À Rennes, François et Ségolène des Landes

Mécontents des comptes-rendus de presse du meeting de Rennes de François Hollande, hier soir 4 avril ? Il y a de quoi ! Il n’y en avait que pour le rapide passage de Ségolène Royal devant un parterre enthousiaste. Pour le reste, on peut se reporter au vertabim sur le site du candidat. Mais voyons aussi ce qu’il n’a pas dit… 

Carrément mélenchonien, le François Hollande de Rennes. D’abord, parce que dans cette ville plutôt acquise à la gauche, il a suscité un semblable enthousiasme : peuà envier à Jean-Luc Mélenchon et au Front de Gauche de ce côté.
Jusqu’à 18 000 personnes, selon le PS, sans doute moins (mais plus de 10 000, ce qui, même pour Rennes, ville encore mal desservie depuis l’Anjou voisine, n’est pas rien).
C’était un discours à la Mélenchon, qui s’est toutefois départi de la forme et du ton, justement pour évoquer, sans la moindre animosité, sans la plus petite critique, le candidat de gauche concurrent.  Hollande n’a eu aucune pique contre son ex-camarade, dont certains partisans étaient venus l’écouter.

 

Séance de dédicaces à la librairie Le Failler puis marée humaine répartie en trois halls à Bruz, et l’épisode Ségolène Royal. Laquelle, comme Aurélie Filippetti, n’a pas manqué de caresser dans le sens du poil notre identité bretonne avant que son ex ne conclut par un « Votez la victoire ! Vive la Bretagne, vive la République… », &c. (après tout, s’il ne nomme pas Sarkozy, je peux bien sucrer la France, qui me pardonnera ce parallèle).

Extraits

Les socialistes ont la bonne idée de transcrire intégralement les discours de leur candidat, nous épargnant de nous taper uniquement la vidéo sur leur site. Ce n’est pas en braille, mais bon, le braille d’Internet laisse encore à désirer. Mélenchon, sachant que son rival allait parler de la mer, avait pris les devants sur son blogue. Hollande fut beaucoup moins technique, oralité oblige. Plus lyrique, après Daniel Delaveau, le maire ayant succédé à Edmond Hervé, qui n’était pas en reste dans l’affirmation d’une confiance de l’emporter sur le locataire de l’Élysée.

 

À J-18 (pensez au vote par procuration ou correspondance), le « chef de clan, chef de caste, chef de tout mais jamais responsable de rien ! » en a pris pour son grade et son bilan de président ou de ministre depuis dix ans. « Le permis de conduire l’État, les Français vont bientôt le lui retirer, » a-t-il glissé.
Le coup de « l’ardoise magique » (qui permet de faire un dessin, un brouillon, puis de tout effacer pour se promettre de faire mieux la prochaine fois) ne fut pas mal trouvé.

Le truc un peu lourd, c’est qu’on reproche toujours aux journalistes de privilégier les petites phrases. Désolé, voyez par vous-même le discours (via le site), comment faire autrement avec François Hollande ? A-t-il détaillé les modalités des accords compétitivité-emploi qu’il connaît, que veulent le Medef et l’UMP, ce qui a poussé la CGT à se prononcer nettement pour un vote de gauche protecteur ? Non. Pas non plus de vrai désossage du « programme fiscal du candidat sortant » (et surtout du programme caché quand, je le rappelle par ailleurs, Baroin, de l’UMP, prône pour la suite une amnistie fiscale). Que voulez-vous que j’y fasse ?
Tout cela était bien convenu. Sauf, peut-être, le salut aux grands patrons « patriotes ». Ah bon ? Qui cela, le Breton Bolloré, qui se barre en Suisse avec son fils ?
C’était aussi peu pédagogique de ne pas expliquer le montant du chèque à envoyer au Trésor public dès qu’on gagnera juste un peu plus d’un ridiculement petit million d’euros (les Bill Gates français rigolent, ils ont les moyens de réduire leurs revenus à cela pour le fisc, et il ne doit y avoir que Jamel Debouzze, un gagne-petit, à ne pas savoir y faire). Mais bon…

Laisser croire que ces gens paieront 75 % d’impôt dès le premier euro, cela peut plaire aux foules miséreuses, aux indigents, soit tous ceux aux revenus en-dessous d’un prof d’université en fin de carrière, sauf École d’économie de Toulouse, bonus de la finance et du grand secteur privé oblige.

 

Calendrier

Première décision donc du président Hollande, nommer une ou un premier ministre (pourquoi a-t-il énoncé « un » ?) d’un vrai gouvernement (et non de potiches) paritaire (femmes-hommes ; l’ex-époux Royal rattrape le coup : « autant de femmes que d’hommes », et non l’inverse qui revient au même, sauf pour la syntaxe). Sera-t-il restreint à 15 pôles ministériels ? Oui, avec combien de secrétaires d’État ? On ne sait. Bayrou prévoit 20 ministres, point. Puis G8 et déclarations de principe (sur l’Iran, les pays méditerranéens). Retrait de l’Otan annoncé dès le 20 mai et retrait des troupes d’Afghanistan (selon quelles échéances ?). Fiskal Pakt ensuite, avec l’appui de certains conservateurs pour l’atténuer. Pas trop de refondation totale de la PAC, juste une coloration écologique et environnementale. Les très petits agriculteurs bretons attendaient autre chose, de plus décisif, mais bon…

