En relisant Nicolas Sarkozy

Berthe Morisot, La Lecture

Analyser Sarkozy d'après ses discours est un exercice passionnant, prenant, terrifiant. On comprend beaucoup de choses en auscultant le passé de la sorte. Il convient, en premier lieu, d'interroger les experts, et internet dispense leur science en toute liberté, profitons-en.
Jean Veronis, par exemple, analyse le narcissisme sarkoyen, et je ne peux que conseiller cette lecture sur le blog "Technologies du Langage".
Pour résumer sommairement, la conclusion est que la formule préférée et omniprésente de Nicolas Sarkozy est "je veux".

Au cours de son discours d’intronisation du 14 janvier 2007 à la porte de Versailles, le candidat Nicolas Sarkozy a martelé 27 fois « Je veux être le Président », comme une incantation mystique. Un "matraquage" publicitaire en somme. Devenu président, il a commencé 19 phrases par "je veux" dans son discours du 6 mai 2007. Caractère d'un enfant capricieux qui trépigne de rage. Je veux ! Je veux une croissance à 3 %, comme si sa volonté gouvernait les lois capricieuses de l'économie mondiale.

En revoyant ces "je veux", 5 mois plus tard, leur lecture est différente. Une petite sélection relue à la lumière des évènements récents est édifiante :

"Je veux remettre à l'honneur la nation et l'identité nationale."
Ainsi l'honneur de la nation est de rompre avec 40 ans de diplomatie, pour réintégrer l'Otan et se subordonner à la politique extérieure américaine. L'honneur de la nation c'est donc de renier le Gaullisme. En effet, il faut rattacher ce "je veux" à ceux-ci :

"Je veux lancer un appel à nos amis Américains pour leur dire qu'ils peuvent compter sur notre amitié qui s'est forgée dans les tragédies de l'Histoire que nous avons affrontées ensemble."
L'appui est doublement marqué :
"Je veux leur dire que la France sera toujours à leurs côtés quand ils auront besoin d'elle."
Nous comprenons le message clairement aujourd'hui. Nicolas Sarkozy remplacera Tony Blair si nos amis les faucons de Washington étaient tentés d'user de la force, en Iran par exemple. Le bellicisme était en germe dès le 6 mai.

Le "je veux" qui suit est assez intéressant :
"Mais je veux leur dire aussi que l'amitié c'est accepter que ses amis puissent penser différemment, et qu'une grande nation comme les Etats-Unis a le devoir de ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique"
Un petit clin d'oeil à Al Gore, qui est très actif aux Etats-Unis et qui pourrait jouer un rôle important dans les mois à venir.

Le dernier "je veux" est particulièrement cynique :
"Je veux lancer un appel à tous ceux qui dans le monde croient aux valeurs de tolérance, de liberté, de démocratie et d'humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et par les dictatures, à tous les enfants et à toutes les femmes martyrisés dans le monde pour leur dire que la France sera à leurs côtés, qu'ils peuvent compter sur elle."
Effectivement, les quelques jours derniers ont tout à fait démontré la nature de ces comptes. Brice Hortefeux semble être le ministre spécialement dédié à l'accomplissement de cette volonté. Là encore, l'image de la France première des nations non-alignées est terminée. La France terre d'asile aussi.

Nicolas Sarkozy fabrique son image comme un publicitaire et son discours est un argumentaire publicitaire asséné avec insistance.
C'est compréhensible : Nicolas Sarkozy est un fils de publicitaire (l'inventeur des publicités Bonux) qui a abandonné sa mère, il a lui même été trahi par Richard Attias un publicitaire. Il doit donc être le brillant publicitaire, pour redevenir le père, dans une pulsion œdipienne et l'amant qui reconquiert Cécilia. Il vit comme un personnage de spot publicitaire : vie trépidante, sourire crispé, Yacht et montre de luxe. Nicolas Sarkozy ne marche pas il court.

Maintenant que nous avons acheté la jolie boîte et que nous regardons dedans, je me demande si nous ne devrions pas nous plaindre auprès du BVP pour publicité mensongère.

Une réflexion sur « En relisant Nicolas Sarkozy »

  1. Nicolas Sarkozy veut imprimer sa marque : en ce sens, il est très différents des autres Présidents de la République française…

    Que nous soyons d’accord ou non avec lui, force est de reconnaître qu’il tient ses promesses…
    C’est sa manière de s’exprimer qui lui a valu très certainement d’être élu… Lorsqu’il veut quelque chose, il fait en sorte de l’obtenir : c’est ce qu’il a démontré lorsque il était Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur !

    Maintenant, il faut toutefois s’accorder à dire que le quinquennat présidentiel est très dangereux dans le sens où il nous mène directement vers une présidentialisation du régime…
    C’est ce que j’ai essayé de démontrer dans mon article : « Il est urgent de revenir, par voie référendaire, au septennat présidentiel »
    [ publié le 7 mai 2007 sur C4N. Cf. http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=3147 ]…

    De plus, constate une inutilité de conserver le poste de Premier Ministre, puisque le Président Sarkozy se comporte beaucoup plus en Chef de la Majorité qu’en Président élu de tous les Français en gouvernant, en allant dans les instances de l’UMP, en adoubant son Porte Parole, David Martinon pour la conquête (facile) de la Mairie de Neuilly-sur-Seine….

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