Incidents à la frontière entre la Colombie et le Venezuela

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Depuis quelques jours, nous vous parlons des tensions croissantes entre la Colombie et le Venezuela. Depuis le massacre d’une dizaine de jeunes colombiens sur le territoire du pays voisin (voir : Massacre de Colombiens au Venezuela) et l’arrestation de trois agents colombiens dans le même pays, agents présentés comme des espions par Caracas, on peut dire que les choses ne vont pas en s’améliorant.

D’abord, comme nous vous le signalions dans l’article Venezuela, Colombie, Équateur : frères ennemis ?, les "espions colombiens" semblaient être en possession de documents secrets révélant trois opérations d’espionnage organisé par Bogota contre l’Équateur, Cuba et le Venezuela ; ce qui n’a évidemment pas calmé les tensions dans la région.

De plus, vendredi passé, un sergent des forces armées vénézuéliennes a été arrêté sur le territoire colombien, en uniforme et armé. Le militaire a immédiatement été intercepté par la police d’État colombienne, et interrogé tout le week-end. Dans un premier temps, des rumeurs certifiaient que le militaire vénézuélien était en possession de documents "sensibles", mais la police d’État colombienne l’a finalement expulsé. La remise du sergent aux autorités de son pays s’est faite sur un des ponts qui unissent les deux pays, selon un scénario qui ressemble à s’y méprendre à ce que l’on a déjà pu voir au cinéma, dans ces films noirs qui racontent l’échange entre Berlin-Est et Berlin-Ouest de prisonniers américains et soviétiques.

Ensuite, dans la région frontière du Táchira, des hommes masqués ont abattu deux membres de la Guardia Nacional Bolivariana (Guarde nationale bolivarienne) avant de s’emparer de leurs armes. La réaction du pays voisin a été immédiate : la fermeture des frontières avec la Colombie dans le département où l’incident avait eu lieu.

Pour le gouvernement vénézuélien, en effet, il ne fait nul doute que la mort des deux gardes à un lien direct avec la Colombie, puisqu’il prétend toujours que la dizaine de jeunes colombiens massacrés la semaine passée étaient des paramilitaires.

Lundi matin, la frontière entre les deux pays semblait rouverte, mais uniquement aux citoyens vénézuéliens et un important dispositif militaire était déployé par Caracas le long de la frontière avec la Colombie.

L’ancien président de la république, Ernesto Samper, qui dirigea les destinées de la Colombie de 1994 à 1998, a déclaré lors d’une conférence de presse que les deux pays étaient au bord d’un conflit armé et qu’il était urgent de calmer le jeu.

Ernesto Samper en a profité pour vivement critiquer la politique de l’actuel président, estimant que le gouvernement de Alvaro Uribe agissait sans prendre de précaution, faisant preuve d’un manque total de diplomatie vis-à-vis de ses voisins, ce qui avait fait naître l’inquiétude et la méfiance des pays limitrophes.

On se souvient en effet que les forces armées colombiennes n’avaient pas hésité à pénétrer en territoire équatorien pour bombarder un camp des FARC établi de l’autre côté de la frontière (voir : Une minute de silence… avant la guerre) et que Bogota n’a jamais clairement expliqué l’accord militaire signé dernièrement avec les États-Unis (que Sophie mentionne dans son article : Sur l’usage de l’uranium appauvri : crime contre l’humanité, crime contre la vie ).

De son côté, Alberto Barros, consul de Colombie au Venezuela, a confirmé que la situation était extrêmement tendue à la frontière où la militarisation était très importante. Selon le consul, les environs des bases militaires de la Garde nationale vénézuélienne sont également interdits d’accès ce qui fait craindre une activité ou des mouvements de troupes que Caracas voudrait conserver secrets.

César Pérez Vivas, gouverneur du département vénézuélien du Táchira où se sont déroulés tous ces événements, estime quant à lui que si rien n’est fait pour régler rapidement les problèmes, une vague de violence pourrait noyer la région séparant la Colombie et le Venezuela.

Ce matin, la presse locale a enfin annoncé la réouverture des postes frontière dans le département du Táchira, mais il semblerait que les Colombiens voulant se rendre dans le pays voisin soient actuellement les victimes d’un excès de zèle de la part des douaniers vénézuéliens encadrés par des militaires en armes. D’après certains témoignages, les fouilles et vérifications de documents durent en moyenne trois heures par véhicule immatriculé en Colombie.

