D’une pierre deux coups film de Fejria Deliba

Après Fatima, voilà « d’une pierre deux coups », une autre chronique de vie très ordinaire d’une mère algérienne dans le coeur d’une cité. Débarquée d’Algérie, il y a plusieurs décennies déjà, Zayane, (Milouda Chaqiq), mère de onze enfants avait élu domicile dans cette austère périphérie. Depuis sous l’emprise de ses aliénations quotidiennes, la mère vit comme assignée à résidence. Boulettes pour l’un, cornes de gazelle, couscous, pour l’autre ou encore garde des petits-enfants etc. A priori, un modèle de la sobriété dite heureuse.
Un matin, à la lecture d’un improbable faire-part de décès, son sang ne fait qu’un tour et voilà Zayane prête à sortir de son confinement, le temps d’une journée : il est question de récupérer une boîte que lui lègue un certain Français, son employeur d’antan du temps où elle vivait au bled en Algérie française. Une vieille histoire d’amour, une réminiscence qui l’incite à partir sur le champ sans prévenir toute cette marmaille toujours accrochée à ses jupons ! Sauf que la mission en question est dure à accomplir en solo, la non maîtrise de la langue française n’étant pas son unique handicap.
Grâce à sa copine et ange gardien, (Brigitte Roüan), qui viendra à sa rescousse, Zayane arrivera à destination. Entre le périple aller-retour, la rencontre avec la veuve du défunt on en saura un peu plus sur cette énigme. Sur les conséquences traumatisantes de la guerre d’Algérie, aussi bien pour  » les perdants que les gagnants ».
En opposition à ce road movie, il y a le huis clos simultané qui se joue dans l’appartement de la mère où a déboulé une progéniture inquiétée de cette absence inédite jusque là. Une des filles en robe fushia volantée de bon matin a mis la main par hasard sur une boite pleine à craquer de souvenirs sous forme de bobines de « film ». Défilent alors en noir et blanc sur le mur couvert de papier peint des bribes de la vie de Zayane. Cette parenthèse extra-conjugale de la matriarche va faire l’objet d’un décryptage houleux entre les membres de cette grande famille : s’en réjouir, s’en offusquer, ou encore s’en distancier, le pluralisme sous toutes ses nuances est au rendez-vous, illustration d’une micro-société !
Si le but, entre autres, est de tordre le cou à certains clichés sur l’immigration, il ne me semble pas vraiment atteint… La dose de comique incorporée dans la réalisation peut parfois surprendre tant certaines scènes frisent le caricatural : vêtue de son « tailleur » décoré d’une broche ostentatoire, la mère peu loquace se défend en giflant son interlocutrice, en rayant la voiture d’un agresseur. Plutôt charismatique, Milouda Chaqiq réussit quand même muette ou en ne marmonnant que deux mots à se montrer terriblement attachante : attablée sur cette terrasse de café devant son jus d’orange et le verre de vin blanc haram destiné à sa copine ; quand elle va dépouiller un peu ces rosiers qui font office de sentinelle de la santé de la vigne… Un premier film de Fejria Deliba coloré où le pathos coule à flots…