Le cassoulet de Castelnaudary… 3° partie.

La légende et l’histoire du cassoulet de Castelnaudary : bean or not bean.


Des déjeuners en famille, des diners en agréable compagnie dans un petit coin douillet de la campagne chaurienne, une « colle » en liesse fêtant la fin des vendanges ou… une réunion entre amis pour y célébrer Apollon, dieu de la musique et musicien des dieux…, en Lauragais les autochtones sont attachés aux traditions et à la tradition surtout quand celle-ci est liée aux honneurs de la table présidée par un « caçolet » maison, véritable et authentique; cuisiné dans la plus pure des traditions ancestrales, un plat typiquement paysan au goût rude et réconfortant, – haricots-lingots du lauragais, cuisses de canard et/ou d’oie, saucisse, couennes, et porc pris dans le jarret, l’épaule et/ou la poitrine -, à la redécouverte d’un plaisir oublié.


 

Les âmes chagrines contestent, avec véhémence, la présence des haricots dans le plat moyenâgeux originel. Et ils clament, haut et fort, pour mieux se faire entendre, que seules les fèves ou les doliques, – moujette ou mounjette en occitan -, pouvaient être dans la recette car les haricots, – dans leurs propos d’universitaires blasés -, originaires du continent sud-américain, n’ont été introduits, en France, que beaucoup plus tard, en 1530, par la bénédiction de Christophe Colomb qui les auraient ramenés sur l’Ancien Continent, au retour de sa découverte des Amériques(3), en 1493.

 

Certains historiens, plus chagrins encore, désireux d’apporter un certain discrédit à la recette originelle, vont même jusqu’à assurer que ce sont les arabes qui auraient introduit le haricot, en France, non lors de leurs invasions et razzias menées depuis Cordoue et la péninsule ibérique, au VIII° Siècle, mais, et tout particulièrement les Ottomans, au… XVII° Siècle. Mais une petite minorité d’entre eux, des chroniqueurs locaux essentiellement, affirment, au contraire, que les haricots étaient connus, en Francie, dès au moins le Haut Moyen-Âge et qu’ils étaient abondamment cultivés dans tout le Midi languedocien et le Sud-Ouest aquitain et gascon.


La légende et l’histoire du cassoulet de Castelnaudary : le haricot… et Christophe Colomb…


Mijoté, parfumé d’un hachis d’ail, de lard et de couennes « l’estouffet de mounjos », – les haricots à l’étouffé -, a donné naissance, au début du XVI° Siècle, « a lo caçolet », – au cassoulet : des haricots, du porc et du confit d’oie ou de canard, deux carottes, un oignon, du cèleri et un bouquet garni -, plat typique de l’Occitanie.


Aux dires grandiloquents, ampoulés et emphatiques de « la Confrérie du Cassoulet », chaurienne, et de « l’académie universelle du cassoulet », carcassonnaise, ce ne furent plus des fèves que mijotèrent, en ragoût, dans une sorte de jatte en terre à bord évasé, mais des haricots lingots de Castelnaudary ou cocos de Pamiers.

Haricots blancs lingots ou haricots blancs cocos, seulement des haricots, des « Phaseolus nanus » ou des « Phaseolus vulgaris », variété « vulgaris » s’ils ont été domestiqués depuis l’écotype lié au groupe Méso-américain, – du nord du Mexique au Costa Rica, en incluant le Belize, le Guatemala, l’ouest du Honduras, le Salvador et le versant pacifique du Nicaragua -, ou variété « aborigineus » depuis l’écotype lié au groupe Amérique centrale -, du Guatemala au Panama -, et Andin, – du Venezuela au Chili et à l’Argentine, en traversant la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie , une liane naine ou grimpante, très vigoureuse, donnant de petites graines noires qui, par la magie des croisements et des cultivars sont devenues blanches, rouges, pinto, borlotti, rosées, marbrées….

 

 

Ce fut Christophe Colomb qui ramena des graines de « Phaseolus vulgaris », de Nuevitas, – Cuba -, au retour de son premier voyage, en Mars 1493, et de « Phaseolus aborigineus » du Venezuela, lors de sa troisième expédition. D’autres explorateurs catalans, espagnols et portugais, – Cabot, Ponce de León, de Soto, Cortez, Pizarro, Almagro, Pinzon, Fernández, Narváez, Velázquez, Orellana… -, anglais et français, – Frobisher, Radisson, Cartier, de La Salle…, par la suite les découvrirent en divers points des Amériques.

En 1530, Pietro Valerio, un chanoine italien féru de botanique et jardinier du Vatican, reçut, du pape Clément VII, quelques graines qu’il cultiva au titre de curiosité végétale. Outre son utilité alimentaire, une lapalissade indéniable d’autant qu’elle était connue et consommée depuis au moins 7.000 aux Amériques, le scientifique, divinement éclairé, découvrit des vertus aphrodisiaques à la légumineuse.


