La nuit du Pharaon – Episode 23

 

Panihi s'éloigna de nouveau vers ses compagnons. La discussion dura longtemps, et je devinais qu'ils avaient quelque secret qu'ils hésitaient à nous faire partager. Il ne fallait pourtant pas être un grand prophète d'Amon pour deviner que nous étions en présence des pilleurs de tombes. Les outils qu'ils transportaient par ce chemin détourné n'étaient pas des outils d'ouvriers innocents.

Panihi donna alors quelques ordres à ses hommes qui s'éloignèrent vers la  vallée des morts, nous souriant au passage. Il nous entraîna alors par les crêtes au plus haut- de la montagne. Le chemin était pierreux et la pente parfois dangereuse. J'en vins à me demander s'il ne voulait pas se débarrasser de nous en nous précipitant dans un ravin, mais s'il avait voulu agir de la sorte, il aurait pu le faire avec l'aide de ses compagnons. Il devait avoir besoin de nous pour des raisons qui m'échappaient encore, mais j'étais bien décidé à guetter la première occasion pour fuir loin de ces renégats. Houy jouait parfaitement son rôle de novice et ne disait mot. Nous atteignîmes le sommet, escaladant la falaise en nous aidant des mains. D'en haut, nous dominions toute la vallée du Nil et le désert à l'entour. La chaleur était telle que la ville disparaissait dans la brume. Par delà les grands pylônes du temple d'Amon, de l'autre côté du fleuve, seules les pointes dorées et brillantes des obélisques se distinguaient parmi l'enchevêtrement des constructions de la ville. Des centaines de barques et de voiles sillonnaient le fleuve, comme des jouets d'enfant dans un bassin. Derrière nous le désert de montagnes rouges semblait retenir la chaleur du soleil comme en un four de potier. Panihi montra un chemin en contrebas :


« – Voici le chemin qui mène au village des ouvriers de la nécropole. Ainsi nous n'aurons pas à passer devant les garnisons qui en contrôlent l'accès. Je suis le Contremaître de l'Est, le gardien de la porte vous laissera passer. »

Il nous entraîna parmi les pierrailles de la falaise jusqu'à ce sentier encore plus étroit que le chemin des crêtes. Je devinais que c'était le passage qu'empruntaient les pillards. Nous arrivâmes enfin au village. Un grand mur d'enceinte, édifié en briques crues l'entourait comme le mur d'un temple, ouvert par une grande porte sur la face nord. Le gardien de la porte n'était pas à son poste, et Panihi nous fit pénétrer dans le village. Les maisons étaient alignées, toutes les mêmes, le long de la rue principale, les façades blanches et les portes peintes en rouge. Sur le linteau de chaque entrée était inscrit le nom de celui qui habitait la maison, ainsi que le nom de ses ancêtres, car tous vivaient là de père en fils. Panihi habitait la première maison à l'est, puisqu'il était le chef de l'Est :

« – Le village est séparé en deux par cette rue, et toute l'organisation du village est divisée en deux comme pour l'équipage d'un navire. Nous préfigurons ainsi aux yeux du clergé le rôle de la barque funéraire pour les tombeaux dont nous sommes chargés. »

Le village était régi par deux capitaines, les contremaîtres, et les hommes d'équipage étaient les ouvriers de l'Est et de l'Ouest. Houy prit la parole pour la première fois, avant d'entrer dans la maison de notre hôte :

« – De quelle tombe êtes-vous chargés en ce moment ? »

Panihi eut un léger sourire :

« – Officiellement nous sommes payés par Pharaon, Vie, Force et Santé, pour la construction de sa tombe. Mais depuis quelques mois les travaux sont interrompus, car ils touchent presque à leur fin. Or nous avons besoin de travailler, nous reculons donc l'échéance finale en vaquant à d'autres petites occupations pour des nobles, des prêtres des hauts dignitaires du clergé ou pour nous-mêmes. »

