Arcelor-Mital et l’histoire d’une forge à Basse Indre (44)

Les forges de Basse Indre, je connais bien, je suis née à quelques mètres à vol d’oiseau du site…

 

Les forges ont été créées en 1822 sur les bords de la Loire, à quelques kilomètres de Nantes. 

Je ne vais pas vous faire un historique complet, Wikipédia le fait bien mieux que moi ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Forges_de_Basse-Indre), non je veux surtout vous parler du formidable développement de cette entreprise et de son impact dans la région. 

 

Nombreux sont les gens qui ont travaillé aux Forges dans la région, que ce soit les habitants de Couëron, Saint Herblain, Indret, La Chabossière ou Basse Indre. Il y a encore 30 ans, toutes les familles vivant dans ces communes avaient au moins un membre de leur famille qui y travaillait, il y a 40 ou 50 ans, deux personnes sur trois y travaillaient ou y avaient travaillé. 

Mais les Forges, ce ne sont pas simplement que la fabrication du fer blanc, le laminage ou l’étamage, c’est aussi l’atelier des fonds (fonds de boites de conserves), des tôles pour lesdites boites envoyées dans toutes les conserveries de Bretagne ou de France.

 

Je connais bien, vous ai-je dit, normal ! ma grand mère lorsqu’elle s’est trouvé veuve une première fois a eu besoin de travaillé, elle a été embauchée à l’atelier des fonds. A l’époque (dans les années 50) cet atelier était réservé aux femmes et ce, jusqu’en 68. Là cet atelier a été décentralisé à Chantenay près de Nantes. Carnaud a ouvert une usine pour décentraliser. 

A ce moment, les Forges de Basse Indre ont changé de nom : elles sont devenues J.J. Carnaud Basse Indre. 

Et puis, il y avait les fours, pour faire fondre le métal. Là c’était des hommes qui s’en occupaient, il fallait que le feu soit toujours allumer pour que le métal arrive à fusion. Ces hommes, souvent maigres ne tenaient le coup qu’en buvant…. de l’eau de vie…. Ils mourraient jeunes non pas par cirrhose, mais par les poumons brûlés.

Le second mari de ma grand mère, y a travaillé. A 45 ans les hommes étaient finis… 

 

Et puis, l’usine s’est agrandie, il a fallu construire des maisons autour de l’usine pour loger les ouvriers, on les appelait les "maisons moulées" car elles étaient faites en plaques de béton. Des citées se sont ainsi construites rapidement à La Chabossière où je suis née, à Basse Indre, à Couëron. Ces maisons étaient grandes, elles possédaient un jardin que chacun pouvait cultiver et surtout, le loyer était dérisoire. 

Mon père est entré en apprentissage de plomberie-zinguerie dans cette usine. Quel rapport ? allez-vous me dire. 

Il fallait entretenir les maisons ouvrières, les bâtiments de l’usine, des bureaux, on avait donc besoin de maçons, plombiers, carreleurs etc… 

Quand je vous disais que les Forges ont fait vivre toute une région !!

 

Mon père a donc fait toute sa carrière ou presque dans cette usine, ensuite mon mari y est entré lorsqu’il n’a pas trouvé de travail dans la région en tant que maitre d’hôtel. Là, il est entré comme Pontier aux laminoirs à froid. Et, puis, j’ai aussi travaillé là pendant trois ans au secrétariat… 

Mon frère a été le dernier a être embauché dans la famille dans cette usine rachetée à l’époque par Sollac et puis ensuite par Arcelor-Mital.

 

Lorsque Sollac a racheté les Forges de Basse Indre, les maisons ouvrières ont été soit détruites soit vendues à petit prix aux locataires. Nombreux ont été ceux qui les ont racheté. Il faut dire que les prix de vente défiaient tout concurrence. 

 

Les licenciements ont commencé a être un peu plus nombreux, les plans sociaux se sont multipliés jusqu’à aujourd’hui… 

Ce matin, j’ai entendu une nouvelle qui m’a fait bondir. Et toute la région va vivement remercier M’ le Premier Ministre qui déshabille l’un pour rhabiller l’autre.

En effet, pour continuer à fabriquer du métal, il va falloir supprimer des emplois à Basse Indre parce que là il ne s’est pas engagé à préserver tous les emplois…. 

