Au Capharnaüm de la justice populaire

Phénomène devenu très populaire au Cameroun, la vindicte populaire est à l’origine de nombreuses pertes en vie humaines. Dans la seule ville de Douala, on dénombre par jour au moins 2 cas sur 5. Aujourd’hui on se demande quel sens connotatif revêt encore le terme justice dans les consciences. Mais de quelle Justice parle – t-on ? Celle d’une population dont les biens se retrouvent pillés sans l’ombre d’une présence sécuritaire, les mobilisant ainsi vers une sorte de justice personnelle constituée de jet de pierres , coups de bâtons et autres tortures physico – morales à l’encontre de ce qui convient de nommer seulement sous d’ autres cieux , présumés coupables !

 

    Quand le terme Justice n’a d’autres connotations que se faire justice !

 Bienvenue au Cameroun, bienvenue à Douala. Rien d’inhabituel dans ce décor qui s’ancre de plus en plus dans les mentalités. Pays de droit ? Quoi ? République vous avez dit ? La vérité est que dès qu’on tient sur la main ce qu’on qualifie sous d’autres cieux de présumés coupables en relation avec une présomption d’innocence à laquelle se doit de bénéficier  tout citoyen, rien à faire ! Il n’échappera pas à la vindicte populaire. Où sont passées les forces de l’ordre ? Bien sur qu’il y’ en a. Mais avant qu’elles ne se déploient sur le terrain, coups de pieds, blessures ouvertes, jambes cassées, cou complètement broyé, yeux percés  sont le lot de quelques chanceux parce qu’au cas où ils estiment qu’ils ont été poisseux : regard sur ceux qui n’ont plus la possibilité de leur expliquer que c’est vraiment un coup de grâce, et ce même s’ils succombent à leurs blessures quelques jours après. Oui, regard sur les tombes de ceux – là qui ne nous en diront jamais rien sur les faits ayant provoqué leur fin. La vindicte populaire a encore fait des siennes et ce n’est pas une enquête dont on ne saura jamais rien sur l’ouverture ou non qui rétablira la vérité. Parce qu’il n y a qu’une vérité : celle des populations avides du sang de la vengeance. Il y a qu’une seule version : le tollé et le crédo des populations. Mais qui sait avec un peu de bol comme ce fut le cas de Thomas , habitant de Bépanda , malencontreusement confondu à un voleur de moto, quelqu’un à la voix plus aigue pourrait devenir expresso votre avocat de l’ heure et vous sauvez des griffes d’ hommes , de femmes et d’ enfants ,armés de   cailloux , marteaux et autres objets qui pourront faire votre affaire .Loin de penser que ce qui fait la spécificité de cette forme de justice, ce sont uniquement  ses justiciers ; impossible d’occulter alors le fait que la sentence soit toujours la même !  Peu importe la mesure du crime, quand il est effectivement commis mais ça, c’est une toute une autre histoire  qu’il faut prouver. Voleur d’un œuf,   d’un téléphone ou d’une voiture. Jugement sans appel : la mort ! En cas de protestation, l’adage auquel se greffe des ramifications personnelles  vous est lancé à la figure : Qui a volé un œuf volera un bœuf, alors il faut qu’il paie tous ses forfaits, sinon il va continuer ! N’insistez pas trop car vous pourriez rapidement  vous faire identifier comme un éventuel complice. Et goutez ainsi à la danse d’une lente et douloureuse agonie. Non, un mort toutes les six heures, c’est largement suffisant pour remplir les morgues de la ville de Douala de ce type de cadavres. Les collisions  de voitures et  de motos savent comment prendre la relève !

      Des voleurs, des violeurs, des malfrats, bref des hors la loi, il y en a ! Toutes les éditions du journal du pays en font leurs unes, transformant même celles – ci en une foire de faits divers ! Des moyens pour éradiquer le phénomène  semblent  se frotter au nombre de policiers, gendarmes et militaires qui augmentent tous les ans.  Ce sont là les réactions des autorités du pays. D’ailleurs on assiste même à l’existence de groupes spéciaux  destinés au renforcement du dispositif  sécuritaire. Cependant aussi paradoxalement que cela puisse être, il s’agit de mesures sécuritaires  qui se laissent effectuer par des populations lassées de composer des numéros sensés intervenir en cas d’infraction. Des hommes et des femmes qui se chargent eux- même de la protection de leurs biens et personnes .Mais pourquoi ? Vous me direz que le pacte de confiance a été rompu et moi je me demande bien s’il a jamais existé ! A la question pourquoi, la réponse réside peut -être dans le fait de retrouver dans les rangs de la police, des visages au service de la corruption, des gangs de voleurs et une bande d’agresseurs verbaux  quand vous tentez de faire allusion à leur éthique professionnelle   . La coercition  entre forces de l’ordre et celles du désordre est – elle beaucoup plus déséquilibrée qu’on ne le pense ? A moins que des problèmes existentiels viennent se greffer à ce qui s’apparente comme faisant partie de l’ordre des choses ? Non, vous avez envie de croire à cela ? Attendez, vous voulez insinuez qu’il y a un manque de volonté politique ou pire c’est une politique de gouvernement ? Non ça ne tient pas la route ! Vous pensez  vraiment …? Mais pour quel intérêt ? C’est tiré par les cheveux, je crois. Quoique …Mais  est-ce important de connaitre la nature du malaise quand d’aucuns ne le voient pas, ne l’incriminent pas, ne le règlent pas ! Ah toujours le pourquoi des choses ? Eh bien oui. Oui parce que des pertes en vie humaines se célèbrent tous les jours et on a presque envie de dire que la justice n’est qu’une forme d’injustice très bien orchestrée. Parce que rendez- vous compte qu’il puisse arriver que voulant prendre ma revanche sur un différend avec quelqu’un , je puisse seulement crier un Au voleur au voleur ! C’en est terminé pour lui ! Personne n’évoquera la perspective d’un règlement de compte. Seuls les gourdins communiqueront avec ce malheureux. On pourrait se poser autant de questions : pourquoi les conclusions des enquêtes ne sont pas connues si elles ont réellement été effectives ? Pourquoi lorsqu’ il y a encore des gens qui livrent à la police leurs oppresseurs, réapparaissent – ils   le temps de quelques heures seulement  hors des geôles  dans lesquelles on les y a laissés ? Pourquoi des hommes qui se font justice ne sont pas réprimandés ? Pourquoi j’ai autant de pourquoi ? Pourquoi ? Parce que je cherche des réponses que je lis parfois  sur le code pénal camerounais. Mais auxquelles je ne frotte pas au quotidien. Et pour preuve, je me trouve au quartier PK 10 et voici des cris populaires qui s’élèvent : « Tuez – le, tuez – le ! »

Je préfère m’en aller. J’ appréhende de voir de nouveau du sang qui coule  à flot, la vessie entrouverte , la langue pendante et des yeux larmoyants comme ce fut le cas au marché Deido , à Bonabéri , New Bell , et je tais pleins d’ autres localités  .C’est que je dois partir !  Je vais voir ailleurs. Ailleurs à la télévision devant l’innocence d’un manga ! Peut – être arriverais- je à oublier ou alors  à feindre l’oubli. Zut, tant qu’il y a le 2OH, zoom sur mon quotidien !