Economie – le triomphe du moins pire

C’est pour tout dire assez inquiétant que d’écouter les discours politiques sur l’économie. Déjà il y a cette récurrente attente des chiffres qui me fait toujours un peu bizarre. Des gouvernants qui attendent que des chiffres tombent, qui les commentent avantageusement ou les subissent, cela donne finalement une idée assez juste de leur totale inutilité et efficacité en la matière.

 

Fort heureusement pour eux la presse n’est pas particulièrement encline à systématiquement chiffrer les résultats des politiques engagées. Tout juste de temps à autres sort on quelques perles d’idées mort-nées quand elles ont tenté d’être appliquées.
Ca n’est pas loin d’être la situation rencontrée par le pompeux Grand Emprunt dont la finalité n’est autre que de creuser un peu plus les finances de l’Etat sur le compte de marchés financiers que l’Etat a soutenu sans les sanctionner.
Mais c’est toujours mieux que rien. Une phrase souvent entendue qui va avec les "Moi, j’agis" ou le magnifique "ce pourrait être pire" ou "on a évité le pire". Il y a comme un air de déconfiture dans ce qui ressemble à un bel aveu d’impuissance ragaillardi par la perspective du pire.
C’est ce que Machiavel décrivait, oui parce que vous ne pensiez tout de même pas que nos gouvernants actuels avaient inventé quelque chose ?, c’est Machiavel, disais je, qui affirmait "En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal."
A petite dose c’est sûrement vrai mais au quotidien cela interpelle. Notons que Machiavel explique, ne s’en félicite pas.
Quand on entend le Secrétaire d’Etat à l’Emploi puis le Président de la République himself se féliciter du chômage partiel, le dénommer comme une arme anti-crise, le remercier d’avoir sauvé des emplois …. ne franchit-on pas allégrement quelques étapes ?
Je peine ainsi à imaginer le satisfecit qui gagnera nos élites le jour où la France créera des emplois plutôt que de moins en perdre. Encore faut-il s’entendre sur le niveau de perte possible car alors que l’Insee recense 319000 salariés touchés par la grâce du chomage partiel, Laurent Wauquiez avance «L’activité partielle, qui permet d’éviter de licencier les gens, a permis de préserver 300 000 emplois.» Ce qui signifie que dans son esprit, tout bénéficiaire est un chomeur qui s’ignore ou sommeille. Un étrange calcul économique et social qui tranche dans le vif : soit l’entreprise a recours au chômage partiel soit elle ferme ses portes intégralement. Ce qui du coup rend la mesure bien moins rassurante.
Voilà qui peut donner des idées sur les avantages et mérites de l’action partielle : aux étudiants qui suivront partiellement leurs études, on vantera avoir évité l’écueil des non diplômés ; sachant que pour avoir son diplôme il faut passer par les… partiels. Compliqué. Aux retraités titulaires d’une retraite partielle, comme aux salariés ayant la chance de posséder un revenu partiel, on saluera l’avancée significative de la lutte contre la pauvreté ; cela marche à tous les coups c’est vrai, un nouvel oeil pour oeil, dent pour dent ou quand la raison est la cause sont de mèche, partiellement.
On se moquait d’un Bayrou moyennenment positionné au milieu, nous avons en plus un gouvernement partiellement au pouvoir qui prend des mesures partielles pour subvenir partiellement à nos besoins. Avec une menace suggérée genre "Moi ou le chaos".
Pourquoi pas mais ce que je ne comprends pas c’est la nécessité de prendre un ton convaincu et le souci de ne pas être contredit pour annoncer des lapallissades pareilles ? Christine Lagarde qui a inventé la croissance négative fourbit certainement déjà ses belles annonces de demain tant il est déjà certain qu’un quart d’heure avant sa mort, elle vivra encore.
Peut-on dés lors se satisfaire de ce moindre mal ? certainement. Faut-il le louer comme stratégie politique ou modèle de société ? cela parait bien présomptueux, fade et inutile. Le Grand soir a vécu je sais mais faut-il pour autant vivre de peurs en  désenchantements ?
Sauf pour les intéressés évidemment qui durent ainsi tout au long d’une carrière faste, régulière, entière, le contraire de partielle quoi.
Le cochon dit à la poule : "Les oeufs, pour toi, c’est un engagement partiel ; le bacon pour moi, c’est un engagement total" racontait Philippe Meyer…