Je suis triste pour ma région natale, avoir vécu Mai 68, et bien d’autres grèves tout aussi dures, et en arriver là…. 

Il ne reste presque plus rien dans la région, les Chantiers de Saint Nazaire sont moribonds, Nantes veut tout manger pour s’agrandir, les agriculteurs se voient expropriés du côté de Notre Dame des Landes…. que va-t-il rester dans la région pour donner du travail aux habitants ?

Pourtant Jean Marc Héraut connait cette région, cette usine et certainement mieux que celle de Florange… 

Jusqu’où allons-nous aller ?

 

{youtube}HPRfoAg6gSk{/youtube}

 

 

14 réflexions sur « Arcelor-Mital et l’histoire d’une forge à Basse Indre (44) »

  1. c’est triste et pourtant c’est un passé douloureux qui s’estompe; mon père, mes oncles, moi-même mais à « la vallée », j’ai gouté à ce type d’industrie XIXème/XXème, de nombreuses familles ont vécu grâce à ces forges, j’ai habité étant jeune à la cité du Bossis; la nostalgie vient avec l’âge et le temps qui passe, aujourd’hui je ne reconnais plus cette vallée d’Indre et ces coteaux de St Herblain/la Chab / Couëron; la durée de vie de ces usines est de 150 à 200 ans … après on ne peut rien dire, mais il faut garder confiance. Mon papa a formé de nombreux ajusteurs, des apprentis avec lesquels il descendait la Loire en canoë; s’il y a un souvenir à garder ce sera celui là; merci pour votre article

  2. bonjour Attar, vous habitiez au Bossis en quelle année ? je suis native de la Chab ! et moi aussi j’ai connu les prairies, les étendues de pré où on pouvait courir et grimper aux arbres sans se faire disputer par quiconque hors nos parents. j’ai connu les Noël offerts par le CE des Forges, les grèves de 68 lorsque mon père allait faire le « piquet » et la grande grève SNCF lorsque les trains ne passaient plus et qu’on avait le droit d’aller se balader sur les voies de chemin de fer….

  3. … je suis né en 1953, après quelques années passées aux ardillets je suis allé à la chab’, et ensuite le collège rue de bel air à Nantes:
    j’ai travaillé un peu partout sur nantes; aujourd’hui un grand nombre d’entreprises n’existent plus – enfin je le suppose ACB, Dubigeon, Brissoneau et Lotz, FTV à Carquefou?, en agriculture j’ai travaillé chez les maraîchers nantais, dans le vignoble nantais St Fiacre, Tillières etc (eux existent toujours, pas tous). A l’instar d’ un Jack Kerouac , mo idole, je me suis balladé j’ai été vigneron dans les corbières, là aussi j’ai vu la fermeture des caves coop’ , m’enfin comme dirait Gaston Lagaf.
    A propos de coop j’habitais en face la coop La Ruche de St Nazaire tenue par Suzanne G. ATTAR

  4. madalen

    je decouvre votre article emouvant et tres bien ecrit: il resume l’absurdité de decisions economiques et politiques qui broient des hommes et des regions

  5. J’ai été hélas témoin de l’incurie des hommes politiques de tous bords mais plus particulièrement de ceux de gauche qui n’avaient, n’ont et n’auront jamais la culture de l’entreprise et encore moins de la manufacture ou de l’agri-agroindustrie. L’erreur cataclysmique de ces gens c’est de confondre le secteur marchand avec le secteur productif! Les règles du jeu ne sont non seulement pas les mêmes, mais qui plus est il est si facile de « vendre ou distribuer » et bien moins d' »étudier et réaliser ». Hors l’impôt frappe aveuglément les deux secteurs et, de façon plus qu’allégée sur le plan des charges sociales par exemple la banque, qui ne crée rien, ne fabrique rien, ne plante rien, ne conditionne rien si ce n’est de tirer les oreilles de gens qui valent dix fois mieux qu’eux au minimum ! Les forges étaient d’une importance cruciale et bon nombre d’industrie à partir des pièces obtenues pouvaient fabriquer la suite … aujourd’hui pour s’approvisionner il faut: accepter une baisse de qualité parfois à la limite du tolérable, attendre avec des délais parfois catastrophiques, être obligé de commander en grandes quantités en prenant le risque de se retrouver avec la marchandise sur les bras et une trésorerie sacrifiée et pendant ce temps là payer ses collaborateurs et ouvriers malgré les pertes subies, pour garder l’équipe soudée, et malheureusement ne plus pouvoir tenir …

