Accoyer ou la loi d’exception

Depuis le 3 avril, la proposition de loi de Bernard Accoyer a entamé l'aventure des allers-retours Assemblée-Sénat jusqu'à sa validation ou son invalidation.

De quelle loi s'agit-il ?

Une loi qui permettrait aux témoins des commissions parlementaires de témoigner sans être soumis aux dispositions qui interdisent la diffamation et l'injure publique.

C'est tellement gros qu'il faut l'avoir vu pour le croire !

Tout d'abord, voici une loi d'exception qui crée une zone de non-droit dans l'état, une zone ou des individus pourraient bafouer la loi sans craindre d'être justiciable, et cette zone au sein même du parlement.

Pour ceux qui tenteraient de faire passer l'idée que le faux témoignage ne serait pas permis, il faut comprendre une petite chose en matière de diffamation :

L’auteur des faits diffamatoires peut être relaxé s’il apporte la preuve des faits jugés diffamatoires (d'après l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881). Ce qui veut dire qu'un témoin d'une commission parlementaire qui ne pratique pas le faux témoignage ne peut craindre d'être condamné pour diffamation, puisque bien sûr dans ce genre de commissions on s'attend à ce qu'il relate des faits avérés et non des mensonges éhontés.

De plus, d'après cette même disposition, si l'auteur des faits diffamatoires apporte la preuve de sa bonne foi, il ne peut être condamné. Donc même si quelqu'un proférait un mensonge par erreur, il ne risquerait rien.

Il n'y a donc aucune nécessité d'une telle loi, si ce n'est pour protéger des gens qui ne tiennent pas à avoir à répondre de leurs propos devant la justice.

Bien entendu, Bernard Accoyer a donné comme motif à son nouveau bébé le fait que certains de ces amis avaient été mis en examen suite à leurs déclarations lors de la précédente commission sur les sectes : Monsieur Roulet, par exemple, Président de la Miviludes, 2 fois mis en examen.

Mais pour comprendre complètement la gravité de cette loi, il faut savoir que les commissions parlementaires sur les sectes ont pour habitude en France de ne demander leur avis qu'à des gens choisis pour leur opposition connue aux nouveaux mouvements religieux. Comme la Miviludes d'ailleurs, qui a été décriée si souvent pour ne jamais faire appel aux spécialistes, experts et universitaires, pour la simple raison que ces derniers n'abondent pas dans son sens. Jamais non plus les membres des minorités spirituelles ne sont appelés à témoigner.

Imaginez-donc une commission parlementaire sur les dangers des antidépresseurs dans laquelle seuls les responsables de laboratoires pharmaceutiques seraient appelés à témoigner, ceux-là étant de plus protégés s'ils diffamaient qui que ce soit.

Ou bien une commission parlementaire sur les persécutions tibétaines dans laquelle on n'interrogerait que les membres du gouvernement chinois et quelques témoins choisis, et que ceux-là soient protégés quoi qu'ils répandent comme rumeur sur le Dalaï Lama, quelque mensonge qu'ils profèrent à l'encontre du peuple tibétain.

Je crois que vous avez compris.

Notre constitution existe pour nous protéger de tels dérapages.

Faudra-t-il attendre à nouveau que le Conseil de l'Europe pointe du doigt la France pour ses dérives en matière d'intolérance religieuse, comme dans le cas de la loi About-Picart, ou verra-t-on enfin nos sénateurs et députés reprendre en main ces écarts liberticides pour que la raison ait encore droit de cité dans notre pays ?

8 réflexions sur « Accoyer ou la loi d’exception »

  1. loi des hommes vs loi de Dieu
    Dans la Bible des témoignages ou une accusation ne sont recevables que sur le dire de deux ou trois témoins. Voir Matthieu 18:15-16 : « pour que sur le dire de deux ou trois témoins l’affaire soit établie » dit le Christ lui même. On voit que la loi des hommes a beaucoup à apprendre de la loi de Dieu.

  2. VOLTAIRE, c’est une grande vérité que vous venez de rappeler. De même que Dieu a gravé dans le coeur de l’homme la pensée de l’éternité.

  3. Voyons, PIerre du Barreau, vous pourriez changer de disque!
    Le jour où le soi-disant pierre du barreau, scientologue, va vraiment commencer à étudier autre chose que les délires antiscientifiques de son gourou Hubbard, il va réaliser à quel point il a été trompé, et s’il réfléchit comme je l’ai fait une fois sorti moi-même de la secte criminelle, il réalisera sans doute qu’il existe toute sorte d’autres explications (vraies, celles-ci) aux phénomènes qu’il croit avoir constatés lors de séances de lavage de cerveau qu’il a reçues durant son passage en sciento.

  4. C’est vrai, Olivier, quand on le voit comme ça, il a l’air d’être sous influence !

  5. Logique
    Je pense que le but de ce projet de loi est de permettre à des individus de s’exprimer, d’apporter des éléments, de parler librement sur le sujet des dérives sectaires sans risquer de passer le restant de ses jours à devoir prouver face à des tribunaux la véracités de leur propos.
    C’est apparement les méthodes employés fréquemment par les groupes qualifiés (à tort ou à raison) de sectes pour décourager tout témoignage. Cette méthode d’harrassement par les tribunaux est d’une manière ingénieuse d’utiliser la loi pour d’empêcher la liberté d’expression. En effet même si la personne envoyé devant les tribunaux par la Scientologie (par exemple) est de bonne foi, le temps et l’argent perdu dans les frais de procédure peut suffire à lui détruire sa vie et donc à décourager tout témoignage qui pourrait apporter des éléments précieux …

  6. Liberté d’expression est différente du droit de mentir sous serment
    Je comprends bien cette logique qui est d’ailleurs celle qui est invoquée pour justifier cette mesure d’exception. Sauf que les témoins sont entendus pour que leurs témoignages soient ensuite utilisées dans les conclusions des quelques parlementaires de la commission, et que les lois sur la diffamation existent pour éviter qu’on puisse dire tout et n’importe quoi sous couvert de liberté d’expression. Les exemples que j’ai donnés plus haut sont assez explicites. Les lois sur la diffamation ne sont pas fait pour empêcher les gens « d’apporter des éléments, de parler librement, etc. », ou alors, d’après votre logique, ces lois devraient être supprimées purement et simplement. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.

  7. Revenir à la réalité
    J’aimerais apporter quelques éléments à ce débat.

    Le 1er c’est que ce projet de loi a été voté à l’assemblée devant un hémicicle quasiment vide ( comme souvent dès qu’il s’agit des « sectes »), ce qui rend sa légitimité très discutable et qui signifierait qu’une majorité s’en désintéresse ou qu’ils n’ont pas le courage de venir se prononcer sur le sujet.
    Le second c’est qu’en réalité on ne voit pas pourquoi, sauf s’ils font un faux témoignage, les témoins à charge en question seraient gènés de venir témoigner, alors que la cause est déja largement entendue par une majorité de français persuadés de la nocivité des sectes ( sans en avoir jamais rencontré une seule),largement encouragés en cela par un certain nombre de politiques et par des médias unanimement d’accord eux aussi sur le « danger des sectes ».
    La réalité c’est qu’en france perdure depuis des sièles un refus de la différence qui a émaillé l’histoire de ses méfaits depuis la persécution des juifs en passant par le massacre des catharres, la St barthélémy et autres atrocités du genre.
    La réalité c’est que l’état français est montré du doigt par des instances européennes depuis un moment déja pour son attitude envers les minorités,et que cette tentative de restreindre à nouveau les droits de ces minorités sur le territoire français ne va pas arranger les choses. >:(

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