Big Eyes, le film de Tim Burton

A travers la gigantesque arnaque de Walter Keane datant des années 50-60, Burton nous livre une radiographie de cet univers particulier de l’art truffé de snobisme, d’hypocrisie, de "baratinage" . Après un divorce mal assumé, Margaret, (Amy Adams), tombe sous le charme de Walter Keane, (Christoph Waltz), un blagueur au sourire carnassier qui n’a rien à envier à Victor Lustig l’inénarrable vendeur de la Tour Eiffel. L’occasion rêvée pour Margaret de se "recaser" , autre temps, autre moeurs… 

Ce sera le début d’une aventure rocambolesque à deux qui s’étalera sur dix années pour s’achever en queue de poisson. Margaret, une artiste peintre intarissable , produit de ces oeuvres qui se déclinent invariablement en portraits d’enfants aux yeux immenses ; ces " fenêtres de l’âme"  pleines d’une tristesse mystérieuse. Une griffe à caractère féminin, laquelle de manière inattendue rencontrera une ascension fulgurante qui profitera au mythomane de mari,  l’heureux signataire des oeuvres, suprématie masculine obligeant…  

L’occasion d’une satire mordante de ce beau monde détenteur de l’art suprême de décrypter les cinquante nuances des oeuvres à travers les expositions : un défilé incessant de précieuses ridicules du style Arielle Dombasle, de propriétaires de galeries, de brasseurs de vent, etc.  On encense ou on démonte selon des critères parfois si aléatoires que passer d’un côté de la frontière à l’autre ne tient pas forcément à grand-chose. 

Malgré tous les honneurs que récolte l’hégémonique imposteur, les préoccupations mercantiles le pousseront à reproduire les tableaux à grande échelle en posters, en cartes postales. Hormis la critique de ce dévoiement de l’art par un matérialisme exacerbé, Burton égratigne non sans humour les mécanismes mentaux de ce bonimenteur semblable à la grenouille qui veut se faire plus grosse qu’un boeuf : à force de répéter à l’envi à qui veut l’entendre son CV fictif, le mythomane finit par y croire dur comme fer et ne tolère aucun démenti sous peine de devenir archi-violent. 

Une comédie dramatique portée par l’excellent couple Amy Adams et Christoph Waltz , filmée par Burton, un petit bijou cinématographique. 

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