  6. Avant Mitterrand je me souvient d’une industrie de l’armement florissante et d’une aéronautique vainqueur sur la plupart des continents! Mais voilà ême pas un mois après sa prise de fonction, « Il » fit désarmer à son arrivée au salon internationale de l’aviation et de l’aérospatiale du Bourget tous les avions et en attendant alla tranquillement déjeuner. Lorsqu’il revient un silence de mort planait dans les stands: plus aucuns ambassadeurs, chefs d’entreprises, ingénieurs et autres attachés commerciaux… Il compris instantanément la situation et blanc comme un linge fit demi-tour. Ce jour là nous perdîmes 80 milliards de francs de commandes (sans parler des dégâts collatéraux) ainsi que les mois suivant bon nombres de clients ne sont jamais revenus nous acheter quoique ce soit (Creusot-loire, ne mit pas longtemps à s’éparpiller, à l’époque les effectifs rien que de cette firme, en « oubliant » les sous-traitants », étaient de 160 000 personnes, un gâchis énorme inouï !)

    p.s. »petit détail »: j’y étais.

  7. le cas est « presque le même » zelectron. nos grandes entreprises, celles qui fabriquaient et dont nous étions si fiers ont disparu par la faute des incompétences de ce Monde où seules les banques gouvernent. Ce qui était français, qui faisait la gloire et l’économie d’une région toute entière a disparu ; oui de la faute des dirigeants comme le jour où les Forges ont été vendues à un grand groupe Sollac, puis ensuite à Arcelor et enfin à Mital pour péricliter. Maintenant, elles vivotent et ne fournissent plus autant d’économies aux villes alentour. Notre région jusqu’en haute bretagne était fière des Forges de Basse Indre, maintenant qui connait ?
    ici un résumé de l’histoire des Forges :
    [url]http://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00165/l-entreprise-carnaud-basse-indre-en-loire-atlantique[/url]

    et ici :

    [url]http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/noroi_0029-182x_1955_num_6_1_1071[/url]

  8. et je n’ai pas parlé de toutes ces PME/PMI et artisans « chair à canon » que les gouvernements successifs considèrent comme « variable d’ajustement »!
    Ces « politiques » qui se goinfrent, se vautrent ou se complaisent dans les ors immérités détournent le regard des tristesses et peines des humains qui ont perdu leurs emplois, dont l’angoisse du jour appauvrit la vie et détache de femme, enfants, amis sauf ceux des beuveries et entraîne à l’abandon jusqu’à l’issue fatale. Je maudis tous ces élus qui veulent à toute force nous faire ingurgiter la cigüe qu’eux-mêmes n’ont pas le courage d’avaler … et pourtant ils le devraient.

  9. En marge de l’activité de cette formidable usine que fut « Les Forges de Basse -Indre, j’ai fait un pré-apprentissage en vue d’une orientation sur un apprentissage correspondant le mieux aux aptitudes du jeune. C’était en 1961. Même s’il s’est avéré, qu’en ce qui me concerne, je me suis retrouvé  » jeune ouvrier », j’ai beaucoup appris avec des Moniteurs motivés pour la réussite de leurs élèves. J’ai des souvenirs marquants de noms de Moniteurs à qui je voudrais rendre hommage (M. .Maisonneuve et Monsieur Manceau  » Maître de l’Opération 500″, pour le français…, et bien d’autres. Merci, à eux et aux dirigeants de cette usine pour ce qu’ils m’ontapporté. Je voudrais qu’au niveau nationnal on prenne conscience qu’il y a des choses à inventer, même aujourd’hui, pour les jeunes.

  10. Bonjour,

    Je fais des recherches sur l’entreprise J. J. Carnaud et Forges de Basse-Indre.
    Je travaille sur un fonds photographique d’une entreprise d’édition publicitaire qui réalisait des reportages sur les grandes industries au début du XXe siècle.
    l’un des reportage se rapporte à Carnaud et Forges de Basse-Indre : https://viva-arts.univ-st-etienne.fr/paulmartial/fonds/index.php?rechercheSimple=Carnaud

    Je serais ravie de pouvoir échanger avec vous à ce sujet

    Bien à vous

    Anne-Céline Callens

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