à Sciences Po, pourtant connu comme un adepte des thèses libérales (voir par exemple cet article), vient à trois reprises de tacler sévèrement le gouvernement. Le 12 août, l’INSEE annonce un recul de l’inflation de 0,2% pour juillet. Même si, malgré cela, elle reste à son niveau le plus élevé depuis 17 ans, l’UMP se lance dans une vibrante auto-congratulation, par la voix de son porte-flingue parole, Frédéric Lefebvre, pour qui cette minuscule baisse montre "qu’il faut poursuivre la politique engagée depuis un an". En réalité, ces 0,2% n’ont bien sûr rien à voir avec les "réformes" du gouvernement, comme le rétablit sèchement Bouzou : "pointer du doigt le recul des prix en juillet par rapport à juin n’a strictement aucun sens, pour une raison simple […/…]

: les données d’inflation de l’INSEE ne sont pas désaisonnalisées. Autrement dit, elles prennent en compte les baisses de prix liées aux soldes. Ainsi, d’aussi loin que l’on peut remonter dans les statistiques de l’INSEE, les prix à la consommation sont toujours, en moyenne, plus faibles en juillet qu’en juin". Un autre économiste, Alexander Law (Xerfi) apporte au chiffre brut de l’INSEE la précision qui manque : "en données corrigées des variations saisonnières, les tarifs grimpent de 0,1%".

Et un troisième, Mathieu Kayser (BNP Paribas), assène le coup de grâce : "En mesure harmonisée aux normes européennes (IPCH), qui reflète en particulier l’effet des franchises médicales mises en place début 2008, l’inflation est demeurée à 4% (plus haut historique)". Se féliciter de cette baisse de 0,2%, qui est en réalité une hausse de 0,1%, n’aurait donc, selon les mots de Bouzou, "strictement aucun sens" ? Pas en terme de manipulation communication : heureux d’enfin pouvoir claironner ce qui peut passer pour une bonne nouvelle sur le front de l’économie et du pouvoir d’achat – à tort, au vu des précisions apportées plus haut – le secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, Luc Chatel, qui est aussi porte-parole du gouvernement, s’est ainsi invité sur l’ORTF France 2 pour annoncer l’information avant même la publication par l’INSEE !

Dame, il ne fallait pas laisser passer l’occasion, à quelques jours de l’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité, à laquelle le gouvernement a donné son feu vert. Ce qui avait été sancionné d’un deuxième tacle de Bouzou, dont nous vous parlions déjà ici : "Même si les prix de l’électricité n’augmentent pas beaucoup, une hausse sera fortement ressentie par les Français, car ils sont en ce moment pris en étau, les prix continuant d’augmenter plus vite que les salaires. L’électricité représente 2% de la consommation totale des ménages. Ce n’est pas énorme en soi, mais une hausse des prix pèserait essentiellement sur les ménages les plus modestes". Ce qui n’a pas empêché les médias, malgré nos trois économistes, de consciencieusement relayer la fausse bonne nouvelle de Chatel et Lefebvre : youpi, l’inflation baisse !

Mais pas de chance pour nos pauvres gouvernants : jeudi 14 août, l’INSEE sort un autre chiffre, celui de la croissance, qui révèle une baisse de 0,3% du PIB national au deuxième trimestre (-0,2 pour la zone euro). Et aujourd’hui même, nouvelle publication de l’INSEE, qui signale cette fois que, sur la même période et pour la première fois depuis cinq ans, l’économie française a détruit plus d’emplois salariés qu’elle n’en a créés (-0,1% soient 12 200 postes en moins). Alors que la baisse du chômage était déjà en trompe-l’œil, on s’attend désormais à ce qu’il reparte à la hausse. Voilà donc l’apparition du spectre de la récession. Cruel, pour l’homme qui prétendait "aller chercher la croissance avec les dents"… Et que proposait donc le président pour obtenir ce résultat ? Le "paquet fiscal" de la loi TEPA. Outre le fait que ses mesures étaient profondément injustes au plan social, elles s’avèrent aujourd’hui économiquement contre-productives – ce que l’opposition avait du reste prédit dès le départ. Qu’en dit en effet Nicolas Bouzou ?

"Le paquet fiscal a épuisé nos dernières marges de manœuvre budgétaires". Alors que les nantis profitent des largesses du pouvoir pour se goberger comme jamais, le pays s’enfonce dans la crise économique, la grande majorité des Français souffre et 7,9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté (13,2% de la population). Et le "président du pouvoir d’achat", dans tout cela ? Plus que jamais, le roi est nu.

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