Dans la demeure de Jeanne de Balsac

Lors de nos vacances de ce mois de juillet 2011 entre Lot, Dordogne et Corrèze, nous avons en une dizaine de jours vu des sites plus beaux les uns que les autres: Pech Merle, Gouffre de Padirac, Rocamadour, Collonges la Rouge, et j’en passe … cependant la visite qui me laissera peut-être le souvenir le plus ému restera celle du château de Montal, par son histoire exceptionnelle d’humanité et de rebondissements, et la qualité de la visite guidée.

C’est dans le guide du Routard que j’avais repéré ce château, qui peut se visiter en binôme avec celui de Castelnaud, distant d’une dizaine de kilomètres, pour le prix couplé de 10€. Le maire de la commune de Vayrac, où nous dormions au camping municipal et qui nous avait accueillis avec l’apéro, nous avait également recommandé de le visiter.

Nous y sommes donc arrivés à l’ouverture, juste un peu avant 14 heures. Nous avons pris les billets jumelés, et on nous a prévenus que la visite guidée, comprise dans le prix, allait commencer quelques minutes après. Avec le recul, nous avons eu de la chance de tomber pile à l’heure de la visite guidée, car en visite libre, nous eûmes perdu beaucoup de choses.

En attendant, nous admirons la façade du château, ornée de statues et décors variés, belles fenêtres… nous serons sidérés d’apprendre leur histoire un peu plus tard…

La guide est une jeune femme, elle attend un peu plus car nous sommes seulement deux, mon mari et moi! Au fil de la visite, le groupe grossira jusqu’à atteindre une vingtaine de personnes.

La guide commence donc, dans la cour où la pluie menace de tomber, par l’historique du château. Sa construction commence en 1519, sous l’égide de Jeanne de Balsac, veuve d’Amaury de Montal. Les travaux débutent à l’endroit d’un ancien repaire médiéval. Ils se poursuivront jusqu’en 1534, mais Jeanne est alors durement éprouvée par la mort de son fils aîné, et abandonne les travaux, et le château qui aurait du être fermé autour de la cour, n’a au final que 2 ailes sur 4.
Les statues des façades (je mettrai des photos) représentent Jeanne, son époux, ses parents, son fils aîné, son cadet… plus des armoiries, des feuilles de vigne… comme nous le montre la guide, tout cela est empreint de mélancolie et de deuil, à travers l’expression des visages, les inscriptions comme, en français "Plus d’espoir"…En fait, au moment de la construction, à l’exception de Jeanne et de son fils (qui a obtenu de ne pas entrer dans les ordres et de pouvoir se marier "grâce" au décès de son frère), tous les personnages sont déjà décédés.

Le château est un témoignage de la Première Renaissance et prouve la grande culture de Jeanne de Balsac, femme de tête. Il y a des figures mythologiques, symboliques, des animaux fabuleux. Un peu partout, des I majuscule, car en vieux français on disait "Iane" pour Jeanne.

A l’intérieur, nous visitons les salles du bas, celles du haut, apercevons par la fenêtre les jardins en labyrinthe, inaccessibles pour le moment. L’escalier est incroyable avec ses contremarches sculptées d’oiseaux, dauphins et allégories de la force.

Continuons sur l’histoire du château…

Jeanne meurt en 1559, et c’est son petit-fils qui hérite de la seigneurie. Par héritage, il passera de main en main jusqu’en 1771, où le duc de Tanes va l’habiter. A la révolution, le château va échapper à la destruction totale car le duc de Tanes était assez aimé des paysans locaux, mais les symboles de la noblesse, comme les blasons, seront martelés et le mobilier pillé.

En 1858, le château est acquis par un marchand de biens, qui va démonter pièce par pièce tout ce qui fait la beauté de Montal, frises sculptées, portes, lucarnes, cheminées… pour les envoyer à Paris pour être vendues!

Zorro est arrivé…

Un personnage admirable entre en scène en 1908: Maurice Fenaille, riche collectionneur, achète le château et, au prix d’une opiniâtreté incroyable, va mener une enquête pour remonter la trace de tous les éléments disparus et les racheter! Il réussira à récupérer environ 80% des pièces et à les faire rapatrier et remonter sur le château. Pour certaines pièces, il essuiera un refus ou ne retrouvera pas leur trace, alors des fac similés sont construits par Matruchot, un élève de Rodin (et on y voit que du feu)…

Le mobilier présent dans les pièces a été placé par Maurice Fenaille, on y trouve des tables, des tapisseries d’Aubusson avec les tentures de Gombaut et Macée, des lits…mais aussi des pièces du XVIème comme les cheminées avec les blasons de Jeanne,son mari, son fils et sa fille. En 1913, il a fait don du château à l’Etat, en gardant simplement l’usufruit pour lui, puis sa descendance.

J’ai été passionnée par cette histoire rocambolesque, je buvais les paroles de la guide, elle a dû le voir d’ailleurs car elle me regardait beaucoup en parlant lol… elle répondait aussi à toutes les questions.

Une visite passionnante dans un lieu plein de vie, on a l’impression que Jeanne est là… c’est extraordinaire.