Nous avions franchi le seuil. La première pièce, en contrebas de la ruelle, était vaste, et claire grâce à la lumière que laissaient passer la porte et plusieurs soupiraux percés au ras du plafond. Un autel dédié à Bès[1] se tenait près de l'entrée. Panihi nous fit l'honneur de nous inviter dans la pièce principale. Les murs étaient joliment peints de fresques aux couleurs vives, représentant des marais fleuris et peuplés d'animaux et de volatiles aquatiques, semblables aux scènes rituelles que l'on trouve dans les tombes, mais sans la grande barque où la mort se tient, harponnant les mauvais génies de la nuit. Le plafond était soutenu par deux élégantes colonnettes rouges, et une large fenêtre ouvrait sur le nord, face à l'entrée du village d'où notre hôte pouvait contrôler le passage à sa guise. Nous prîmes place sur les banquettes de briques placées contre le mur, sous la fenêtre et Panihi nous fit servir un repas par une servante. Le poisson grillé venait du Nil, car chaque jour le village était ravitaillé en eau et en vivres par les fonctionnaires spécialement affectés à la nécropole.

Aux heures les plus chaudes, nous pûmes rester somnoler sur les banquettes, tandis que Panihi s'absentait, nous laissant un serviteur et des servantes à disposition. J'eus l'impression tout de même que nous ne pourrions pas aller où nous voulions et que nous étions prisonniers de sa maison. Le moment n'était pas venu de fuir loin du village, je pensais que la nuit nous serait plus propice.

Lorsque le soleil fut bas derrière les montagnes, et que le jour se fit plus sombre, j'entraînai Houy hors de la maison du contremaître, plus par bravade vis-à-vis de notre hôte que par curiosité, mais on ne nous opposa aucune résistance. La rue principale du village était déserte. Nous nous sommes promenés le long des maisons d'où s'élevaient de joyeux cris d'enfants et de femmes. En arrivant à la dernière maison du village, une femme sortit de sa demeure, et, provocante, elle invita mon compagnon à la suivre dans sa chambre, tandis que j'aurais gardé la porte afin que nul n'entrât :

« – Vois, mon homme est loin, et depuis des années il ne ma connaît plus en connaissance d'homme. Or voici que les dieux t'envoient à moi pour que nous fassions un jour heureux, suis-moi sur ma couche, je mettrai ma perruque et nous passerons un moment ensemble. »

Houy déclina la proposition, non sans regret, car la femme était belle, mais Thot mit des paroles de sagesse dans sa bouche :

« – Femme, tu es belle et nous sommes étrangers à ton village, tous peuvent nous remarquer en rentrant du travail. Et que diras-tu à ton époux et à tes enfants s'ils te surprennent dans les bras d'un étranger ? Or, connais-tu le conte du mage trompé ? »

Et comme la femme ne répondait pas, baissant les yeux et riant comme une petite fille, Houy lui conta la parabole[2] que nous avaient enseignée les ménoïs :

« – Il y avait une fois, dit-on, dans le pays d'Égypte, un mage dont la femme était éprise d'un bourgeois. Comme le mage était parti à la cour du Roi, vie, force et santé, dans la Ville aux murs blancs, elle fit venir le bourgeois dans le pavillon de son jardin et dit à son serviteur : « Fais préparer le pavillon qui est dans le jardin ».

Elle y alla et passa tout le jour à boire avec le bourgeois, et ils passèrent ensemble un jour heureux. Quand le soleil se fut couché, le bourgeois descendit dans le bassin.

Après que la terre se fut éclairée et qu'un nouveau jour fut venu, le serviteur s'en fut avertir son maître et lui dit : « Vois, ta femme passe un jour heureux avec un étranger. Alors le mage modela un crocodile en cire, long de sept pouces, et il prononça sur lui une formule magique : « Quiconque viendra se baigner dans le bassin, emporte-le avec toi ».

Puis il le remit au serviteur en disant : « Lorsque le bourgeois sera descendu dans le bassin, tu jetteras le crocodile derrière lui'. Le serviteur s'en retourna, emportant le crocodile de cire avec lui.

Après que la terre se fut éclairée et qu'un nouveau jour fut venu, la femme du mage fit venir le bourgeois dans le pavillon de son jardin et dit à son serviteur : « Fais préparer le pavillon qui est dans le jardin ».

Elle y alla et passa tout le jour à boire avec le bourgeois, et ils passèrent ensemble un jour heureux. Quand le soleil se fut couché, le bourgeois descendit dans le bassin.