D’autre part, selon Unión Radio, une radio vénézuélienne, le gouverneur du Táchira, à l’intention de demander l’aide du Brésil, du Chili et de l’Uruguay pour qu’ils interviennent en tant que médiateurs entre la Colombie et son propre pays, afin d’éviter que la situation actuelle ne dégénère en conflit armé.

Nous ne pouvons que féliciter le gouverneur du Táchira pour son initiative en faveur de la paix, initiative qui lui a déjà valu les foudres de Caracas qui l’a accusé d’être un gouverneur corrompu aux ordres de l’opposition et, qui plus est, membre des milices paramilitaires colombiennes !

Aux dernières nouvelles, une centaine de ressortissants colombiens viennent d’être arrêtés au Venezuela. Selon Caracas, ces Colombiens étaient entrés illégalement sur le territoire vénézuélien à bord de trois autocars, ils ont été immédiatement judiciarisés afin d’être interrogés. Aux premières nouvelles, aucun des détenus ne possédait de document !

Une conférence de presse devrait avoir lieu cette nuit, nous saurons ainsi si ces citoyens colombiens sont accusés d’être des paramilitaires venus au Venezuela pour déstabiliser le régime, ou des espions de Bogota – se déplaçant en autocar et en groupe de cent – !

Après cette interception massive de Colombiens, le gouvernement du président Chavez a signalé que les processus de contrôle aux frontières avec la Colombie avaient été renforcés.

Nous venons également d’apprendre que, lors d’un nouvel affrontement, un Colombien avait été abattu et deux autres avaient été détenus, et ce, dans le cadre de l’enquête concernant l’assassinat des deux gardes nationaux bolivariens dont nous vous parlions plus haut dans cet article ! Les autorités auraient récupéré les armes de guerre qui avaient été dérobées aux gardes abattus et qui se trouvaient en possession des personnes appréhendées.

Voilà l’ensemble des dernières nouvelles concernant l’évolution de la situation, je sais que tout cela peut sembler confus vu de l’extérieur, mais les informations se succèdent et se contredisent souvent si leurs sources sont d’un côté ou de l’autre de la frontière.

Hélas, cette confusion même me semble de mauvais augure, car il en est souvent ainsi quand une situation est devenue inextricable et que le conflit semble inévitable.

Je reste cependant optimiste, nous sommes déjà passés très près de l’éclatement d’une guerre régionale à plusieurs reprises (notamment lors du bombardement colombien en territoire équatorien), et à chaque fois la raison a repris le dessus.

Mais que pensez de tout cela ? Assistons-nous à cette agitation de bras armés pour masquer des fins politiques inavouables, ou bien y a-t-il un réel risque de déclaration de guerre ? Les deux présidents traversent pour l’instant une période délicate, qui subissant une chute vertigineuse dans les sondages, qui devant surmonter le blocage constitutionnel de sa possible de réélection.

Tous ces morts et ces tensions n’auraient-ils d’autre but que de distraire l’attention du public et de légitimer un pouvoir présidentiel accru ? Le monde politique est suffisamment retors pour cela, et nous en avons déjà vu d’autres !

Ou bien, comme l’affirme Chavez, tout cela fait-il partie d’un plan des États-Unis pour renforcer leur présence en Amérique latine et contrer l’extension de la révolution bolivarienne et socialiste promue par le Venezuela et soutenue par la Russie, la Chine et maintenant l’Iran ? Si tel était le cas, on pourrait alors confirmer que jamais Prix Nobel de la paix n’a été plus mal attribué que celui de cette année.

Si vous désirez en savoir plus :

Hallan cadáver de colombiano desaparecido en masacre de Venezuela, El Nacional, Caracas, 28 octobre 2009

Identifican a ocho cadáveres de colombianos asesinados en Venezuela, El Espectador, Bogota, 28 octobre 2009

Maduro dice que inseguridad en la frontera es "estrategia" de Colombia y EE UU, El Nacional, Caracas, 5 novembre 2009

Más tensión entre Bogotá y Caracas, El Comercio, Quito 5 novembre 2009

Samper advirtió que Colombia "vive una situación de preguerra con Venezuela", noticias 24, Caracas, 4 novembre 2009

Gobierno colombiano califica de "grave" situación de seguridad en Venezuela, NTN24, Bogota, 5 novembre 2009

Detenidos 100 irregulares colombianos en Barinas,

VTV, Caracas, 5 novembre 2009

Une réflexion sur « Incidents à la frontière entre la Colombie et le Venezuela »

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