Bilan des « soldes » : la consommation recule

Je m’étais promis d’être très attentif au bilan des soldes en France. Parce que celui des sales britanniques avait été plutôt catastrophique et suivi de rideaux tirés à jamais, de désertification commerciale des high streets (grand’ rues), et de liquidation de chaînes de franchisés. Au point qu’il est préconisé de reconvertir, dans les centres des villes, des commerces en logements. Pour la France, le « jeu » a été fortement faussé par une froideur qui a poussé à l’achat de « grosses pièces » d’habillement. Mais, d’un janvier sur l’autre, la consommation globale (énergie incluse, ce qui fausse fortement les chiffres) a chuté de 2,2 %. La Sarkozye d’en-bas se serre la ceinture.

Moins 2,2 % de janvier 2011 à janvier 2012, c’est beaucoup plus inquiétant que les apparences. Déjà, les chiffres de décembre (oui, Noël, Jour de l’An…) étaient mauvais pour le commerce de gros et de détail.
La hausse a été en décembre de 0,3 %, dépenses d’énergies incluses. Est-ce dire que, globalement, les Françaises et Français consomment « moins ».
Oui, assurément, en termes de chiffres d’affaires. Oui, bien sûr, pour celles et ceux dont les revenus ont chuté. Oui, mais pas vraiment pour les autres qui consomment « autrement ». Chez certains plus aisés, en termes chiffrés, cela correspond par exemple à la montée de produits bio plus chers tandis que pour d’autres des bios tout aussi, voire encore davantage bio, sont recherchés via de micro-centrales d’achat.

Avancer que cela s’équilibre, en terme de pouvoir d’achat, est bien difficile à dire.

Globalement, on peut tout faire dire aux chiffres. Mais il semble bien qu’il se soit produit un report de types de consommations. Prenez les sodas : la taxe a été appliquée en janvier. On verra si le report est massif sur des produits de marques « génériques » (celles de la grande distribution). On peut en consommer tout autant, mais moitié moins cher. Enfin, pas vraiment, puisque que même ces produits sont payés plus cher (hausse d’environ 10 cts pour ces produits estampillés Carrefour ou Dia ou je ne sais quoi). Mais le prix, par rapport à des Coca ou Pepsi (et leurs autres sodas), va du simple au double (et même bien davantage).

Que dire des soldes ? Globalement, l’achat des « grosses pièces » de prêt-à-porter a rectifié le tir plongeant, et pour les produits de luxe, il n’y a pas eu de fléchissement (cela vaut pour les gadgets, les ordinateurs, et toute une masse de produits divers). Mais le bilan des soldes est aussi faussé par les retours de produits de la VPC ou de la vente en ligne, en progression. Quand ils sont échangés, cela peut aller. Quand ils sont remboursés, parce que, de la commande à la livraison, l’acheteur renonce, se ravise en regardant sa note de carburants, de gaz et d’électricité, cela change la donne.

Dans l’habillement, en dépit du froid, la baisse de 1,7 % en décembre s’est accentuée : -2,3 % en janvier. Attention, en chiffres, pas en pièces. Il y a fort à parier que le nombre de pièces a chuté davantage (les pauvres usant plus longtemps, tout comme les moins pauvres, les plus aisés pas vraiment).

« On » avait profité de décembre pour acheter des véhicules (+ 2,8 %). La régression est de 7,6 en janvier. Plus d’un cinquième d’immatriculations en moins d’une année sur l’autre. L’Insee avance que « le durcissement du bonus-malus » (début janvier) aurait influé. Je veux bien. Là aussi, j’aimerais voir les détails : report ou non sur des véhicules consommant moins, hausse ou non des achats de voitures de luxe (quand on aime, et qu’on peut ne pas compter, qu’importe l’assurance, la consommation, &c.).

En revanche, l’alimentaire se ressaisit un peu (+1,4 %).
À quoi l’attribuer ?
On mange mieux ou pire, les prix ont grimpé pour absorber la hausse de la TVA envisagée qui ne sera pas totalement répercutée (si la TVA sociale est instaurée) ou pas ?

Les économistes de BNP Paris, selon les dépêches d’agence, estiment que le fléchissement, durable, suivra, en raison d’un report « vers des biens moins onéreux dans des magasins meilleurs marché. ».