Nach Berlin ensuite. Solidarité, mein Schwippschwägerin… (belle-sœur). Diverses mesures sociales et en juin, instauration d’une « caution solidaire » pour les jeunes voulant accéder au logement. Pas grand’ chose pour celles et ceux auxquels manquent des annuités de cotisation de retraite. J’attendrai donc. Vacances scolaires employées à préparer une, des autres rentrées.
Vers septembre, mesures bancaires. Diverses autres pour l’emploi et une agence de notation. Du social, du vivant, de l’humain. C’est Nicole Notat qui va être contente ! Plutôt qu’une agence, je verrais plutôt un recrutement d’inspecteurs du Travail, mais bon…

 

Une réforme judiciaire suivra. Avec nomination des procureurs par le CSM. Sur la laïcité, pas d’allusion au Concordat (on aime bien nos recteurs pittoresques, notre bas-clergé breton, mais comme nous sommes beaucoup à rester « rouges », laïcards, valait mieux éviter de nous en causer). Ah, comme en Corse, il nous reparle de la Charte européenne des langues minoritaires. En changeant (réponse indirecte à Mélenchon), l’art. 2 de la Constitution.

Et Nantes et la Loire-Atlantique ?

Évidemment, si Sarkozy était réélu, rien ne le retiendrait plus, et surtout il traiterait ses ministres et ses collaborateurs telles des serpillères puisqu’ils n’en auraient jamais fait assez pour le faire réélire et qu’il ne devra sa victoire qu’à lui seul. Hollande a sur le relever. Il aurait pu insister sur ce point en faisant un appel du pied aux élus centristes bretons auxquels l’étiquette UMP évoque une veste annoncée. A-t-il craint que Mélenchon s’en empare pour le lui reprocher ? Ou que des candidats PS et Verts à la députation en Bretagne le voient d’un mauvais œil ? J’estime qu’il a raté là l’occasion d’allusions sans fermes promesses qui n’auraient guère mangé de pain.

Mais ce que certaines et certains d’entre nous, Bretonnes et Bretons, attendions, c’était l’évocation de la réunification de la Loire-Atlantique et du Pays de Retz à la région Bretagne.  Et puis, des camarades, amis, copines, twittaient à propos de l’aéroport nantais de Notre-Dame-des-Landes, dont nous ne voyons pas la nécessité et surtout les nuisances.

Ségolène Royal a beau nous dire que « la voix d’une caissière vaut autant que celle d’un patron du CAC 40 », sur le projet d’aéroport à Nantes, nous n’en avons guère l’impression.

 

Ouest-France crédite ce meeting d’une affluence de 12 000 personnes dans une région où Royal avait fait 52,6 % en 2007 (et à 63 % à Rennes). Le Télégramme en a vu plutôt 15 000. Pas mal. Bayrou, lui, était entre amis (une cinquantaine), à Saint-Brieuc. Il a fait un plein de parrainages chez les élus bretons.

Ensuite, il s’est rendu après des apprentis du centre de Plérin. Il est enquis de savoir si les panneaux solaires du centre étaient français. Chez lui, le Pyrénéen aurait-il demandé s’ils étaient navarrais ou basques ?

Juste un truc, candidats auxquels Mélenchon, qui se la joue jacobin, vous pique un peu de voix. Quand vous venez chez nous, parlez-nous un peu plus spécifiquement de nous. Il n’y a pas que cela qui nous intéresse, mais faites au moins semblant. Le Parti Occitan (il soutient Eva Joly) a interpellé Mélenchon sur les langues régionales, dénonçant un « double discours ». Là, vous avez un peu l’avantage. Même si on votait pour le Front de Gauche, on ne vous en voudrait pas de tenter de le creuser. 

Bon, terminons par l’essentiel : Tri Yann an Naoned (de Nantes), le groupe qui assurait l’ambiance musicale du meeting de Rennes, se porte bien. Une bonne partie du public venu dans les 65 cars s’était aussi déplacé pour lui. Dont des partisans de Mélenchon qui sont restés écouter Hollande et consorts, et voteront pour lui au second tour. Des PS pensent voter pour lui afin qu’il dépasse Marine Le Pen au premier tour, rapporte Mediapart. Il y a eu quelques brises et du temps frais entre militants du PS et du FdG aux abords du meeting de Rennes. Mais la bonace a été vite rétablie. Sarkozy va devoir encore se faire du souci. Les reports, en tout cas chez nous, en Bretagne, dans la « diaspora » bretonne, seront bons, voire excellents. Et la Marine (Le Pen) devra sans doute davantage compter, comme d’habitude, sur d’autres régions. C’est surtout en Bretagne que se situent les communes votant – de loin – le moins pour elle…

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « À Rennes, François et Ségolène des Landes »

  1. Il me semble que certaines décisions à venir en cas d’élection ont déjà été précisées.

    Exemple, le retrait des troupes d’Afghanistan. [b]Il a dit et redit que ce serait « d’ici fin 2012 » ![/b]

    Il faut noter également que le coût de la présence de l’Armée française en Afghanistan s’est monté à 470 millions d’euros pour l’année 2010 ( en augmentation d’ailleurs de 20 millions par rapport à2009…).

    Ce sera toujours ça d’économisé par rapport à la dette de l’Etat.

    De façon plus générale, on peut aisément concevoir que le candidat Hollande ne dise pas tout dès maintenant puisqu’il risque bien d’avoir à faire une « nouvelle » campagne pour le second tour.

    Patience, patience, donc.

    jf.

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