Le serviteur jeta alors derrière lui, dans l'eau, le crocodile de cire, or voici que celui-ci se transforma en un crocodile de sept coudées et qu'il emporta le bourgeois au fond de l'eau, et nul ne sut en quel endroit il était allé avec le bourgeois. Ensuite, le Roi, vie, force et santé, fit conduire la femme du mage sur un terrain où il la fit brûler, puis ses cendres furent jetées au fleuve. »

 

Et s'adressant à la femme, Houy ajouta :

« – Ne crains-tu pas qu'un de tes serviteurs puisse aller trouver ton mari et lui dire : « Vois, ta femme passe un jour heureux avec un étranger » ? Et quand bien même aucun serviteur ne parlerait, tu ne réussirais pas à tromper les dieux qui voient toutes choses, et ils enverraient Sobek[3] dans ta maison afin de rendre justice. »

La femme rentra chez elle, ferma sa porte, et Houy m'adressa un sourire, et je songeai que le beau soldat qui autrefois ravageait le cœur des dames de la cour avait bien changé.

Les ouvriers revinrent au village lorsque la nuit fut tombée. Ils nous remarquèrent immédiatement, car tous se connaissaient dans le village. Certains vinrent nous demander qui nous étions, mais lorsque nous nous dîmes les hôtes du contremaître de l'Est, chacun regagna sa maison sans commentaire, et très vite nous sûmes que tout le village connaissait notre présence.

Panihi ne tarda pas à rentrer, accompagné des ouvriers que nous avions rencontrés le matin, tous chargés de lourds fardeaux à peine dissimulés dans de grands sacs.  Ils regagnèrent leur maison, et notre hôte vint nous rejoindre :

« – C'est aujourd'hui le dernier jour de la semaine. Comme dans Thèbes, le neuvième et le dixième jours sont des jours de repos, les ouvriers vont à la ville, dans leur famille, ou bien ils continuent à travailler pour leur compte personnel. J'ai un travail particulier à faire, et vous me serez d'une aide précieuse. »

Et comme nous demandions en quoi consistait ce travail particulier, Panihi répondit :

« – Il est temps que nous poussions notre pion sur le damier : je n'ai pas cru un seul instant que vous étiez égarés sur le chemin des crêtes. Je veux bien croire que vous ayez passé la nuit dans une tombe ouverte, et cela a dû vous donner l'idée d'aller chercher quelques outils pour revenir vous emparer des trésors des pharaons qui reposent à l'ombre de la grande montagne. D'autres y ont perdu la vie, car nous sommes bien organisés dans le village. Les dieux vous sont cléments, j'ai besoin de vous. Depuis le sacrilège du fils d'Aton, Celui qu'on ne peut pas nommer, le village, d'abord abandonné, n'a pu survivre qu'en pillant les trésors qu'il avait contribué à protéger. Au retour de la cour royale dans la ville d'Amon, malgré les commandes du nouveau gouvernement, les ouvriers ont continué à chercher à s'enrichir de la même manière. Le Pharaon a beau être pieux, la construction de sa tombe ne suffit pas à faire vivre plus de trois cents personnes, car nous avons des familles très nombreuses. Le pouvoir est aux mains du clergé et des militaires qui ont renfloué leur trésor en violant les tombes des grands rois et des nobles de Thèbes. Les prêtres de la nécropole sont corrompus par les prêtres du Grand Temple d'Amon, nous ouvrons une à une les tombes royales, partageant nos butins avec le clergé. Mais celui-ci est trop avide, et pour satisfaire nos ouvriers, j'ai dû prendre l'initiative de quelques travaux supplémentaires. »

Il éclata de rire et nous nous forçâmes à faire de même, car après ces révélations, nous étions bien conscients que pour nous c'était désormais la complicité ou la mort. Je ne pouvais oublier la profanation de la tombe de mon père, mais il me fallait cacher  ma colère au lus profond de mon âme. Houy demanda quel serait notre part de butin, et le contremaître répliqua :

« – La première mission est une mise à l'épreuve, elle ne vous rapportera rien. Il s'agit d'une tombe royale. Si vous êtes surpris par les gardiens de la Nécropole, vous serez mis à mort avant de parler, sinon, vous pourrez entrer à mon service durant les jours de repos, tout en continuant vos études au temple pendant la semaine. J'ai besoin d'un œil et d'une oreille dans le temple d'Amon, car je me méfie de ses prêtres qui nous utilisent tant qu'ils ont besoin de nous. »

Les paroles de Panihi me confortaient dans l'idée que le Divin Père trempait dans l'affaire des pillages, mais je n'osais demander plus de détail. Je prenais l'air détaché de ceux que n'intéresse que le butin. Le chef des ouvriers de l'Est nous fit passer à l'arrière de sa maison où des serviteurs nous rasèrent la barbe et lavèrent nos visages et nos corps. Puis ils nous vêtirent de lin propre, nous habillant à la manière des ouvriers du village, et Panihi vint nous chercher pour nous conduire au cabaret.

