100 jours de présidence normale, mais où va t-on ?

Derrière ce titre provocateur, on ne trouvera pas une critique virulente de l’action du nouveau chef de l’Etat, mais bien l’avis de quelqu’un qui reste sur sa faim, après environ 110 jours de présidence normale. Comme on l’écrirait sur le bulletin scolaire d’un élève doué mais peu travailleur : "bien, mais peut mieux faire !". 

 

J’apprécie tout particulièrement le style de notre président "normal". Il renoue avec une certaine tradition de l’exercice du pouvoir, notamment en prenant ses vacances dans la résidence habituelle des chefs de l’Etat de la Vème République, Brégancon, là où son prédécesseur préférait le yacht de son ami fortuné Vincent Bolloré ou la villa de sa riche belle-famille, au Cap Nègre. Alors, même si les voyages en train, les courses dans un super-marché ou les bains de foule en T-shirt-Bermuda sont de purs artifices de communication, il est agréable de voir un président proche de ses concitoyens. 

Le fonctionnement de l’Etat paraît aussi avoir changé. Jean-Marc Ayrault semble être plus qu’un collaborateur, même si son discours de politique générale était d’une indigence rare, se bornant à rappeler le programme qui avait fait élire François Hollande. Le chef de l’Etat semble conserver une certaine hauteur, même s’il reste un chef de parti, comme l’a rappelé brutalement l’affaire du tweet d’une certaine Valérie T. concernant la dénommée Ségolène R, inconnue au bataillon bien sûr ! Le dialogue avec les corps intermédiaires, tant décriés par Nicolas Sarkozy, semble revenu au goût du jour, comme l’a illustré la conférence sociale. Toujours dans le symbole puisque celle-ci s’est déroulée au siège du Conseil Economique et Social, et non pas à l’Elysée. 

Aussi, certaines promesses de campagne ont déjà été tenues, comme la baisse du salaire du chef de l’Etat, bien qu’elle ait été retoquée par le Conseil Constitutionnel pour un vice de procédure, la hausse de l’allocation de rentrée scolaire de 25% ou bien l’arrêt de la défiscalisation des heures sup’ – en clair, la fin du détricotage de la loi TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat). Mais ça, cela ressemble à l’échauffement !

 

Malgré tout, là où je suis déçu, c’est dans le manque de perspectives que donne François Hollande et son gouvernement. Des commissions ont été nommées, le dialogue social a débuté, la concertation sur l’école est lancée, la réforme fiscale est sur les rails, mais il manque un véritable cap. Les sujets abordés sont annoncés mais il y en a tellement que l’on s’y perd ! Ce qui entretient le flou, c’est bien sur le manque de pistes de réformes. On a l’impression que François Hollande s’inspire de manière fort peu intelligente de son homologue de droite espagnol, Mariano Rajoy, qui applique à merveille le précepte "moins j’en dis, mieux je me porte". La communication des ministères concernées (Education, Justice, Economie…) est restée minimaliste. Et quand certains s’y sont risqués, ils se sont pris une volée de bois vert, comme Najat Vallaud-Belkacem sur l’abolition de la prostitution, Vincent Peillon (dès son 1er jour au gouvernement !) sur les rythmes scolaires, et surtout Christiane Taubira sur les centres éducatifs fermés (CEF). Autant, la majorité sortante nous noyait sous les annonces fracassantes et les pistes de réforme hypothétiques lancées comme on lance une bouteille à la mer (ainsi de faire travailler les personnes en arrêt maladie comme l’a proposé Frédéric Lefebvre, ou de conditionner le versement des allocations chômages ou du RSA à quelques heures de travail pour l’Etat, made in Laurent Wauquiez). Mais là, on en deviendrait presque paralytique !

De plus, la gauche s’est enfermée dans 2 thèmes propices aux saillies et aux critiques de tous bords : les prix à la pompe et la sécurité. Entre la proposition de bloquer les prix des carburants pour 6 mois, qui est des plus populiste et inutile, ou de l’introduction de récépissés qu’aurait dû remettre les policiers aux personnes soumises à un contrôle d’identité. Or, pour cette dernière mesure, il fallait y réfléchir avant : son cadre juridique est incertain (le Conseil Constitutionnel a menacé de s’y opposer), les syndicats de policiers sont formellement contre, et en nommant Manuel Valls à l’Intérieur, c’était de toute manière signer l’acte de décès de cette mesure. La fermeté affichée suite aux évènements d’Amiens était nécessaire, mais la gauche doit garder en tête que sa politique en terme de sécurité et de justice doit rester "de gauche" ! Il faudrait ainsi sortir du tout-répressif instauré par la Sarkozie, en privilégiant les alternatives à la prison (semi-liberté, bracelet électronique, suppression des peines planchers…) ce qui permettrait de les désengorger, ou bien d’éviter de poursuivre le démantèlement de la justice des mineurs, en faisant que la première condamnation de nombreux délinquants en herbe soit effectivement appliquée, ce qui améliorait probablement son efficacité – tout en abaissant le taux de récidive. 

 

Malgré tout, on ne peut juger un président sur les 100 premiers jours de sa présidence, et c’est bien cela qu’il faut retenir. Cet avis est ce qu’on pourrait appeler une première impression. Chacun pourra, il me semble, se faire un avis à la rentrée de septembre, quand les grandes réformes structurelles seront en route, que ce soit la "refondation" de l’école publique ou la grande réforme fiscale promise par le candidat Hollande. Mais surtout, la priorité est celle-ci : donner un cap, une direction, tout en conservant la cohérence de l’action gouvernementale. On ne tient pas 5 ans sur le (lourd ?) passif de son prédécesseur !

Une réflexion sur « 100 jours de présidence normale, mais où va t-on ? »

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