Lesquels ?
Dans les grandes villes, ceux, nouveaux, dits de proximité, genre Carrefour City, effectivement moins chers que ceux des petits commerçants.

En province, sans doute vers les moyennes et grandes ou très grandes surfaces des périphéries.

La France commerçante des centres des villages, des bourgs, des cités et des villes moyenne se désertifie depuis deux décennies. Le mouvement de rurbanité n’a pratiquement rien enrayé.

Les ménages, en 2011, alors que la crise n’a vraiment été ressentie (mentalement) qu’au cours des derniers mois, ont réduit leur consommation de plus de 3 %. Alors même que l’hiver restait doux, sauf dans les derniers jours. Les vraies raisons sont psychologiques mais aussi tout simplement matérielles : salaires bloqués, licenciements, budgets en baisse répercutés sur les indépendants, les artisans, les autoentrepreneurs.

 

Il y a aussi des reports d’accession à la propriété : hausse du coût des prêts, moins facilement attribués, hausse de l’immobilier parisien, fléchissement de celui d’autres villes, mais pas assez pour enrayer les reports d’acquisitions. La comparaison avec la Grande-Bretagne s’impose.
On peut certes transformer des commerces en logements, mais encore faut-il qu’ils trouvent preneurs. Et les commerçants ou leurs bailleurs attendent, attendent.

Fillon et Sarkozy osent tout !

 

Fin janvier, Fillon osait un « le taux d’épargne, historiquement élevé, laisse de fortes marges à la croissance par la consommation… ». Cette consommation différée se fait attendre.

Pour certains bien, la menace de la hausse de la TVA peut effectivement contrebalancer la tendance globale. On ne va pas stocker des petits pois, mais pour des achats plus importants, autant prévoir de s’équiper ou de se renouveler un peu plus tôt que prévu.

Commerce extérieur en berne, investissement des entreprises en recul, consommation des ménages au mieux stagnante : or, sans croissance, le poids des intérêts de la dette s’alourdit, car les rentrées fiscales (via la TVA et autres taxes) baissent d’autant.

C’est bien sûr après les législatives que cela deviendra encore plus flagrant. La campagne électorale est génératrice de fortes dépenses (un référendum serait pain béni pour les imprimeurs, par exemple). Mais cela reste malgré tout marginal. Le ressenti est toujours différé. On verra fin septembre comment beaucoup de Françaises et de Français se seront privés de vacances, de dépenses d’amélioration de l’habitat, et d’autres… ou de déplacements de loisir (notamment du fait des augmentations des tarifs des transports, privés, du fait du prix à la pompe, ou publics). Cela rendra le poids de la dette encore plus lourd, les recettes fiscales régressant.

On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, ou, même s’il a soif, s’il n’a plus la force de se rendre à l’abreuvoir.
On ne fait pas dépenser des parents pour un premier ou second enfant s’il n’y a pas de crèches, d’écoles pas trop éloignées, de perspective de s’agrandir ou de changer de logement… Cela se répercute bien sûr sur la démographie et il faudra bien prendre en compte un les gains de productivité pour compenser la démographie fléchissante.

La dette, qui n’est compensée que par des cadeaux faramineux aux banques, qui refont d’abord leurs marges avant d’acquérir des obligations souveraines, ce à quoi elles ne sont nullement contraintes, s’accroît.

En dépit de tout ce que peut dire Merkozy, cela ne peut qu’engendrer davantage d’austérité, ce qui accentue la pente de la spirale descendante.
Même à déficits budgétaires zéro, voire avec des rétractions globalement faibles des dépenses publiques (il n’y a pratiquement plus de marge que sur les hautes rémunérations des parlementaires et des hauts-fonctionnaires), la dette, dans ces conditions, ne peut que s’alourdir.
Mais comme la politique du « après moi, le déluge » est celle de la plupart des gouvernants ou des candidats, la chute semble inéluctable. À moyen terme (trois-cinq ans), seule la finance bénéficie de ce système. Ensuite, à qui prêter si ce n’est aux pays émergents, aux entreprises délocalisant pour vendre sur des marchés extérieurs ? Si la paupérisation domestique n’est pas compensée, alors, même la finance a du souci à se faire… les successeurs des actuels dirigeants s’en apercevront tôt ou tard.

 

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !