Dans la cour, le film de Pierre Salvadori

Juste une préposition, un déterminant, un nom commun et ça donne : dans la cour, le titre simple et éloquent du film de Pierre Salvadori. Tout se passe presque à huis clos entre les murs de cet immeuble parisien où bon nombre de copropriétaires semblent frappés du mal de ce siècle qu’est la dépression. 

Atteint d’une neurasthénie, symptôme de ce qu’on appelle le burn out, Antoine, (Gustave Kervern), trimbale lourdement son mal être tout au long du film : il a en effet décidé de rompre avec son passé de musicien, se reconvertissant bizarrement à un nouveau job de concierge où la cour d’immeuble lui tient lieu d’échappatoire : "nettoyer, dormir, ne plus penser"! 

Au quatrième étage vit avec Serge son mari, (Feodor Atkine), une charmante jeune retraitée qui répond au nom de Mathilde, (Catherine Deneuve); atteinte d’une étrange phobie qu’une banale  fissure  sur un mur de son salon a déclenché, elle demeure hermétique à toutes les preuves scientifiques venant contrecarrer ses folles certitudes . Elle ameute à cor et à cri les habitants de son quartier pour les alerter de l’imminence de la catastrophe qui les menacerait et à terme les engloutirait  sous terre ! Entre Antoine et Mathilde, le courant passe, scelle leur complicité : l’un et l’autre, à travers ce lien, semblent avoir réussi à réactiver une de ces fibres  que le temps avait endolori. 

Pour parfaire le tableau à  caractère dépressif, Pierre Salvadori n’a pas épargné de ce fléau ses personnages secondaires. Perché au deuxième ou au troisième étage, un ancien footballeur qui a dû  mettre fin à sa carrière suite à une blessure vit lui aussi sous l’emprise du dégoût ; il végète de larcins, consume sa jeunesse en sniffant de la cocaïne. Un autre névrosé de l’immeuble, habité quant à lui par un autre TOC, ressasse son fantasme, incarné par la peur bleue d’un éventuel squatt des parties communes par un intrus. Dans tout ce fatras, vient s’ajouter le délire d’un certain colosse accompagné de son molosse : ce non résident de l’immeuble, appartenant à une secte, ayant à charge le prosélytisme, nous déverse par intermittence jusqu’à l’usure son redondant charabia. 

Du début jusqu’à la fin de cette comédie dramatique gravitant autour de cette société malade où la vulnérabilité humaine est symbolisée par cette fissure grandissante, la présence de scènes cocasses réussit quelque peu à atténuer la pesanteur de certaines séquences : la réunion des colocataires dans la cour ainsi que la rencontre de Mathilde avec le "spécialiste" des fissures, etc. Par contre, le film tend parfois à perdre en crédibilité quand l’excès est poussé à l’extrême, notamment  au cours de la crise de Mathilde lors de sa virée vers la maison de son enfance : "Petites fissures, grandes fêlures"… Cependant tous les acteurs sont remarquables en particulier Gustave Kervern et bien sûr Catherine Deneuve, toujours aussi resplendissante, gracieuse que talentueuse.

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