Ce ne fut qu’en 1533, quant Alexandre de Médicis, Cardinal et Duc de Toscane, offrit, à sa sœur Caterina Maria Romola, à l’occasion de son mariage avec le dauphin de France, futur Henri II, un sac de ces haricots, aux dires des hautes instances universitaires que cette fabaceae pénétra sur les terres de France. Comtesse d’Auvergne puis Dauphine de France et Comtesse de Bretagne dès 1536 et Comtesse de Lauragais en 1553, Catherine de Médicis imposa la culture du haricot sur ses terres. La graine noire, – appelée flaviol ou fesol, mounjeta ou mongeta en occitan et en catalan -, peu à peu semée et cultivée, et, au fil des temps devenant blanche, gagna l’ensemble du Sud-Ouest.

 


Telle est l’histoire méandreuse de l’arrivée, de l’implantation, de la culture et de la consommation du haricot, en Europe et en France, que nous content, depuis le XVII° Siècle, les historiographes et les scientistes, des thèses irréfutables que nos historiens et scientifiques des XIX° et XX° Siècles ont repris à l’unisson.


La légende et l’histoire du cassoulet de Castelnaudary : et si le haricot… était connu, en Francie, grâce aux Vikings…


Mais si le haricot, une plante ligneuse sauvage, était connu et consommé aux Amériques, étant appelé « ayacotl » en nahuatl, – langue des Aztèques -, « purutu » en quechua, – langue des Incas -, et « Sahé » en iroquoien, – le long du fleuve Saint-Laurent au Québec et en Ontario, Canada -, ces terres avaient déjà été prospectées, par des explorateurs commerçants et/ou pirates scandinaves, les Vikings, du IX° au XI° Siècle. Les peuples, en contact avec eux, leur avaient donné différents noms : Normands pour les Francs, Danois pour les Anglais, Rus ou Russes pour les Slaves, les Arabes et les Byzantins.


 

Les Vikings, – Norvégiens, Danois et Suédois -, par voies terrestres ou maritimes envahirent de multiples terres fort éloignées de leur pays et s’y établirent. Leurs strandhögg, – expéditions -, sur les côtes de la Manche et de la Mer du Nord ou en Russie, au Groenland et aux Amériques, du VIII° au XI° Siècle, leur permirent d’implanter, sur le terres conquises, de nombreux comptoirs, – les vicus -, à partir desquels ils commerçaient.


 

Sous la conduite d’Éric le Rouge, bien longtemps avant la découverte de Christophe Colomb, l’Amérique avait été connue par les explorateurs pirates scandinaves. Ce fut d’abord le Groenland, – la « terre verte » -, en 986 puis ce fut son fils Leif l’Heureux, – ou Leif Eriksson -, et ses compagnons qui s’établirent, en 1002, sur l’île de Terre-Neuve, et, par la suite, plus au Sud, de l’État du Maine jusqu’à la Californie, sur l’actuelle côte Est étatsusienne, les Bahamas et Cuba. Explorateurs, commerçants et pirates, même si ces découvertes sont restées volontairement confidentielles, – nul doute ne pouvant être admis -, ils avaient ramené, de ces terres lointaines, les fameuses graines de « Sahé », iroquoiennes, pour en faire commerce en Europe et en Francie.

 

Notes.


(3) La Découverte des Amériques est l’expression couramment employée pour désigner l’invasion européenne sur l’actuel continent Américain, – le Nouveau Monde -, par un groupe d’une centaine de personnes commandées par l’amiral Christophe Colomb durant la nuit du 11 au 12 octobre 1492. Ils abordent alors l’île de Guanahani, – actuel San Salvador, Caraïbes -, avec deux caravelles, La Pinta et La Niña, et une caraque, La Santa María. Ce moment marque la rencontre de deux sociétés qui avaient quasiment évolué indépendamment l’une de l’autre pendant environ 12.000 ans, après la disparition du pont terrestre de la Béringie.

6 réflexions sur « Le cassoulet de Castelnaudary… 3° partie. »

  1. Bonsoir,

    demain mon cassoulet aura une toute autre saveur !
    encore une fois un post « alléchant », de la gastronomie à l’hsitorique, le fayot prend ses lettres d’or !

    Amitiés

    Michel

  2. Bonsoir à vous michel

    Une manière d’aborder la gastronomie par l’histoire d’un ingrédient… il est vrai que le haricot fait débat… et le cassoulet tout autant…

  3. On comprend maintenant pourquoi ce plat se défent encore in corpus ! 😀

    J’aime ces histoire genre…Il était une fois l’histoire, mais pour les grands!

  4. Merci pour ces moments d’histoire; je vais pouvoir briller en famille la prochaine fois que maman me servira le cassoulet avec les Haricots de Papa et le canard de la voisine!!!

  5. Bonjour SybilleL et AgnesB, pour votre lecture et votre message…

    Je me suis engagé sur une étude complète du cassoulet avec fèves ou haricots qui a toujours fait débat

    quelques articles suites vont encore être publiés à ce sujet car il y fait défaut le dolique, la « bataille du cassoulet » entre les villes de Castelnaudary, de Toulouse, de Carcassonne, de Pamiers… etc…

    et les écrits sur le cassolet

    pour terminer avec quelques recettes bien sûr

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