C'était soir de fête pour les habitants de la nécropole, comme chaque veille de repos. A l'extérieur du mur d'enceinte, des échoppes de fortune étaient dressées, et les ouvriers buvaient de la bière et du vin, accompagnés de leur famille du village et de la ville qui était venue les rejoindre. Un peu à l'écart du mur d'enceinte, contre les pans de la montagne, une grande maison construite en pierres et en briques résonnait de musique et de clameurs. A la lueur des torches qui encadraient la porte, on pouvait voir sur le mur de grandes fresques représentant des danseuses nues au milieu d'un somptueux banquet. Les peintres de la nécropole avaient dû pouvoir exercer là leurs talents à loisir, libérés des contraintes des représentations officielles dans les tombes. Un gardien de la porte ne laissait entrer dans le cabaret que les habitués, mais Panihi nous y introduisit sans peine car il était connu de tous dans les environs.

La salle intérieure était éclairée, par de nombreuses torches accrochées aux murs et par de belles lampes d'albâtre où brûlaient des mèches de lin dans l'huile. Tout le long des murs, une banquette continue servait de banc où les convives étaient assis, conversant bruyamment en attendant le spectacle. Au milieu de la grande salle, une aire de sable fin était réservée à la musique et à la danse. Les musiciennes jouaient des sistres, des violes et des flûtes, et tous attendaient les danseuses syriennes et orientales qui faisaient la renommée du lieu. Au-dessus des banquettes, une autre fresque couvrait le mur, complétant les scènes de l'extérieur. Les peintres avaient représenté la fin du banquet dont les convives étaient désormais totalement dévêtus, jouent aux jeux d'Hator avec les danseuses sur leurs genoux ou debout sur des guéridons.

Comme sur ces peintures murales, des servantes nues apportaient aux convives de cette soirée le vin de Bouto et la bière qui rendait les cœurs joyeux. Panihi nous fit boire plus qu'il n'aurait fallu, et je me sentis partir dans l'autre monde. Mais mon frère veillait sur moi et ne me quittait pas du regard. Une servante, toujours la même, venait vers nous, remplissait continuellement nos coupes en frôlant nos corps de ses longues jambes graissées de parfums. Panihi semblait bien la connaître et lui caressait la peau lorsque la fille était contre lui. Le cabaret résonnait de musique et du brouhaha de tous ces hommes qui sombraient dans l'ivresse, et leur attitude se rapprochait de plus en plus des scènes de la fresque intérieure. Les servantes s'alanguissaient dans leurs bras, les dévêtant à leur tour.

Enfin, vers le milieu de la nuit, le maître des lieux nommé Southy, un ancien marchand syrien, fit faire silence en tapant sur un plat de cuivre, et annonça la danseuse de Baâl, la Babylonienne que tous attendaient.

