Bilan un an après la libération de la « Messe en latin ».

Toujours en crise en Europe, spécialement depuis la fin du Concile Vatican II et la révolution de mai 68, l' Eglise catholique essaie de retrouver une image cohérente afin d' affronter le monde post-moderne et de retrouver de la vigueur dans le cadre de ses efforts afin d' évangéliser la société. Ayant fait les frais de l' anarchie et de l' incurie d' un certain clergé progressiste, l' Eglise prend peu à peu conscience de la nécessité d' établir plus de cohérence relativement à sa visibilité publique. A cette fin, elle semble tenter de restaurer les archétypes qui la définissent dans l' imaginaire social.

A cet effet,  le Pape Benoit XVI a promulgé, voici un an, le Motu Proprio "Summorum Pontificorum" qui restaure l' usage libre de la messe traditionnelle en latin à l' intention tout prêtre qui en fera le choix. Une revanche pour Mgr. Marcel Lefebvre ?

Contrairement à ce qu'une certaine presse voudrait faire croire à l'opinion publique, le Pape Benoît XVI n'a cessé, depuis son élection, de multiplier les gestes d'ouverture à l'égard de toutes les sensibilités présentes au sein de l'Eglise catholique. Ouvert au dialogue avec le monde, soucieux de l'unité entre les chrétiens et de la paix avec toutes les religions (ses nombreuses rencontres avec des dignitaires juifs et musulmans en sont le témoignage concret), Benoît XVI tente d'être juste avec tous les acteurs de la vie de l'Eglise dont il a la charge comme Pasteur Suprême.

Un bel exemple de cette volonté d'unité est la succession de deux rendez-vous singuliers qui eurent lieu l'année passée à Castel Gandolfo. En effet, le 29 août 2007, le Saint Père rencontrait le théologien suisse contestataire Hans Küng qui, trente ans plus tôt (en 1979 exactement) avait été suspendu de sa chaire de théologie pour avoir gravement altéré dans son enseignement l'héritage du Concile Vatican II. L'entretien fut apaisé et cordial.

Dans le même mouvement, à peine un mois plus tard, le 24 septembre 2007, un autre suisse, lui-même en opposition avec Vatican II, était reçu dans le cadre de différents théologiques remontant à peu près à la même époque et ayant toujours pour point commun un rejet partiel du Concile. Etrange symétrie… A ceci près que ce deuxième interlocuteur est un évêque à la tête d'un mouvement de près de 500 prêtres : la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X fondée originellement par Monseigneur Marcel Lefèbvre (1905-1991). Le Souverain Pontife a donc reçu les deux extrêmes du spectre d'opinions qui tend l'Eglise catholique. Signe de tolérance s'il en est. Malheureusement, la presse francophone a surtout insisté sur le "dialogue avec les intégristes", stigmatisant un "retour en arrière avec le Pape Ratzinger". On aura compris le manque d'objectivité des détracteurs de l'Eglise catholique ainsi que leur aveuglement volontaire face au symbole de paix qui se donnait à voir.

Quelque temps plus tard, un grand émoi survint dans les rangs du catholicisme du fait de la promulgation du Motu Proprio "Summorum Pontificorum" qui libéralise la célébration de la Messe traditionnelle. Ce Motu Proprio fut envoyé aux évêques du monde entier avec une lettre d'accompagnement. En un mot, ce document du Pape, qui a force de loi, reconnaît que le missel traditionnel n'a jamais été abrogé malgré la nouvelle messe de Paul VI. Pour le dire en termes plus simples, la Messe que chantaient nos parents et grands-parents n'a jamais été supprimée et doit même être célébrée si un groupe stable de fidèles en fait la demande. Coup de tonnerre à Rome et dans tous les Evêchés ainsi que dans une frange non négligeable des fidèles catholiques ! Ce texte fit l'effet d'une bombe, les uns y voyant l'enterrement en première classe des excès du progressisme et des excès liturgiques qu'ils eurent à subir au nom de je ne sais quelle lecture de Vatican II, les autres étant déçus par un texte trop indulgent encore pour l'aile gauche de l'Eglise qui a désacralisé tous les signes et symboles qui font l'identité visible du catholicisme. Tonnerre d'applaudissements mêlés de cris et de colères en tous genres…

