Donald Trump, entre show business et immobilier

Dimanche dernier, un épisode de The Apprentice passe sur NBC. Dans cette émission de télé réalité, plusieurs femmes s’opposent pour ne pas se faire "virer" par le milliardaire Donald Trump quand tout d’un coup, l’épisode s’interrompt. Le journaliste David Gregory déclare que Barack Obama s’apprête à faire une déclaration : il annoncera la mort d’Ossama Ben Laden.

Que Donald Trump soit coupé pour faire place à l’un des plus grands succès de la présidence de Barack Obama ne manque pas de piquant. En effet, ces dernières semaines, le milliardaire, tout à la préparation d’une prochaine candidature à la présidentielle de 2012 (il ne peut pas se déclarer tant que la saison de son émission n’est pas terminée), mettait bruyamment en doute le fait que le président soit bien né aux Etats-Unis, une exigence constitutionnelle pour être éligible.

La publication la semaine dernière de l’extrait de naissance complet d’Obama à Hawaï rendit Donald Trump encore plus ridicule qu’il ne l’était déjà. Quelques jours plus tard, au diner des correspondants de presse à la Maison Blanche, Donald Trump fut l’objet des moqueries légères de Barack Obama et de l’humoriste Seth Myers devant toute l’assemblée, lui compris. Il ne rigola pas. Et voilà qu’il se fait débarquer de l’antenne au profit du grand moment du président américain…

La candidature de Donald Trump est ainsi morte dans l’oeuf, ou tout du moins il est plus clair que jamais qu’elle n’ira jamais loin. Elle reposait uniquement sur l’immense ego du milliardaire, sincèrement persuadé qu’il est le plus fort en tous domaines. Mégalomaniaque, Donald Trump l’a toujours été. Il aime se faire passer pour l’homme d’affaires le plus accompli, mais n’est même pas un self made man. Il reprit essentiellement les affaires de son père dans le développement immobilier, et hérita ainsi d’une fortune toute faite. Sa touche à lui, c’était de tout faire plus grand (même son premier divorce, avec la célèbre Ivana Trump, fut une grosse affaire à l’époque).

On ne compte plus les complexes immobiliers à son nom, tels que la Trump Tower à Manhattan. Il opère également des casinos, des golfs, et bien des hôtels. Mais quelqu’un d’aussi sûr de lui que Donald Trump devait se faire connaître au-delà du stricte cercle des affaires. C’est ainsi qu’il versa rapidement dans le show business. Il apprécie de pouvoir apparaître dans toutes sortes de films ou de séries, comme le Prince de Bel Air autrefois ou Sex and the City plus récemment. Il a également pris sous son aile le concours de Miss America, officiant de facto comme la Madame de Fontenay américaine. Il n’est jamais avare d’une bonne grosse polémique médiatique avec telle ou telle personnalité, ou sa certitude absolue d’avoir toujours raison et sa propension à s’exprimer sur tous les médias lui valent beaucoup d’exposition.

Mais son plus gros coup est sans aucun doute son émission de télé réalité, The Apprentice. A l’origine, c’est le créateur de Koh Lanta (Survivor dans la version américaine), Mark Burnett, qui veut en faire une version citadine. Plutôt que de combattre les éléments et la faim, il faudra accomplir des prouesses dans des missions entrepreneuriales. Et c’est Donald Trump, transformé en producteur exécutif, qui se dévoue pour juger des uns et des autres.

Pour le reste, on retrouve en bonne partie le format de Koh Lanta. Deux équipes sont formées. Au début d’un épisode, Donald Trump introduit une entreprise (généralement une bonne occasion de faire un placement produit juteux) qui assigne aux deux équipes une mission quelconque, à moins qu’il ne s’occupe lui-même. L’une d’entre elle sera par exemple de vendre le maximum de bouteilles de Trump Water, de l’eau en bouteille ordinaire, mais avec le visage de Donald Trump dessus (un produit authentique disponible à la vente pour tous). On suit les deux équipes accomplir la tâche demandée, souvent avec des conflits internes.

Puis vient le moment du résultat. L’équipe gagnante bénéficie d’une récompense quelconque (comme pouvoir visiter les appartements privés luxueux de Donald Trump), quand la perdante doit retourner dans la boardroom. A cette occasion, les membres de l’équipe perdante essaient tous de rejeter la faute de la défaite sur les autres. A la fin, Donald Trump décide d’éliminer un candidat, lui annonçant "you’re fired" (vous êtes virés). Il tenta même de mettre un copyright sur la phrase. Le gagnant final est censé gagner un job en tant qu’apprenti de Donald Trump, un emploi fictif bien payé. 

Depuis la première saison en 2004, le programme connut quelques évolutions. A l’origine, Donald Trump envoyait deux de ses principaux cadres sur le terrain pour surveiller les candidats dans leurs oeuvres. Désormais, c’est sa fille et son fils qui s’en occupent, alors qu’ils n’ont aucune légitimité (et sont souvent plus jeunes que les candidats). Généralement située à New York, l’émission partit un temps à Los Angeles face aux audiences déclinantes. Et surtout, les candidats sont désormais des célébrités, une ficelle bien connue pour maintenir les audiences à flot. 

Voilà comment on est arrivé avec un Donald Trump candidat à la présidentielle, homme d’affaires et personnalité de télé réalité suffisamment hors norme pour attirer les caméras en période de faible actualité. Aux Etats-Unis, c’est un phénomène, mais un phénomène surtout comique…