Les musiciennes entonnèrent un chant étranger, scandé par leurs instruments, et l'atmosphère déjà surchauffée devint enivrante. Les parfums qui s'élevèrent alors dans la salle firent comme un encens dans un temple, et tous se turent à l'entrée de la Babylonienne. Elle était entièrement nue, sans même la ceinture et les parures que portent les servantes et les danseuses égyptiennes. Totalement rasée, elle semblait avoir le corps d'une enfant, mais ses seins hauts et lourds provoquaient l'assemblée composée exclusivement d'hommes. Son ample chevelure noire tombait jusqu'aux reins, mais ses cheveux étaient réels, elle ne portait pas de perruque. C'était bien la plus belle femme qu'il m'eut été donné de voir jusqu'alors, et sa beauté sensuelle fit frissonner mon corps à tel point que j'eus presque honte de me laisser troubler ainsi malgré moi. Une pensée me traversa l'esprit : j'aurais pu, profitant de ma position, revenir la chercher ou la faire enlever pour qu'on l'amène au palais et la faire entrer dans ma maison. Pour la première fois une femme troublait mon âme, mais du même coup je mesurais la faiblesse du corps qui pouvait dicter sa loi à un esprit faible. Les vapeurs de la bière et le désir d'être, pour une fois, comme les autres, firent que j'écartais vivement Horus de ma pensée, je n'avais pas envie de sentir en moi la divinité, je voulais gouverner mon corps seul, comme un bon batelier pendant la crue du Nil, et je me laissais aller à m'enivrer de la beauté charnelle et dangereuse de la Babylonienne. Son corps souple et langoureux suivait les variations de la musique, se mouvant comme un long serpent, se rapprocha peu à peu des convives pétrifiés qui ne parlaient plus, ne riaient plus. Les servantes elles-mêmes avaient fait silence devant la beauté incarnée. Elle s'approcha de nous et je pus voir son visage. Elle devait avoir vingt ans. Ses lèvres fines étaient soulignées de rouge, ce qui renforçait l'éclat de ses dents blanches lorsqu'elle souriait. Ses grands yeux clairs bordés de fard noir semblaient regarder au-delà des murs, ce qui les rendait encore plus troublants. La danse devint effrénée. Bientôt les hommes frappèrent des mains au rythme des tambourins, puis la danseuse fit le pont, jambes et bras écartés reposant sur le sol tandis qu'elle offrait son corps au regard de tous. Le silence était rompu, mais le charme aussi. Ce qui avait été un instant la danse surnaturelle d'une déesse descendue sur terre devenait la position figée et provocante d'une pallacide¨ telle qu'on pouvait le voir sur les fresques du mur. Alors le cabaretier vint à nouveau au milieu de la salle et malgré les cris et les vociférations de l'assistance échauffée, il put se faire entendre et mit la danseuse aux enchères pour les plaisirs d'Hator. La salle se déchaîna, chacun proposant plus que l'autre, et de quelques kités de bronze, on en vint à plusieurs kités d'or. Enfin un homme se leva, tendant un grand pectoral d'électrum qu'il passa au cou de la Babylonienne. Celle-ci gardait sa position érotique, offerte à qui voulait la louer pour le plaisir. Le cabaretier annonça une tournée générale de bière pour fêter l'évènement, et le vainqueur des enchères défaisant son pagne s'accoupla à la danseuse sans pudeur sous les cris d'encouragement de tous. Les vapeurs du vin et de la bière s'estompèrent alors dans mon esprit. Je n'aurais jamais imaginé que l'amour put prendre cette forme et je me tournais vers mon frère. J'avais l'envie de sortir, de fuir loin de cette vallée des morts et du village de la nécropole. Houy me prit par la main et nous sortîmes, tandis que Panihi à son tour portait à la danseuse un collier d'or provenant sans doute d'une tombe royale. Il y avait tant de cris et de rires dans le cabaret que personne ne nous vit disparaître dans la nuit. Houy m'entraîna loin du village, dans le désert, vers le sud, hors de la nécropole. Nous rencontrâmes à la lisière du village quelques femmes de mauvaise vie venues de Thèbes, et qui nous interpellèrent au passage. Des couples enlacés entre les rochers sursautèrent à notre approche.

 

Le petit jour nous surprit très tôt, loin du village, au bord du Nil, bien au sud de Malgatta. Épuisés, nous nous étions endormis dans les fourrés de papyrus, sans prendre garde aux crocodiles qui, heureusement, n'étaient pas familiers des rives dans les régions habitées. Houy avait posé doucement la main sur mon visage, pour m'éveiller :

« – Paser est-il remis de ses émotions ? »

La nuit passée au cabaret revint à mon esprit. J'en étais encore troublé, sans comprendre si c'était à cause de la Babylonienne, des ouvriers ou de leurs sacrilèges J'étais bien décidé à régler le problème des pillages de tombes dans les vallées des morts.

(… à suivre …)


[1] Bès : dieu de la joie, de l'amour, de l'ivresse. Il prendra de l'importance à l'époque plus tardive des Ptolémée.

[2] Conte du Moyen Empire connu sous le nom de « conte du mari trompé ».

[3] Sobek, le dieu-crocodile

¨ Définition à rechercher.
Cité dans l'ouvrage d'Ernest Bosc, ISIS DÉVOILÉE ou L'ÉGYPTOLOGIE SACRÉE, chapitre XXIV :
Réception ou sacre d'une Pallacide ; cf. http://www.arbredor.com/sommaires/isisdev.html