Si nous prenons la peine de quitter l'arène des conflits d'opinions qui ne mènent nulle part, on peut tout simplement se demander si Rome n'est pas en train de prendre conscience qu'un catholicisme strictement intellectuel et dépourvu de signes visibles forts est tout simplement impossible. Ce Motu Poprio est le signe d'une prise de conscience liée à la nature même de ce qui fait une culture et une foi : des signes, un réseau de signifiants qui non seulement se donnent à voir dans l'espace privé mais également dans l'espace public. Et c'est bien là finalement le fond du problème qui dépasse de loin toutes les querelles de sacristies : une culture religieuse est vouée à mourir en quelques générations si d' une part on ne veille plus à sa fidèle transmission et si d' autre part on ne la manifeste pas comme signe visible dans l'espace public. Or, dans nos terres d'Occident, seule l'Eglise catholique romaine a abandonné ses points de repères visuels, rituels, vestimentaires, culturels, musicaux et littéraires. Le Motu Propio "Summorum Pontificorum" est un premier pas dans une direction de réaffirmation de l'identité catholique. Les JMJ de Sidney manifestent bien que la jeunesse catholique (il y a bien sûr des exceptions) souhaite des signes clairs dans un monde de plus en plus matérialiste et éclaté.

Aussi le Pape nous montre-t-il que l'on peut (et que l'on doit) être ouvert à l'altérité dans la paix et le dialogue qui sont vertus mais que ce dialogue doit se faire dans des conditions claires d'honnêteté vis-à-vis de son interlocuteur ; c'est-à-dire en lui disant et en lui montrant bien qui l'on est et à quelle culture on appartient. L'Eglise catholique semble donc prendre conscience qu'il y a nécessité pour elle de retrouver ses archétypes afin de se dire au monde et d'y perdurer. C'est d'ailleurs ce que les autres religions font fort bien et dans leurs rites et dans l'espace public laïque. On peut également ajouter que les groupes qui n'adhèrent à aucune religion font de même à travers leurs associations et publications écrites ou audiovisuelles diverses, ce qui est fort bien puisque l'on sait par là à qui on parle.

Le retour (très timide dans les faits) de la Messe traditionnelle est donc un signe de notre temps et, à cet égard, le Pape Benoît XVI s'inscrit bien dans la succession de Jean-Paul II qui, dans les années 80, avait déjà insisté sur la nécessité de clarifier la position de l'Eglise en cette matière par l'Indult "Quattuor abhinc annos" du 3 octobre 1984 et le Motu Proprio "Ecclesia Dei adflicta" du 2 juillet 1988.

Aussi paradoxal cela puisse-t-il paraître, l'Eglise catholique, par ces mesures émanant de l'autorité centrale, est parfaitement en phase avec son époque. Le XXIème siècle plaidant pour un retour des identités sous peine de disparition des légitimes différences qui font les civilisations.

 

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2 réflexions sur « Bilan un an après la libération de la « Messe en latin ». »

  1. la messe en latin
    Bonjour Monsieur,
    Votre article est fort touchant. Il est certain que petit à petit le catholicisme se perd. Mais tant de jeunes assistent à des rassemblements dans le monde. Se cherchent-ils?. Le
    boudhisme prend une grande place, ainsi que pas mal de gens deviennent musulmans. Malgré tout,
    tout un chacun essaie de raccrocher à une foi dans un monde qui devient de plus en plus mauvais. Il y aurait tant encore à dire…..

  2. Les dignitaires de l’église catholique ont compris très tôt que pour pouvoir exercer une emprise mondiale , il fallait revenir à avant Babel !
    (« faisons nous une tour jusqu’au ciel »)
    une seule langue au programme le latin … la suite de l’empire romain :
    question de domination , comme le nouvel ordre mondial avec l’anglais .

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